« Ateliers relooking, conseils en maquillage, séance de manucure… » Le contenu des programmes proposés par certaines villes du Val-d’Oise à l’occasion de la journée internationale des Droits des femmes, ce mercredi 8 mars, a parfois de quoi surprendre. Oscillant entre espoir et effarement, le collectif féministe Héroïnes 95 a décidé d’éplucher les communications municipales afin d’établir un classement qui, s’il ne se targue pas d’exhaustivité, donne en tout cas matière à réflexion. « Le 8 mars est une journée de revendication, c’est l’occasion de rappeler la lutte historique pour les droits des femmes et leur donner une visibilité », rappelle le collectif. « Or c’est effrayant de constater que beaucoup de communes ne font rien à cette occasion ou alors proposent des choses qui renforcent les stéréotypes sexistes. »
Héroïnes 95 a passé au crible la communication de 33 villes de tailles différentes, afin de garantir une certaine représentativité aux statistiques. Premier constat sur toutes ces communes, « 13 ne font rien, 6 proposent des activités sans rapport avec les droits des femmes, 14 abordent les droits et/ou l’égalité, mais la plupart des villes renforcent des stéréotypes sexistes : féminité, soins, maternité…. »
Des programmes « assez surréalistes »
Tout au long du « mois de la femme », proposé par Argenteuil, on passe d’un extrême à l’autre. D’un côté on évoque les combats d’Olympe de Gouges, de Louise Michel et des suffragettes (exposition à la Maison des femmes jusqu’au 30 mars) et de l’autre on trouve un nombre très conséquent d’ateliers « relooking, customisation de sacs ou maquillage au naturel. » Le 8 mars s’ouvre sur une surprenante « découverte des métiers féminins de la restauration collective » suivie d’une « visite du service gériatrie ».
À l’inverse de cette approche pour le moins sexiste, deux semaines plus tard est organisée « une table ronde sur le thème les métiers n’ont pas de genre », pointent Lou et Eina les deux militantes féministes qui ont réalisé l’étude. « C’est assez surréaliste. Il y a des choses intéressantes, mais à côté on a des séances relooking, sophrologie, salon de beauté qui renforcent les stéréotypes sexistes, ceux-là même on le sait qui sont à la base des violences faites aux femmes. »
À Franconville, on va parler… couture
Au sein de la mairie d’Argenteuil, qui propose aussi des tarifs réduits pour les femmes le 8 mars à la piscine et la patinoire, on insiste sur le fait que la municipalité a fait le choix de s’investir sur le sujet des Droits des femmes durant un mois complet, ce qui est déjà une volonté politique en soi. « Nous avons beaucoup d’événements traitant des violences faites aux femmes ou de sujets qui sont vraiment dans la thématique du 8 mars », pointe le cabinet du maire.
« Le programme a été construit par les différents services de la ville, et nous avons aussi fait en fonction des demandes du public ce qui explique l’existence de certains ateliers. » Concernant la « découverte des métiers féminins de la restauration collective », la municipalité reconnaît « une mauvaise formulation. L’idée c’est de faire découvrir la réalité de ces métiers aux femmes sachant qu’elles sont nombreuses à postuler sans vraiment savoir à quoi s’attendre. »
Dans le même registre à Eaubonne on célèbre la Journée internationale des droits des femmes via une séance de méditation et relaxation, puis une séance de manucure avant d’enchaîner sur un plus louable « brunch’O’droits. » À Franconville, la seule proposition se résume à une après-midi intitulée « la femme sous toutes ses coutures », une projection rencontre au cours de laquelle on va parler… couture. « L’objectif de notre classement est de rappeler les élus à leurs responsabilités », pointe Eina d’Héroïnes 95.
« Tirer la sonnette d’alarme »
« Ils sont censés promouvoir des valeurs républicaines. Nous voulons tirer la sonnette d’alarme en attirant l’attention sur l’incohérence des programmes de cette journée. Le 8 mars ne doit pas non plus être un prétexte pour vendre quelque chose. » Ainsi à Sannois, la ville promeut la seule initiative organisée autour de la Journée du Droit des femmes : les commerçants du marché ont offert le 5 mars « à leurs clientes un cabas réutilisable ».
On peut s’interroger également sur le ciné-débat organisé à Montmagny dont le thème laisse songeur : « comment être à la fois fille, mère, épouse, femme et s’épanouir ? ». Le rendez-vous a lieu après un « atelier création de produits cosmétiques ». La mairie défend son programme, tout en saluant l’initiative d’Héroïnes 95. « La charge mentale, c’est le quotidien des femmes, il ne faut pas être fermé au débat », estime Elvire Teno, adjointe au Maire déléguée à l’égalité femme/homme. L’élue explique s’être adressée à ses administrés. « Nous leur avons demandé ce qui leur ferait plaisir, si c’est avoir un temps pour soi en faisant des produits cosmétiques, pourquoi pas ? Nous nous adaptons aux habitants. »
Montmagny confirme en tout cas son intention de « faire avancer les droits des femmes. » Comme d’autres communes val-d’oisiennes dont les actions sont d’ailleurs saluées par le collectif Héroïnes 95 qui décerne les trois meilleures places de son classement à Villiers-le-Bel, Cergy et Sarcelles. « Cergy propose des événements très participatifs (des quiz sur l’égalité, un jeu débat sur les métiers genrés) c’est notable », souligne Eina. Villiers-le-Bel lance également une « balade pour transformer la ville au féminin » ou encore des concertations avec les habitants sur le thème « comment rendre ton quartier égalitaire. » Autant d’initiatives qui s’inscrivent à 100 % dans l’esprit du 8 mars pour les féministes.