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Biopolitique, 30 ans après. Validité de Michel Foucault – La santé mentale dans les moments difficiles

Biopolitique, 30 ans après.  Validité de Michel Foucault – La santé mentale dans les moments difficiles

2014-02-16 13:01:55

L’œuvre de Michel Foucault (1926 -1984) continue d’être l’une des références intellectuelles les plus importantes pour comprendre la relation entre la société et les troubles mentaux. Pour Foucault, les catégories de folie, de délinquance ou de déviation sexuelle se construisent à partir de discours politiques à normaliser. Dans cette perspective, il faut tenir compte du fait qu’être différent n’est pas la même chose qu’être malade.
La question fondamentale que se pose Foucault, et il est à noter qu’il se la pose alors qu’il est encore un jeune étudiant qui termine sa formation à l’hôpital Sainte Anne de Paris, peut difficilement être plus claire et plus dirigée vers le fond du problème. que nous préoccupe : “J’avais aussi suivi des études en psychopathologie, une soi-disant discipline qui n’enseignait pas grand-chose. Alors la question s’est posée : comment si peu de connaissances peuvent-elles porter autant de pouvoir ?” (1975).
Foucault se demande pourquoi la société délègue un si grand pouvoir aux professionnels de la santé mentale, et se demande si ce n’est pas parce qu’ils remplissent une certaine fonction de contrôle social au service des intérêts du système, pas tant en raison de la valeur de leurs connaissances scientifiques, qui, comme il le soulignera dans ses ouvrages, ont été très rares à certaines étapes historiques, sans que cela ait diminué le moins du monde leur pouvoir.
Pour Foucault (1973, 2003) le diagnostic psychiatrique n’est pas quelque chose d’objectif, de neutre, mais est lié à ce qu’il appelle la « biopolitique » (1979) qui serait la tentative par le pouvoir de contrôler la santé, l’hygiène, l’alimentation, la sexualité, la naissance puisqu’elles constituent questions politiques, principalement depuis le XVIIIe siècle. Foucault introduit aussi (1966) le concept d'”épistémè” qui serait la structure de pensée propre à chaque période historique. Ainsi, la psychiatrie n’est pas une science exacte, mais est conditionnée par l’épistémè du moment historique. En soi, comme le démontre la psychiatrie interculturelle (et Karen Horney le soulignait déjà avec beaucoup d’acuité dans les années 50), nous n’avons même pas encore de définition de ce qu’est la santé mentale ou le trouble mental, car cela dépend du contexte social et culturel. , évidemment lié aux relations de pouvoir.
Dans l’un de ses premiers livres « Histoire de la folie à l’époque classique » (1964) Foucault rappelle qu’au Moyen Âge la folie était considérée comme un mystère sacré faisant partie du vaste champ de l’expérience humaine. De même, à la Renaissance, elle était considérée comme une forme particulière de raison de type ironique qui montrait l’absurdité du monde. La folie était à la fois tragique et comique. Cette image se cristallise dans le navire des fous, un groupe de personnes qui étaient en dehors de la société, mais qui étaient aussi considérées comme des pèlerins en quête de raison et par extension de la raison du monde, représentant le lien entre l’ordre et le chaos. Comme le souligne Downing (2008), Foucault soutient qu’au Moyen Âge et à la Renaissance, la folie était considérée comme un phénomène humain intégral. La folie s’opposait à la raison, mais comme un mode d’existence humain alternatif, non comme son simple rejet. Il voit dans ce vers “L’éloge de la folie” d’Erasme ou les tragédies de Shakespeare. Jusqu’aux Lumières, la folie était perçue comme un lieu imaginaire, un lieu de passage entre le monde et ce qui se cache derrière, entre la vie et la mort, entre le tangible et le sacré.

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Avec l’arrivée de l’âge classique (XVIIe et XVIIIe siècles) le grand changement s’opère, puisque la folie devient déraisonnable, quelque chose de lié à l’inhumain, à l’opposé du rationnel dans l’approche cartésienne. Avec l’avènement de la thérapie moderne, le fou réintègre la société mais est soumis à une thérapie morale. Ainsi Foucault critique la figure de Pinel, objet de grande admiration dans l’histoire de la psychiatrie, puisqu’il a libéré les fous de Bicêtre de leurs chaînes en 1793 ou la figure de Samuel Tuke en Angleterre qui a fondé un asile quaker pour fous. Comme le souligne Downing (2008), ni l’un ni l’autre n’étaient pour Foucault des philanthropes proprement dits, ni n’introduisaient un tournant humanitaire dans le traitement de la folie, comme nous l’a montré l’histoire de la psychiatrie. Ainsi, il considère que le traitement de Tuke avait en réalité une forte composante de moralité bourgeoise puisque ce qu’il cherchait était que le comportement de la personne aliénée ne perturbe pas la moralité de la société. Pour Foucault, Tuke substitue la terreur de la folie à l’angoisse de la morale bourgeoise. Comme on le sait, Tuke organisait des “tea parties” où il apprenait aux fous à se montrer de manière polie et selon les normes sociales établies. Pour Foucault, en réalité, Tuke ne leur permet pas de s’exprimer. De son côté, à propos de Pinel, Foucault considère que l’asile dans lequel les aliénés continuent d’être gardés est aussi un régime d’autorité. Le fou est maintenant libéré de ses chaînes, mais il est prisonnier de la morale bourgeoise

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Après tous ces changements survient un autre d’une grande actualité : à la fin des Lumières, le fou devient « malade mental ». Mais l’autorité du médecin n’est pas scientifique, c’est l’autorité conférée par la société. Ainsi, l’utilisation du terme maladie légitime le travail du médecin. Comme le souligne Dawning (2008) pour Foucault, depuis les Lumières, le nouvel espace social de la folie est devenu un objet de connaissance. Le personnage du médecin, du psychiatre, du psychologue, constitue le sujet de ce savoir.
Mais quelle est la validité des travaux de Michel Foucault dans le monde profondément globalisé d’aujourd’hui, dans la société de l’information, dans une société soumise à la psychiatrisation du DSM ? De nouveaux auteurs, comme le philosophe coréen-allemand Byung-Chul Ham, soutiennent que nous passons d’une société disciplinaire à une société de performance (le paradigme entrepreneurial, “oui, nous pouvons”) et une société d’auto-exploitation, une société en où émergent de nouvelles formes de biopolitique. Nous passons de la société des murs des hôpitaux psychiatriques et des prisons, à la société des gymnases et des centres commerciaux, dans laquelle la dépression occupe une place de plus en plus pertinente.
C’est pour discuter de toutes ces idées en profondeur et dans un espace de liberté, pour lequel nous avons organisé une conférence intitulée “Biopolitique, 30 ans après”, le vendredi 7 mars à l’Aula Magna de l’Université de Barcelone, avec le collaboration du JOURNAL PUBLIC. Tomás Ibáñez, Federico Javaloy, Miguel Morey, Jorge de los Santos, Joseba Achotegui, Toni Talarn, María Palacín et Josep Baptista Trobalón ont participé
Aucune inscription n’est requise et l’entrée est gratuite. On vous attend!!!!

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PROGRAMME

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