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« Cowboy Carter » : critique du nouvel album country de Beyoncé

« Cowboy Carter » : critique du nouvel album country de Beyoncé

« Ceci n’est pas un album country », a prévenu la musicienne, paraphrasant René Magritte, sans le vouloir peut-être. « Ceci est un album “Beyoncé” », a-t-elle ajouté dans sa missive sur Instagram. L’album d’une Beyoncé qui ne se fixe désormais aucune limite musicale, enfilant sur cet opulent (excessif ?) album concept le country, oui, mais aussi le soft rock, le blues, le hip-hop, le R&B et le house, qui définissait Renaissance (2022), premier chapitre de cette trilogie que l’on qualifiera d’hippique — référence aux montures qu’on la voit chevaucher sur les pochettes. Épique, aussi ? Jusqu’ici, assurément.

Ce n’est donc pas un album country, mais l’album de la représentation que fait Beyoncé de cette culture musicale qui contribue à définir l’identité états-unienne et au coeur de laquelle la musicienne entend rappeler, réaffirmer, la contribution des artistes afro-américains — une démarche semblable à celle entreprise sur Renaissancequi mettait en valeur le travail des Noirs ayant façonné les musiques électroniques.

L’album s’ouvre sur la puissante Requiem américainpresque un numéro de musical (tout l’album, en fait, s’écoute comme un long théâtre musical de 80 minutes), qui revient sur l’accueil sévère, et franchement raciste, que plusieurs lui avaient réservé lorsqu’elle a interprété sa chanson (country) Leçons de papa (de Limonade2016) au gala télévisé des Country Music Awards, et ainsi suscité un débat social sur l’identité du genre musical.

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Tout est là, dans cette première chanson, la motivation de l’artiste née à Houston, au Texas, contrée country sans contredit. Tout de suite après, elle convie autour de sa guitare acoustique les voix de quatre jeunes musiciennes country noires — Tanner Adell, Tiera Kennedy, Reyna Roberts et Brittney Spencer —, qui s’harmonisent magnifiquement sur cette reprise de Merledes Beatles, que Paul McCartney a composée en 1968 pour honorer les neuf de Little Rock, des étudiants empêchés de fréquenter un lycée de l’Arkansas en raison de leur couleur de peau.

Après ces deux coups de poing, la caravane musicale de Beyoncé dérape. On passe de la néo-country-R&B 16 voitures à la chant de la torche populaire Protecteurpuis s’amène Willie Nelson, animateur de l’émission Heure de fumée sur la radio fictive KNTRY. Des 27 chansons de l’album, 6 ou 7 comptent pour des interludes ; Dolly Parton laisse un message vocal à Bey qui sert à introduire sa relecture du classique Jolènedont Beyoncé a modifié le texte. Plus loin, c’est l’icône du black country Linda Martell (82 ans aujourd’hui) qui présente l’improbable Ouais, ouaistexte et mélodie originale citant Bonnes vibrations des Beach Boys, chantée sur un échantillon de Ces bottes sont faites pour marcher’ de Nancy Sinatra et Lee Hazelwood.

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Et en rapiéçant ainsi l’histoire de la pop et du country des quelque 80 dernières années, des Beatles aux Beach Boys, de Fleetwood Mac à Underworld (cités et/ou échantillonnés), de Sister Rosetta Tharpe à Chuck Berry, Beyoncé met côte à côte les récits, noirs et blancs, de ces genres musicaux pour former cette fresque musicale plus ambitieuse encore que l’était Limonademais aussi plus éparpillée. Ainsi, la rythmique trap (mais douce) de Spaghettià laquelle collabore la jeune star country Shaboozey, détonne dans ce gumbo de chansons généralement introspectives, acoustiques et baignées dans les chaleureux arrangements vocaux gospel.

Beyoncé avait promis des surprises sur cet album. Promesse tenue : que viennent donc faire dans cet éloge aux artisans noirs de la musique country Miley Cyrus et Post Malone ? Surprise : de belles choses. Ce duo avec Cyrus (star de la pop, certes, mais qui est l’héritière d’un authentique chanteur country et dont Dolly Parton est la marraine et une mère spirituelle), intitulé II Le plus recherchéest franchement réussi, les chanteuses se donnant la réplique sans chercher à supplanter l’autre. Même Post Malone a l’air d’un vrai bon chanteur sur Jean Levi’s. C’est le monde à l’envers — se dit-on aussi en découvrant Garde du corpsfameuse chanson soft rock logée en début d’album.

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L’art de Beyoncé ne connaît aucune limite musicale, disions-nous plus tôt, avec ses beaux moments et ceux, plus décousus, qui ne gâchent pas vraiment notre appréciation de ce huitième album solo, lequel se termine dans sa zone musicale de confort, sur une enfilade de chansons plus dansantes (Danse de rivière et II Mains II Cielrythmiques house), rap et R&B. La question, maintenant : quel genre musical Beyoncé explorera-t-elle pour le dernier chapitre de cette trilogie ?

Cowboy Carter

★★★ 1/2

Beyoncé, Parkwood/Columbia

À voir en vidéo

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