À quoi ressemblent les costumes dans le pays de Quimperlé ?
Pascal Jaouen, brodeur et styliste, fondateur de l’école de Broderie d’Art de Quimper : Il existe une grande diversité dans le pays de Quimperlé. Rien que dans la ville de Quimperlé, plusieurs modes se côtoient. En basse ville, c’est un mixte de mode cornouaillaise et vannetaise, c’est le costume d’artisane. Quimperlé a une richesse de subtilités car la ville est entourée de communes avec des modes différentes. C’est vraiment particulier à cette ville. À Rédené, Guilligomarc’h et Arzano, c’est la mode lorientaise qui est suivie. On retrouve un grand tablier qui recouvre toute la jupe et une coiffe plate portée sur un béguin avec deux petites ailes. Puis, Baye, Le Trévoux, Mellac, Tréméven, c’est la mode avec un gilet et un corset avec un grand col plissé. La coiffe a quatre ailes. À Clohars-Carnoët, la mode est entièrement lorientaise avec une petite subtilité : le chapeau est de l’Aven. Moëlan a sa propre coiffe avec deux ailes et un montage spécifique. Rien qu’au costume, on savait d’où venaient les gens.
Quels étaient les codes ?
Aujourd’hui, nous avons une carte d’identité. À l’époque, c’était le costume qui permettait de dire qui on était. On ne portait pas les mêmes vêtements si on était une jeune femme, mariée, veuve… Cela permettait d’afficher le statut social. La largeur du ruban, les broderies montraient la richesse et forçaient le respect. C’était un moyen de se mettre au-dessus des autres et d’afficher son rang. Les femmes des riches commerçants portaient toujours des cols amidonnés. Les paysannes n’allaient pas traire les vaches avec un col amidonné. Déjà, ce n’était pas pratique et ensuite il fallait payer le repassage. Mais les grandes dames, elles faisaient leur coquette.
Quelles matières étaient utilisées ?
C’était des matières assez lourdes comme les draps noirs de Montauban. Il ne faut pas croire qu’il n’y avait pas de couleurs. Au contraire. Les jupes étaient réalisées avec des cotons satinés. On retrouvait aussi du velours de soie.
Je crois qu’on peut toujours apporter une touche bretonne dans nos tenues
Jusqu’à quand les Bretons ont-ils porté les costumes traditionnels ?
Déjà, après 14-18, les hommes qui rentrent de France, car la Bretagne n’est pas la France à ce moment-là, se rendent compte qu’il existe une mode plus simple. Ils abandonnent les lourds tissus, le lin, le chanvre. Puis, vient l’après 39-45 avec l’industrialisation et la mécanisation des campagnes qui ont apporté des changements radicaux. Les Parisiens viennent en vacances en Bretagne. Les femmes délaissent les costumes traditionnels pour la mode parisienne et citadine. Seul moment de tradition respecté : les jeunes femmes ont tout de même continué à se marier selon la tradition. Dans les années 1970, il ne restait plus que les anciennes pour porter la coiffe.
Le pays de Quimperlé a été une inspiration pour votre travail.
J’ai vécu ici. J’ai eu la chance de croiser pendant mon enfance des femmes qui portaient encore le costume. C’était beau. Je m’apercevais bien, aussi, que c’était une civilisation qui disparaissait et, avec, un peu l’histoire de la Bretagne. Aujourd’hui, je me questionne sur ce qui fait la culture bretonne. Nous avions une identité très forte avant. Il faut que les gens mesurent ce qui a été perdu : la langue bretonne, les costumes… Il n’y a presque plus de bilingues dans la région. Mais je crois qu’on peut toujours apporter une touche bretonne dans nos tenues comme le font les femmes dans le Tyrol en Autriche. Cela peut-être juste se coiffer avec un chignon ou la coiffure de son territoire. Pour moi, ce serait déjà une étincelle.
Et le rôle des cercles ?
Les cercles reproduisent les costumes. On a la chance qu’ils préservent notre patrimoine. Ils conservent aussi l’authenticité en retrouvant les mêmes matières qu’à l’époque. Aujourd’hui, c’est plus facile de trouver les tissus. J’ai commencé à une époque où les mercières étaient moyennement coopératives. J’avais fini par aller directement voir les fournisseurs. Refaire selon la tradition, ça a toujours été mon but.