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Accoucher, un risque mortel en Afghanistan

Accoucher, un risque mortel en Afghanistan

2023-12-27 08:04:51

Sous le ciel bleu de Gardez, dans l’est de l’Afghanistan, un responsable taliban préside l’inauguration d’une maternité devant un public exclusivement composé d’hommes, alors que cette clinique est gérée par des femmes et ne dessert que des femmes.

“Il n’y a pas de cliniques de ce type dans la plupart des provinces. Les principes de la charia (loi islamique) et de la médecine sont respectés”, se félicite Jair Mohamad Mansoor, directeur de la santé de la province de Paktiya, dont la capitale est Gardez.

Le centre, inauguré par l’ONG Norwegian Afghanistan Committee (NAC) dans cette petite ville, aidera “beaucoup de nos sœurs qui vivent dans des zones isolées”, explique à l’AFP sa directrice, Nasrin Oryajil.

L’ONG norvégienne va ouvrir des cliniques similaires dans quatre autres provinces d’Afghanistan, pays où une femme meurt en couches toutes les deux heures, selon l’ONU.

Les derniers chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) indiquent que la mortalité maternelle est de 638 femmes pour 100 000 naissances vivantes, contre 12 dans les pays à revenu élevé.

Et ce chiffre cache d’énormes disparités entre villes et zones rurales. “Dans les zones reculées, il y a 5 000 décès” pour 100 000 naissances, explique Terje Watterdal, directeur du NAC.

“Aujourd’hui, il y a encore des endroits où des hommes traversent les montagnes avec leur femme enceinte sur les épaules et meurent avant d’arriver à l’hôpital”, ajoute-t-il.

– “Ma mère est morte en couches” –

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La maternité de Gardez sent la peinture fraîche et dispose d’une nouvelle pharmacie et d’un nouveau laboratoire et est conçue pour accueillir jusqu’à dix accouchements par jour.

“Tous les personnels de santé sont des femmes”, affirme Oryajil, faisant référence aux principes qui régissent ce pays à majorité musulmane.

“Nos services sont gratuits”, ajoute Momina Kohistani, responsable de l’équipe des sages-femmes.

Les larmes coulent sur ses joues tandis qu’elle raconte son histoire. “Ma mère est morte en couches quand j’avais trois ans”, murmure-t-il.

Avant le retour au pouvoir des talibans en août 2021, “dans certains districts, les femmes devaient traverser les lignes de front pour se rendre à l’hôpital, c’est donc un changement positif”, explique Watterdal.

“Le changement négatif, c’est la fuite des cerveaux, de nombreux gynécologues ont fui” l’Afghanistan, où chaque femme a en moyenne six enfants.

Les talibans “veulent éliminer les équipes médicales mobiles” qui se rendent auprès des patients “car ils ne peuvent pas contrôler les messages qu’ils leur transmettent”, notamment en matière de contraception, dit-il.

Filipe Ribeiro, directeur de Médecins sans frontières (MSF) en Afghanistan, souligne que “l’accès des femmes aux soins prénatals et postnatals est aujourd’hui encore plus compliqué”.

Cela est dû “à la fois aux mesures prises par les talibans” contre les femmes, de plus en plus confinées chez elles, “mais aussi aux défaillances du système de santé : le soutien structurel des bailleurs de fonds étrangers s’est effondré”.

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Le ministère afghan de la Santé n’a pas répondu aux demandes de commentaires de l’AFP.

Pour le Dr Noor Janum Ahmadzai, coordinatrice santé de l’ONG Terre des Hommes dans la capitale Kaboul, la dégradation du système de santé rend les accouchements de plus en plus dangereux.

Dans un hôpital public où les sages-femmes sont surchargées de travail et sous-payées, les femmes en travail doivent apporter leurs propres médicaments. Une naissance coûte environ 2 000 afghanis (environ 28 dollars), une somme élevée dans ce pays.

Malgré les risques, “les femmes qui allaient à l’hôpital préfèrent désormais accoucher à la maison, faute d’argent”, explique le médecin.

Environ 40 % des femmes afghanes accouchent à la maison et ce chiffre atteint 80 % dans les zones reculées.

Dans de nombreux cas, les maris et leurs familles refusent que la femme soit hospitalisée ou la femme enceinte a honte d’exposer son corps.

A 250 kilomètres au sud de Kaboul, l’ONG MSF assiste 20 000 naissances par an dans la ville de Khost, soit 47 % du total des naissances dans la province du même nom.

Ce centre, qui compte une centaine de sages-femmes, est rare en Afghanistan. Là-bas, Zubaida, fatiguée après avoir accouché la veille, se remet encore de son accouchement.

“Si j’avais accouché à la maison, il aurait pu y avoir des complications pour le bébé ou pour moi”, explique cette femme, qui dit ne pas connaître son âge.

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Son bébé dort dans un berceau en fer à la peinture écaillée, les yeux couverts de khôl, un maquillage censé éloigner le mal.

Dans cette province ultra-conservatrice, MSF accueille de nombreuses femmes qui n’ont jamais fait l’objet d’un suivi de grossesse.

– Quatorzième grossesse –

“Notre mission est de sauver des vies”, explique Thérèse Tuyisabingere, membre de l’équipe de sages-femmes MSF à Khost.

“Mais bien souvent, les femmes arrivent trop tard, de loin. Elles ont accouché à la maison et ont de graves hémorragies”, ajoute cette Rwandaise.

“Nous ne traitons que les grossesses à haut risque ou compliquées”, explique Tania Allekotte, gynécologue argentine de MSF.

Les grossesses multiples, les césariennes ou le fait d’avoir subi plusieurs avortements spontanés augmentent le risque de décès.

Islam Bibi, 38 ans et déjà père de six enfants, a donné naissance la veille à des triplés.

D’une voix sourde, il explique qu’il fait partie des réfugiés afghans expulsés du Pakistan.

“J’étais malade, mon mari n’avait pas d’argent. Ils m’ont dit ‘va dans cet hôpital, ils font tout gratuitement'”, raconte-t-elle.

“En Afghanistan, avoir des enfants est tellement valorisé que de nombreuses femmes suivent des traitements pour stimuler leur fertilité”, explique le Dr Allekotte, qui a récemment soigné une femme dans sa quatorzième grossesse.

“Nous avons beaucoup de jumeaux ici”, dit-il.



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