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Climate Change in Texas: Ignoring the Warning Signs

Climate Change in Texas: Ignoring the Warning Signs

Les visiteurs qui investissent les hôtels et les appartements de South Padre Island n’ont généralement pas les idées assez sombres pour penser à autre chose qu’aux joies du tourisme balnéaire, de la pêche et du far niente. La destruction, en décembre 2009, d’une carcasse en béton de trente étages, qui aurait dû devenir Ocean Tower, un luxueux immeuble résidentiel, avait bien alerté sur la fragilité du site : la construction, entamée trois ans plus tôt, avait dû être abandonnée en raison de l’instabilité des fondations. Mais un développement urbanistique somme toute limité, qui laisse d’immenses champs de dunes dans une solitude que rien ne vient troubler, ne permet pas de soupçonner que l’île est aux avant-postes d’une possible catastrophe, liée au changement climatique. Comme d’autres territoires côtiers plus au nord, à Galveston et même à Houston, South Padre Island pourrait être submergée en cas de montée du niveau des mers.

Des vagues de chaleur sans précédent

La menace qui pèse sur “le seul paradis tropical du Texas”, ainsi que les autorités locales vantent leur “oasis”, rappelle une réalité méconnue : le Texas est l’un des États de l’Union les plus exposés aux conséquences du changement climatique, sinon le plus exposé. Depuis 2001, il est invariablement en tête du classement national en nombre de catastrophes naturelles causant des pertes chiffrées en milliards de dollars. Sur les 130 comtés américains jugés les plus à risque, sur un total de quelque 3 000, 24 se trouvent au Texas et il y a, parmi eux, le troisième comté le plus peuplé du pays, Harris County, dont Houston est le chef-lieu.

L’été dernier a été globalement le deuxième plus chaud jamais enregistré au Texas, après celui de 2011, mais le mois de juillet a battu, à lui seul, tous les records depuis qu’on a commencé à compiler les températures en 1850. Le golfe du Mexique est la région du monde qui voit le niveau des mers s’élever le plus rapidement. Inondations ou sécheresses, les événements extrêmes se sont multipliés avec une fréquence sans précédent, s’ajoutant aux traditionnels ouragans pour semer la désolation à travers cet État qui est le deuxième du pays en superficie (après l’Alaska) et en population (après la Californie). En août de l’année dernière, les services de secours ont dû répondre à plus de 500 feux de forêt – trois plus qu’un mois d’août ordinaire. Et, il y a quelques semaines, des feux d’une ampleur jamais vue ont dévasté le Panhandle, l’extrémité septentrionale du Texas en forme de “manche de poêle” que traverse la mythique route 66. On n’était qu’en février…

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Les bienfaits du gaz à effet de serre

Malgré cette accumulation de signaux alarmants, les responsables politiques républicains du Texas sont dans le déni et l’inaction, mettant en doute les conclusions des scientifiques, ignorant leurs mises en garde, et leur opposant des théories fumeuses. En 2015, lors d’un débat sur le changement climatique au Capitole, à Washington, le sénateur Ted Cruz n’avait pas craint de soutenir que les émissions de dioxyde de carbone avaient rendu la planète plus verte qu’elle n’était auparavant. Cela aurait été bien commode car le Texas est le plus gros émetteur de gaz à effet de serre en Amérique. Il en produit deux fois plus que la Californie, pourtant plus peuplée, et, s’il était un pays, le Texas en serait le huitième plus gros émetteur dans le monde.

Comme tous leurs collègues républicains, les deux sénateurs du Texas, John Cornyn et Ted Cruz, avaient voté en août 2022 contre l’”Inflation Reduction Act”, un vaste projet de développement et de modernisation préparé par l’Administration Biden qui inclut le plan d’investissements le plus ambitieux jamais présenté en faveur du climat. Quelque 800 milliards de dollars sont affectés à la promotion des énergies renouvelables et à la lutte contre le dérèglement climatique, notamment l’adaptation aux épisodes de sécheresse récurrents – un fléau qui frappe particulièrement le Texas. Non seulement les Républicains s’opposent ainsi à des lois susceptibles d’aider leurs concitoyens, mais ils s’évertuent également à mener des politiques qui favorisent les phénomènes météorologiques extrêmes. Le gouverneur Greg Abbott entend exclure les énergies renouvelables de tous les programmes de soutien à l’économie. Il préconise une révision à la baisse de l’engagement public dans l’éolien et le solaire.

