Bagnolet : en « exil » sur sa nouvelle parcelle, le berger des Malassis se met au rap

Le berger passe son premier été dans sa nouvelle bergerie, située rue Auguste-Blanqui, à quelques dizaines de mètres seulement de celle qu’il avait créée en 2011 en plein cœur des Malassis à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), quartier prioritaire de la politique de la ville.

En octobre dernier, après une longue négociation avec la mairie, ce quadragénaire a dû déménager pour libérer son terrain afin d’y permettre la reconstruction et l’agrandissement de l’école maternelle Pêche d’Or. Désormais, il n’y a plus que treize chèvres qui vivent dans sa bergerie, contre une trentaine auparavant. Les autres ont trouvé refuge, faute de place, en Normandie ou près de Chelles (Seine-et-Marne).

« On a été contraint de déménager, mais on est bien installé, estime Gilles Amar. On s’est bougé pour reconstruire la bergerie. Notre association Sors de terre continue ses activités sur le quartier, on se développe. On entretient des terrains sur la commune, aux Courtillières à Pantin, où on fait du pâturage. On devrait bientôt travailler avec la ville de Bobigny ».

Pour l’instant, la bergerie garde sa quiétude. Les travaux de l’école, que la mairie espérait ouvrir en septembre 2024, n’ont toujours pas commencé. L’ancien terrain n’est pas encore bétonné. Devant sa grille d’entrée, l’association a mis un panneau indiquant que la bergerie est en « exil » à quelques mètres de là. À l’issue du chantier, elle est censée s’installer sur une parcelle de 1 500 m² située à côté de l’école. Un square public de 1 000 m² est également prévu dans le programme.

Un morceau sur la « banlieuserie », « une bulle d’air pur dans l’odeur de pipi »

Gilles Amar, lui, espère encore pouvoir récupérer cette dernière parcelle. « Les habitants ont tout à gagner d’avoir une grande bergerie de 2 500 m² plutôt qu’un petit parc et une plus petite bergerie, estime-t-il. Mais les travaux de l’école n’ont pas commencé, alors tout cela nous parait bien loin pour l’instant. On préfère rester focalisé sur ce qu’on a aujourd’hui. Après le traumatisme qu’on a vécu, les gens sont contents qu’on soit là. Nous, ce qu’on veut, c’est continuer à créer du lien dans le quartier. On aimerait aussi devenir un vrai lieu culturel reconnu. »

Des concerts sont régulièrement organisés à la bergerie. Le prochain est prévu le 30 août. Gilles Amar aura peut-être l’occasion d’y pousser la chansonnette, lui qui vient d’écrire un rap avec son copain Abdel le Magnifique et DJ S.O.A.P., un artiste de Bagnolet.

Il y raconte son quotidien — « Quand je sors le troupeau, montée d’adrénaline » —, y parle de Zaza sa « meilleure copine ». « À la bergerie, c’est pas toujours rose, y’a des jours où c’est classe, des jours où j’explose, des jours où ça chie, des jours où ça fleurit, mais viens pas foutre la merde dans notre banlieueserie », y entonne-t-il. Le berger poursuit : « Ici, les vedettes, c’est les boxeurs, les lutteuses, les rappeurs, eh bah moi je suis éleveur (…) À ceux qui se demandent ce qu’est une banlieuserie, c’est un coin pépère où faut pas chercher d’ennuis, une bulle d’air pur dans l’odeur de pipi. »

« Je voulais écrire un livre sur la banlieuserie mais je n’ai pas eu le temps, alors je l’ai évoquée dans ce rap en attendant, sourit Gilles Amar. J’ai toujours écouté du rap. J’adore ça. On a écrit cette chanson en une soirée, mais elle ne sera pas la dernière. » En attendant, il invite tous les habitants à venir découvrir ses nouveaux locaux, où comme le dit sa chanson, « les gens savent qu’en cas de soucis, y’a toujours un sourire, une chèvre, un verre de whisky, notre fantaisie ».