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Décès de l’écrivain et lauréat du prix Cervantès Jorge Edwards

Décès de l’écrivain et lauréat du prix Cervantès Jorge Edwards

Jorge Edwards, l’une des dernières voix du « boom » latino-américain, n’a pas atteint la célébrité de Borges, Cortázar, García Márquez ou Vargas Llosa. Mais il a un mérite à son actif qu’aucun d’entre eux ne pouvait égaler : avec un seul livre, il a pu irriter un dictateur de gauche et un dictateur de droite au point que tous deux en ont interdit la publication. Le livre est ‘Persona non grata’ et il y raconte son bref séjour, à peine trois mois, en tant qu’ambassadeur du Chili à Cuba, en 1971. C’est son œuvre la plus connue, celle qui est toujours citée et celle qui a sûrement mérité lui le Cervantes en 1999 bien que ce soit strictement le prix de toute une carrière. Edwards, qui avait également la nationalité espagnole depuis 2010, est décédé ce vendredi à Madrid à l’âge de 91 ans.

LES CLÉS

  • Sa carrière
    En plus d’être diplomate, il a également été pendant un certain temps directeur d’une maison d’édition en Espagne

  • Célébrité
    Très apprécié de ses confrères, il n’a jamais atteint la notoriété et le succès populaire des grands du “boom”

L’écrivain chilien est né à Santiago le 29 juin 1931 dans une famille aisée. Il a d’abord étudié chez les jésuites de la capitale chilienne, où il a touché le ciel et l’enfer. Le ciel parce qu’il était l’élève d’un saint au sens strict, puisque son professeur a été canonisé il y a quelques années. L’enfer parce que, comme il l’a reconnu alors qu’il avait déjà plus de 80 ans, il a subi des abus sexuels de la part d’un autre prêtre. Plus tard, il a étudié le droit et, alors qu’il était encore étudiant, il a publié un recueil de nouvelles. Il complète sa formation à Princeton et entame une carrière diplomatique. Le service extérieur l’a amené à occuper des postes importants dans les ambassades de Lima, Paris (à plusieurs reprises) et La Havane.

trois mois comme ambassadeur

Il arrive dans la capitale cubaine en tant qu’ambassadeur envoyé par Allende au plus fort de « l’affaire Padilla ». Sa critique du procès-farce dont le poète a fait l’objet – et qui a divisé à jamais politiquement les auteurs du « boom » – lui a valu la déclaration de « persona non grata » par le gouvernement Castro. La brève expérience en tant qu’ambassadeur, seulement trois mois en fonction, l’a aidé à écrire une chronique qui deviendrait son livre le plus célèbre. Un ouvrage publié en 1973, qui fut interdit à Cuba et aussi au Chili, où Pinochet s’était installé au palais de La Moneda après un coup d’État et menait une répression brutale.

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C’est précisément ce personnage de chroniqueur, au-delà de sa carrière de créateur de fiction, que le jury Cervantes a mis en lumière en lui décernant le prix. Edwards avait alors travaillé en Espagne comme éditeur, était retourné un temps dans la diplomatie -il était ambassadeur à l’Unesco- et avait publié, avec une certaine parcimonie, une série d’ouvrages sur des thèmes urbains. Des œuvres qui font souvent appel à des personnages réels (c’est là qu’apparaît Neruda, sous les ordres duquel il travailla un temps à l’Ambassade de Paris) et qui sont écrites dans un langage élégant et concis, assez éloigné de l’hyperbole du « réalisme magique ».

L’auteur de ‘El peso de la noche’ et ‘El origen del mundo’, ses deux romans les plus lus, était également un chroniqueur passionné qui a publié ses textes dans divers journaux latino-américains et espagnols, dont EL CORREO. Malgré le fait que tout au long de sa carrière, il a remporté de nombreux prix et a été distingué comme Chevalier de la Légion d’honneur en France et avec la Grand-Croix de l’Ordre d’Alphonse X le Sage en Espagne, parmi de nombreux autres honneurs, il n’a jamais atteint la popularité ou la faveur majoritaire des lecteurs dont jouissent les grandes figures de sa génération.

Justement, Cervantès a tenté d’atténuer cette moindre reconnaissance. Vargas Llosa l’a dit lors de l’annonce du prix : “C’est un maître de la biographie, un grand mémorialiste et surtout un grand chroniqueur, qui a réussi à donner à ce genre de chronique une variété inhabituelle.” Certaines valeurs littéraires que les dictatures n’ont pas appréciées.

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