Des manuels scolaires qui dérangent

Sans doute assiste-t-on au combat entre deux Texas, les maires démocrates des grandes villes prenant, quant à eux, dans la limite de leurs compétences, des mesures destinées à contrer les effets négatifs du changement climatique. La lutte est, cependant, inégale. Il est difficile de vouloir renoncer aux énergies fossiles quand le pétrole et le gaz ont fait l’histoire du Texas et contribuent toujours à sa prospérité. Il est plus compliqué encore de changer les mentalités, surtout quand elles sont enracinées dans des croyances irrationnelles. La querelle des livres scolaires l’a récemment rappelé. En novembre dernier, le Bureau de l’éducation de l’État, dont la majorité des quinze membres sont républicains, a rejeté sept des douze nouveaux ouvrages scientifiques destinés aux élèves de 8e année (la dernière de l’enseignement secondaire inférieur avant le passage en “high school” : ceux qui la fréquentent ont 13-14 ans).

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La religion comme ultime rempart

Pour la première fois, une révision des programmes impose qu’on parle aux élèves texans du changement climatique. Mais la majorité républicaine a visiblement estimé qu’il ne fallait pas en faire trop, et a condamné les livres qui soit proposaient trop explicitement des solutions politiques aux problèmes du climat, soit étaient édités par des entreprises qui donnent l’exemple par une gestion de pointe, dite “ESG” (Environmental, Social, and Governance). Le Texas est un des derniers États à ne pas avoir adopté les “Next Generation Science Standards”, des normes pédagogiques qui postulent notamment que le changement climatique est bien réel, qu’il est grave, causé par l’homme et peut être combattu grâce à des actions appropriées comme la réduction des gaz à effet de serre. Les conservateurs au pouvoir à Austin, minimisent, au contraire, voire nient tout bonnement le rôle joué par l’homme dans le changement climatique, estiment au mieux qu’il n’y a pas de consensus scientifique en la matière, contestent à la science le monopole de la vérité, et veulent que la religion occupe une place centrale dans la réflexion – et dans les manuels scolaires.

Un impact sur la santé mentale

Cette fuite en avant est d’autant plus incompréhensible que le Texas voit les défis climatiques s’enchaîner comme une cascade de dominos. Les vagues de chaleur – il faisait déjà 30 °C fin février dans le Sud – provoquent des sécheresses récurrentes et des pénuries d’eau, ce qui affecte l’agriculture (notamment les rizières et les plantations de pacaniers) comme l’élevage : dans les ranches, il a fallu souvent réduire les troupeaux. Le réchauffement expose les Texans à des maladies nouvelles, des infections virales d’origine tropicale comme la dengue ou le Zika, que transmettent les moustiques. Ce qu’on connaît moins, et que des études ont mis en évidence, c’est l’impact des fortes températures sur le comportement et la santé mentale. Elles favorisent la dépression et les idées suicidaires, mais aussi les attitudes antisociales, la violence et la criminalité. Il n’est pas jusqu’à la maltraitance infantile qui n’augmente notoirement avec la chaleur, sans doute parce que les parents, eux-mêmes en souffrance, sont moins disponibles ou attentifs.

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La vigueur du changement climatique est telle que d’aucuns posent la question : le Texas restera-t-il vivable ? Les épisodes de canicule prolongés ne pourront être supportés qu’avec la climatisation dans les logements et les lieux de travail. Encore faut-il que toute la population puisse en disposer – et que la production électrique suive. Or, c’est loin d’être le cas et, font valoir les détracteurs du gouvernement républicain, ce n’est pas en freinant l’essor des énergies renouvelables qu’on répondra à une hausse considérable de la consommation électrique. Aussi des experts envisagent-ils d’ici à la fin du siècle des déplacements conséquents de population, d’abord des régions côtières menacées par la montée des eaux vers l’intérieur de l’État, puis vers le nord du Texas et au-delà. Cela pourrait constituer, disent certains, la deuxième migration d’importance dans l’histoire des États-Unis après celle que provoqua la Grande Dépression dans les années 1930.

Mouvement démographique et… électoral

Pareil scénario défie l’imagination, à plus forte raison que, pour l’heure, le mouvement démographique se fait en sens inverse. Le Texas – à tout le moins ses villes progressistes, comme Houston – attire des milliers de nouveaux résidents, qui fuient notamment le coût de la vie prohibitif sur la côte Ouest et sont séduits par un dynamisme économique fondé sur l’innovation technologique. Couplée à l’immigration latino-américaine, cette relocalisation de jeunes entrepreneurs nourrit le glissement de ce qui était un solide bastion républicain vers un futur “swing state” où les Démocrates seront en capacité de prendre le pouvoir. Dans ce contexte, il est piquant de voir les politologues s’interroger sur l’impact que pourrait avoir, sur la carte électorale américaine, l’éventuelle migration massive de conservateurs texans vers le Midwest, par exemple, où les majorités démocrates ne tiennent parfois qu’à un fil.

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