Une jeune femme méconnaissable casse une cigarette en deux pour arrêter de fumer. Concept de tabagisme et de dépendance. SANTÉ – « Dire qu’arrêter de fumer fait prendre 20 kilos, c’est complètement faux », soupire Anne-Laure Laratte, diététicienne nutritionniste spécialisée en addictologie. Un lieu commun contre-productif qui tend à angoisser celles et ceux qui veulent arrêter la cigarette, dans une société où la prise de poids est stigmatisée et associée à une mauvaise santé.
Et si, de l’effet « coupe-faim » de la nicotine aux grignotages qui aident à tenir le coup, l’arrêt du tabac influence notre rapport à l’alimentation de bien des manières, il n’y a pas pour autant de raison de paniquer. C’est ce qu’explique au HuffPost Anne-Laure Laratte alors que l’opération mois sans tabac se déroule en ce mois de novembre.
Le HuffPost. L’idée reçue veut que l’arrêt de la cigarette entraîne une prise de poids. Pour quelles raisons ? Anne-Laure Laratte. On sait que le tabac et l’arrêt de sa consommation modifient le rapport à l’alimentation. En effet, la nicotine agit sur les hormones liées au sentiment de satiété. C’est ce dont on parle quand on dit que les cigarettes ont un effet « coupe-faim ». Lorsqu’un gros fumeur arrête du jour au lendemain, cet effet s’évanouit mais il faut entre trois et quatre semaines pour que les hormones de la satiété reprennent leur rôle, et que le corps puisse à nouveau réguler la faim et son absence.
Pendant quelques semaines après un arrêt, on peut donc avoir du mal à savoir quand s’arrêter de manger, par exemple. Il est aussi possible de vivre un report d’addiction : quand on arrête de fumer, on peut se sentir irritable, stressé ou déprimé. L’alimentation devient un réconfort très accessible, et particulièrement les snacks très salés, très sucrés ou très gras. Ces changements peuvent effectivement entraîner une prise de poids chez certaines personnes.
Est-ce une raison supplémentaire d’angoisser au moment d’arrêter de fumer ? Non. En premier lieu, il faut rappeler que prendre du poids n’est pas un mal en soi. Nous vivons dans une société où la perte de poids et la minceur sont sans cesse valorisées, c’est une forme de grossophobie. Le poids seul ne définit pas l’état de santé d’une personne, et tout n’est pas qu’une question d’alimentation. On gagne bien plus pour sa santé en arrêtant de fumer que ce qu’on risque en prenant quelques kilos.
Par ailleurs, les prises de poids lors de l’arrêt de la cigarette ne sont pas systématiques. Elles ont majoritairement lieu dans les premières semaines d’arrêt, et représentent en moyenne 5 kilos supplémentaires pour les personnes concernées. Il faut se rassurer : ce n’est pas une prise de poids dangereuse pour la santé, et elle n’est pas gravée dans le marbre : c’est quelque chose qu’il est possible de faire évoluer dans le temps, après l’arrêt.
Faut-il changer son alimentation quand on arrête de fumer ? Aucun aliment n’est interdit, c’est important de le souligner. Certaines personnes se disent « je prends du poids, il faut que j’arrête de manger des féculents » mais ce n’est jamais le bon réflexe. Les féculents sont une source d’énergie et quand on s’en prive, on peut finir par se « venger » sur le sucré. Je recommande de se concentrer sur une assiette équilibrée : avoir des bonnes protéines, des céréales – si possible complètes -, des légumes. C’est en mangeant au mieux qu’on évite les fringales, surtout si elles sont liées à la perte du sentiment de satiété. Si on se prépare à arrêter de fumer, je recommande de se préparer aussi à manger équilibré. C’est cohérent avec une démarche de préservation de la santé !
Avez-vous des conseils pour les personnes qui arrêtent de fumer et qui s’inquiètent de leur poids ? Faire attention aux snacks de réconfort, et essayer d’en profiter en petite quantité, sans s’en priver totalement. Manger lentement est une bonne manière de profiter de son repas et de retrouver le sentiment de satiété qu’on avait perdu à cause de la cigarette. Il se déclenche entre 15 et 20 minutes après le début du repas, il faut donc prendre son temps. Fumer, ça prend du temps donc on peut aussi utiliser le temps gagné avec l’arrêt pour faire du sport ou être actif. C’est l’occasion de profiter des bénéfices pour le souffle, le cœur et les muscles que procure l’arrêt. Quand on arrête le tabac, les substituts peuvent aider, notamment sur la question de la satiété : diminuer progressivement les quantités de nicotine qu’on consomme, cela permet aux hormones de se « remettre au travail » progressivement aussi.
Enfin, il ne faut pas hésiter à parler à son médecin plutôt que de lire des choses parfois aléatoires sur internet. Et si on est très anxieux, une séance avec un professionnel de la nutrition peut rassurer, mais ça n’a rien d’indispensable – sauf pour les personnes qui ont des troubles alimentaires, et qui peuvent avoir besoin d’un accompagnement plus conséquent.
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2023-11-11 12:00:03
