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Coetzee dans El Prado : “Une image peut être plus fausse que des mots”

Coetzee dans El Prado : “Une image peut être plus fausse que des mots”

2023-07-03 23:24:21

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John Maxwell Coetzee (83 ans) compte parmi ses motifs d’enthousiasme les moments d’exploration des salles du Musée du Prado. À travers galeries et couloirs pour se rencontrer Bosch, El Greco, Patinir, Velázquez, Georges de La Tour… Également à la recherche de ‘El Pasmo de Sicilia’ (1515), connu sous le nom de ‘Caída en el camino de El Calvario’, par Raphaël et son atelier, peut-être la pièce préférée de Coetzee. L’œuvre a survécu à un naufrage lorsqu’au XVIe siècle elle a été déplacée de Rome un Sicile. Un siècle plus tard, il arriva Espagne en 1661 par ordre de Philippe IV. et est resté dans le Alcazar royal de Madrid, où il fut sauvé de l’incendie en 1774. Mais un siècle plus tard, les troupes napoléoniennes l’enlevèrent pour Napoléon. Il revient plus de 100 ans plus tard, en 1882. Il n’est pas étonnant qu’une œuvre aussi secouée, presque un miracle de résistance, figure parmi les favorites de l’insaisissable Coetzee.

écrivain sud-africain, Prix ​​Nobel en 2003, arrivé à Madrid de Perth (Australie), avec échelle en Qatar, le 19 juin dernier. Il a accepté de créer l’un des projets de la galerie d’art : le programme de résidence écrire la prairie, une aventure qui anime Fondation Loewe et la revue Accorder dans le but que des écrivains invités élaborent un texte sur cette pièce, sur le musée, sur certaines des œuvres qu’il abrite, sur un artiste, sur une ombre ou un éclair. Peu importe.

Coetzee a accepté l’invitation. Il a eu un accès complet au Prado pendant trois semaines. Des bureaux à l’atelier de restauration. “Depuis son arrivée, il s’est impliqué dans la vie du musée”, expliquent-ils dans la galerie d’art. «La première tournée qu’il a faite seul. Plus tard avec le réalisateur, Miguel Falomir, et avec le chef de Zone de conservation de la peinture flamande et des écoles du Nord, Alejandro Vergara. D’autres jours, à sa manière, se mêlant au public sans se frotter les uns contre les autres. Et pendant toutes les heures de marche autour d’El Prado, une seule personne l’a reconnu, notre gardien de chambre. Mohamed El Morabet, qui est aussi écrivain. Il a publié un roman en Galaxie de Gutenberg, L’hiver des chardonnerets.

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Si quelqu’un d’autre découvrait que cet individu sinistre et sérieux, aux cheveux blancs et à la barbichette, maigre, au profil de quetzal, est l’auteur de En attendant les barbares, Disgrâce o Journal d’une mauvaise année il n’a rien dit. «Coetzee a été impliqué dans la vie quotidienne du musée avec un effort presque de type stage. Il mangeait à la cantine avec les ouvriers, posait des questions, marchait, Je regardais avec concentration.” disent-ils d’El Prado. Ce qui ressort de ce séjour, le texte sur l’expérience d’habiter la galerie d’art, sera publié par le magazine Granta.

Certaines des clés de ce que sera cette pièce ont été soulignées dans le dialogue que Coetzee a eu hier dans l’auditorium du musée avec son traducteur espagnol, Argentina. Marianne Dimopoulos. La conversation avait une question ouverte formulée comme suit par Coetzee : « Ce qui m’occupe cet après-midi en tant qu’artiste, c’est de réfléchir si nous pouvons aller plus loin et passer de l’interprétation de l’image à sa traduction. Transférez l’image aux mots et que ceux-ci sont des substituts de l’image. C’est possible? La première réponse semble claire : non. Mais l’image, avec sa capacité de séduction, peut être plus fausse que les mots. Alors, comment établir la limite entre vérité et mensonge dans un tableau ? Le langage des images est-il le langage de la vérité ? La réponse est, encore une fois, non. L’image n’est pas l’objet lui-même.

Autour de ce carrefour, Coetzee projette trois ou quatre œuvres sur un écran où peinture, regard et mots s’entrechoquent. Première fable ambulante la tour de Babel (1563), de Bruegel Le jeune, une partie du bas de la Kunsthistorisches de Un. « L’arrogance est dans l’échec de cette tour symbolique : quelqu’un aspirait à construire une structure qui atteindrait le ciel, qui défierait Dieu. La punition pour tant d’arrogance était de faire parler les hommes dans différentes langues, générant le chaos. Si nous étions restés soumis devant Dieu, nous parlerions tous la langue d’Eden, où les choses jouissaient de leurs vrais noms. C’est le début du mot. Le début de la confusion. Le principe de l’incalculable : langues contre langues. Mots contre mots. Des millions de mots dans différentes langues pour dire la même chose. Idéalement ce serait : «Que les images du Prado ne soient pas soumises à la malédiction de Babel. C’est-à-dire qu’ils pouvaient pénétrer notre esprit et notre cœur, à travers nos yeux, sans aucun intermédiaire. Mais nous n’avons pas d’autre choix que d’interpréter.” Et interpréter, c’est traduire, couler dans des mots parfois étroits.

