Biden prend des risques en se rendant en Israël en temps de guerre

• Ryan Ermine

  Correspondant aux États-Unis

« L’Amérique soutient pleinement Israël. » C’est avec ce message que le président américain Joe Biden se rend en Israël, un jour après la mort de centaines de personnes dans un hôpital de Gaza et à la veille d’une éventuelle offensive terrestre israélienne contre le Hamas.

Même avant le départ de Biden, la Jordanie a annulé un sommet prévu avec lui. À Amman, le président s’entretiendrait avec le roi Abdallah, le président égyptien Sissi et le président palestinien Abbas. Désormais, Biden se rend seul en Israël, en tant que premier président américain à se rendre en Israël en temps de guerre. Et cela comporte des risques politiques majeurs.

Biden a été qualifié de président le plus pro-israélien. En tant que sénateur et vice-président (2009-2017), il s’est activement engagé dans le soutien diplomatique, financier et militaire au pays. Il aime parler de sa rencontre avec le Premier ministre israélien Golda Meir dans les années 1970 et s’est qualifié à plusieurs reprises de sioniste, indiquant qu’il soutient un État juif.

Pourtant, dans ce conflit, les intérêts américains ne sont pas entièrement en phase avec ceux du gouvernement israélien. Biden espère trouver une oreille attentive à Tel Aviv en raison de son histoire avec Israël.

L’Amérique espère pouvoir freiner quelque peu les représailles israéliennes à Gaza. Selon son secrétaire d’État Anthony Blinken, Biden réitèrera qu’Israël a le droit et l’obligation de se défendre contre le Hamas et d’autres terroristes pour prévenir de futures attaques. Mais Biden exprimera également ses inquiétudes face à la crise humanitaire et au nombre croissant de victimes civiles à Gaza.

Blinken : « Le président entendra Israël expliquer comment il mènera ses opérations militaires de manière à minimiser les pertes civiles et à permettre des secours aux civils à Gaza sans bénéficier au Hamas. »

Cela semble ferme et strict, mais la question est de savoir si Biden a réellement autant d’influence sur le cabinet de guerre de cet autre vétéran, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Tous deux se connaissent depuis des années, mais leurs relations se sont récemment refroidies, notamment en raison des critiques de Biden à l’égard du projet de Netanyahu visant à réformer radicalement le système judiciaire israélien. Ces critiques se sont désormais apaisées, mais elles ont clairement montré que les relations entre les deux dirigeants ne sont plus aussi cordiales.

Biden souhaitait également s’exprimer ailleurs dans la région. Après sa visite à Tel Aviv, il se rendra à Amman, la capitale jordanienne, pour une rencontre avec le roi Abdallah et le président égyptien Sissi. Mais la Jordanie a annulé ce sommet hier soir. Le président Abbas de l’Autorité palestinienne avait déjà annulé ; il veut être avec son gouvernement à Ramallah après le massacre de l’hôpital de Gaza.

La visite de Biden doit également être considérée comme un avertissement adressé au Hezbollah et à son allié l’Iran, leur indiquant qu’ils ne devraient pas utiliser le conflit pour attaquer Israël depuis le Liban. La question est de savoir s’ils ne l’avaient pas déjà compris par l’arrivée de deux porte-avions américains et la préparation de 2 000 soldats américains capables de soutenir Israël en leur apportant conseils et assistance médicale si nécessaire.

Il s’agit de mesures majeures que l’Amérique souhaite prendre en tant qu’allié le plus important d’Israël, mais elles comportent des risques politiques. L’accueil glacial de Blinken en Arabie saoudite et en Égypte montre que la pression s’accentue également sur les États-Unis pour qu’ils fassent davantage pour atténuer la crise humanitaire dans la bande de Gaza. Blinken n’a également reçu aucune réponse lorsqu’il a demandé à l’Égypte d’ouvrir le poste frontière de Rafah. Biden réussira-t-il là où son propre ministre a échoué ?

Et puis il y a l’autre grande priorité : la libération des otages israéliens par le Hamas. Les États-Unis discutent avec le Qatar et l’Égypte, pays en contact avec le Hamas. Les observateurs se demandent si le soutien de Biden à une offensive terrestre israélienne ne rendra pas réellement la libération des otages plus difficile.

C’est un pari politique que le président américain semble prêt à prendre. Il réfléchit également à sa réélection l’année prochaine. Pour un usage domestique, cette visite lui permet de montrer le contraste avec son principal adversaire, Donald Trump. Après les attentats, il a critiqué Netanyahu et qualifié le Hezbollah de « très intelligent ».

Des sondages récents montrent un large soutien à Israël parmi les Américains. Mais surtout parmi les démocrates, le parti de Joe Biden, ce soutien n’est plus aussi évident. Un nombre croissant de membres progressistes du Congrès sont ouvertement pro-palestiniens et appellent à un cessez-le-feu et à une aide d’urgence immédiate à Gaza.

La Maison Blanche doit également essayer de conserver ces représentants critiques, car leur soutien est nécessaire pour obtenir des fonds supplémentaires pour Israël au Congrès.