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Crise au PS bruxellois : guerre de clans, tensions et départs

Crise au PS bruxellois : guerre de clans, tensions et départs

Leur point commun : tous ont soutenu Ahmed Laaouej à la présidence de la fédération bruxelloise en 2019, contre Rachid Madrane. On nous l’assure, il y a eu d’autres réunions avec d’autres mandataires. Mais le symbole que représente la présence de ces six poids lourds du PS bruxellois est puissant.

Le temps passe et la tension monte au parti. Jusqu’à ce samedi matin, lorsque s’ouvre enfin, dans les bâtiments de l’Ihecs, le grand congrès du PS bruxellois, censé faire valider les têtes de liste.

Rudi Vervoort est tout sourire

Rudi Vervoort prend le micro, tout sourire. Le ministre-Président bruxellois annonce les binômes qui emmèneront le parti en juin 2024. Ce sera Ahmed Laaouej et Karine Lalieux à la Région, Caroline Désir et Ridouane Chahid au Fédéral. Rudi Vervoort ne le dit pas, mais lui-même sera 3e à la Région, où il vise la présidence du Parlement bruxellois. Or, ce poste prestigieux, c’est Rachid Madrane qui l’occupe.

Ahmed Laaouej propose de passer au vote.

Rachid Madrane explose. “On ne débat pas? On n’est pas à Moscou ni en Corée du Nord. Déçu de sa place (5e à la Région), il prend la parole. “La répartition des places s’est faite dans l’entre-soi” après s’être “réunis à six dans un repas qui a duré jusqu’aux petites heures”.

“On n’est pas en Corée du Nord !”: c’est la guerre au PS bruxellois, Rachid Madrane renonce à être candidat aux élections

“Ça va Rachid, arrête ton cinéma”

»Oh, ça va Rachid, arrête ton cinéma”, lance Lotfi Mostefa, chef de groupe à Anderlecht. Ahmed Laaouej lui somme de se taire, et “de respecter le camarade Rachid et son droit à s’exprimer”. Le discours de Rachid Madrane se poursuit donc, incisif et revanchard, durant encore plusieurs minutes. Rudi Vervoort, notamment, en prend pour son grade.

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“Il n’est pas improbable que le MR soit premier parti en 2024.

Rachid Madrane mentionne ensuite les derniers sondages, mauvais pour le PS bruxellois. ” Il n’est pas improbable que le MR soit premier parti en 2024. Et que le PTB à notre gauche nous fasse très mal, lance-t-il. À la Chambre, nos adversaires comptent des personnalités éminentes et populaires. Je pense par exemple à la femme préférée des Belges, vous avez vu les sondages : Sophie Wilmès. Il faut donc pouvoir compter sur les candidats qui ont une légitimité. Or, André Cools l’a dit, lorsque la lutte des classes fait place à la lutte des places, on part perdant.”

L’actuel président du Parlement bruxellois annonce alors qu’il ne se présentera pas aux élections. Puis, il quitte la salle, suivi par une poignée de militants – notamment Véronique Jamoulle, députée bruxelloise. Conséquence : le PS bruxellois décide de rapatrier Fadila Laanan, pourtant annoncée seconde à l’Europe, sur la liste régionale.

Véronique Jamoulle quitte le congrès

La tension reste palpable au congrès. Lucien Rigaux, constitutionnaliste, dénonce la procédure interne en tant que délégué de la section d’Etterbeek “La démocratie, ce n’est pas un film à suspense où on est tout content d’avoir des noms à la fin”lance-t-il à l’assemblée. ”Qu’on ne me fasse pas croire que c’est pire aujourd’hui”, conteste Kenza Yacoubi, ex-députée bruxelloise.

Crise au PS bruxellois: “On a reproché à Philippe Moureaux d’être un grand dictateur, mais au moins il respectait les règles internes”

Philippe Close, vice-Président du PS national, prend alors la parole pour calmer le jeu. “Il y a un an et demi déjà, j’ai fait le constat que l’intérêt du parti n’était pas que je sois tête de liste. Parce que j’ai confiance dans nos têtes de listeconfie-t-il à l’assemblée d’un ton apaisant. Faire des listes, c’est toujours un déchirement. Et non, cela ne s’est pas fait en un repas. La procédure, qui nous a été demandée par Paul Magnette est un peu iconoclaste par rapport au passé. Le président souhaite pour des raisons stratégiques présenter tous les binômes en un congrès national unique (NdlR : qui a eu lieu le lendemain, ce dimanche). C’est vrai que ça perturbe le fonctionnement. Des déceptions, il y a en aura, c’est compliqué une liste.”

Habituellement, en effet, c’est à un comité des sages qu’il revient d’émettre une proposition de liste complète. Seules les têtes de liste, traditionnellement, sont proposées par la présidence de la fédération bruxelloise. Cette année, Ahmed Laaouej a toutefois bénéficié de plus de latitude puisqu’il a proposé les premiers et seconds des listes, tout annonçant informellement, à Rachid Madrane et d’autres, une partie des places suivantes.

Les listes socialistes ont finalement été approuvées par les militants à la quasi-unanimité.

Le retour de la guerre des clans ?

Le congrès a rouvert des blessures. ”On a parfois reproché à Philippe Moureaux d’être un grand dictateur, mais au moins il respectait les règles…”, confie Véronique Jamoulle, soutien de Rachid Madrane en 2019.

Est-ce le retour d’une guerre des clans ? C’est fort peu probable. Laurette Onkelinx s’est retirée. Son beau-fils Julien Uyttendaele a quitté le PS bruxellois. Catherine Moureaux est en difficulté à Molenbeek.

L’arrêt maladie de Catherine Moureaux, bourgmestre de Molenbeek, est prolongé

Ahmed Laaouej, par ailleurs, a tenté de rassembler certains anciens opposants, plaçant Karine Lalieux seconde à la Région et Nawal Ben Hamou en 4e position.

”Si Rachid avait été deuxième au Fédéral, on ne l’aurait pas entendu”résume un élu socialiste. Rachid Madrane, au fond, serait surtout déçu de sa mauvaise place. Quant à son “clan”, il n’existe plus.

Ahmed Laaouej et son club des six

Reste donc Ahmed Laaouej, soutenu par les cinq barons bruxellois, qui dirige fédération.

Son pouvoir, forcément, se trouve provisoirement fragilisé par les mauvais sondages, la montée en puissance du PTB, et de la marginalisation (puis le départ) de Julien Uyttendaele comme des tenants de la neutralité de l’État au sein du parti.

Ahmed Laaouej et sa liste, certes, auront fort à faire pour contrer tant le PTB que le MR, et sa stratégie dans les quartiers populaires, mais aussi la candidature inattendue à la Région de Zakia Khattabi, jugée plus redoutable qu’Alain Maron. Le bourgmestre de Koekelberg, malgré tout, conserve ses chances de devenir le prochain ministre-président bruxellois. En dépit des tensions, le PS reste une machine de guerre difficile à contrer quand elle atteint son rythme de campagne.

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