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C’est là que jaillit la curiosité (presque une obsession) de Coetzee pour la traduction, pour les images et pour les possibilités des langues. Quelques œuvres du Prado et de l’extérieur du Prado lui servent à voir le rapport entre l’art plastique et ces mots qui disent presque tout : le Saint Jérôme lisant une lettre (1627-29), de Georges de La Tour; o à jeune homme lisant une lettre (1657-1659), de Vermer. “Le poids des mots conditionne également les images”, explique Coetzee. « Regarder activement un autre être vivant n’est pas un processus d’enregistrement neutre. Au contraire, il est plein de ce que les psychologues appellent affect et que nous définissons comme sentiments. C’est pourquoi regarder, ce n’est pas seulement regarder (peu importe une œuvre ou une personne), mais savoir ressentir ce qui nous arrive devant eux. Ce que cette traduction de l’image en un mot nous révèle, nous évoque, nous révèle».

Mais Coetzee a proposé des œuvres plus intraduisibles. Par exemple, le portrait de Pape Innocent X (1650), de Vélasquez, logé dans le Galerie Doria à Rome. Probablement l’un des meilleurs portraits de l’histoire de la peinture pour sa profondeur psychologique. “Ce regard, à la fois agressif et défensif, ne peut être capturé par des mots”, explique l’auteur de L’enfance de Jésus. Il a également choisi la autoportrait (1815) de Goya. «Ici aussi, ce n’est pas l’aspect typique du portrait. Le regard avec lequel le modèle Goya rencontre le portraitiste Goya n’aspire pas à l’avenir, peu importe comment les Madrilènes le voient en 2023 ». quelque chose de différent de ce qui se passe dans Le peloton d’exécution de Torrijos et ses compagnons sur les plages de Malaga (1888), par Antoine Gisbert, où ce qui compte, au-delà des informations historiques de la grande toile, c’est le regard. «Le regard d’un homme, Torrijos, sur le point d’être exécuté, inquiet de ce qu’il resterait pour l’histoire… L’art de Velázquez ou de Goya offrait les outils pour capter le regard des autres sans avoir besoin de mots. Ces portraits ne sont pas des transcriptions, mais un enregistrement inédit qui s’offre à nous sans médiation verbale. Il n’y a pas de roman, il n’y a pas de poésie, il n’y a pas d’essai qui atteigne la puissance de ces regards ». Le pari de Coetzee est qu’une traduction des images en mots n’est pas possible. Surtout quand il s’agit de grand art, celui qui impacte directement l’insolite.

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Le dialogue entre Coetzee et son traducteur espagnol a conduit à l’échec du projet que le dernier roman Nobel, Le polonais, lire plus tôt dans la traduction espagnole que dans l’original anglais. L’anglais dans lequel ce texte est écrit est désincarné, manquant (à dessein) de solidité sémantique et phonétique. Il y a deux raisons pour lesquelles le livre vit dans cet espace nul. La première est que j’ai affamé la nouvelle, ne voulant pas lui donner les aliments indigènes dont elle avait besoin. Et en plus, quand je l’écrivais, j’étais dans un état de désillusion vis-à-vis de l’anglais comme force politique mondiale et je voulais souligner ma rupture avec lui. Ce que j’ai proposé, c’est que le texte anglais, une fois traduit en espagnol, soit retiré afin que la version espagnole donne naissance à une multiplicité de traductions»

Et ce qui est arrivé? « Que le plan n’a pas survécu aux forces supérieures opérant dans l’industrie de l’édition. Dans France, Pologne, Japon et d’autres pays ont refusé de traduire de l’espagnol. Ils ont exigé de le faire à partir de la version anglaise originale. Bien que pendant huit mois, la seule version du livre qui existait était en espagnol. Je ne doute pas que si j’avais écrit Le polonais en albanais et qu’il n’y avait qu’une seule version traduite en espagnol, ils auraient choisi de la traduire depuis l’espagnol. Parce que? Par le pouvoir de l’anglais… Mais j’ai perdu ce combat». C’est l’avant-dernier défi de Coetzee. Il y aura un deuxième tour. Il l’a laissé entendre au musée du Prado, entouré d’images qui ne demandent pas toujours de mots.

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