Journaliste, diplomate, politicien, homme d’affaires, Yves Michaud a mené une vie de combattant. Le fondateur du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires est décédé mardi soir à la résidence Notre-Dame-de-la-Paix à Montréal, où il habitait. Il avait 94 ans.
Yves Michaud s’est battu toute sa vie autant pour la langue et la culture que pour l’indépendance du Québec. Mais c’est sa lutte pour la justice envers les petits actionnaires qui lui aura valu le surnom de « Robin des banques ».
Le destin a toujours prévu dans mon cas être contestataire et être dans l’opposition de quelque chose
disait-il à Gilles Morin dans le cadre de l’émission Mémoires de députésen 2011.
C’est sa défense de la langue française qui le mènera vers l’indépendantisme. En 1969, alors qu’il est député de Gouin, la loi 63, qui propose d’accorder aux parents le libre choix de la langue d’enseignement, le pousse à démissionner du Parti libéral du Québec.
Grand ami de René Lévesque, il fait alors le pas vers le Parti québécois (PQ), fondé l’année précédente.
Les années passent. Yves Michaud endosse la direction de l’hebdomadaire La Patrie et prend la tête de l’éphémère journal indépendantiste Le Jourde 1974 à 1976. Deux mois après la fermeture de ce dernier, le PQ est élu, le 15 novembre 1976.
Yves Michaud lors du lancement de son livre « L’Affaire Michaud : Chronique d’une exécution parlementaire » en 2010
Bien qu’il n’ait jamais été député pour le PQYves Michaud était de tous ses combats.
Le premier ministre René Lévesque lui offre un poste de conseiller diplomatique. En 1979, il emménage à Paris, à titre de délégué général.
À l’instar de Claude Morin, il est de ceux qui ont fait rayonner le Québec à l’international, et plus particulièrement en France. Son rôle sera déterminant dans le dossier Pechiney, un important investissement français pour construire une usine d’aluminium en sol québécois.
C’est aussi lui qui a inspiré une place du Québec dans le 6e arrondissement de Paris, à la croisée du Café de Flore, des Deux Magots et de l’église Saint-Germain-des-Prés.
Yves Michaud revient au Québec avec le titre de commandeur de la Légion d’honneur.
Lévesque, c’est une grande partie de ma vie. Il a été mon plus grand ami avec Robert [Bourassa, NDLR]. Je suis toujours inconsolable de sa mémoire. Il avait tellement de qualités. Il avait des défauts épouvantables, mais quel être séduisant! On ne pouvait jamais s’ennuyer avec lui.
Après ses années politiques, il effectue un bref passage de trois ans comme PDG du Palais des congrès.
Yves Michaud, 1930-2024 : le reportage de Véronique Prince
Le « Robin des banques »
À partir de 1995, et pendant les 15 années suivantes, il se fera David devant Goliath, en se portant à la défense des petits actionnaires. Il crée l’Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec, qui deviendra le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MEDAC). Cette bataille lui vaudra le surnom de « Robin des banques ».
Je voulais réduire les privilèges des dirigeants des banques
disait-il à Gilles Morin. En 1997, il remporte une importante victoire. La Cour supérieure lui donne raison et force les banques à envoyer à tous les actionnaires ses propositions pour limiter les revenus et privilèges des dirigeants.
: “Vous êtes mon serviteur, moi je suis votre propriétaire”. Hé, il n’aimait pas ça. Je faisais 12000$ par année, il faisait 7 à 8millions. C’est un monde pestilentiel, le monde financier, c’est un monde absolument abject. Après 15ans, je me suis dit: je vais respirer autre chose, parce que ça va m’asphyxier.”,”text”:”Chaque actionnaire est propriétaire de la banque, et j’ai dit à un moment donné au président de la Banque Royale: “Vous êtes mon serviteur, moi je suis votre propriétaire”. Hé, il n’aimait pas ça. Je faisais 12000$ par année, il faisait 7 à 8millions. C’est un monde pestilentiel, le monde financier, c’est un monde absolument abject. Après 15ans, je me suis dit: je vais respirer autre chose, parce que ça va m’asphyxier.”}}”>Chaque actionnaire est propriétaire de la banque, et j’ai dit à un moment donné au président de la Banque Royale : “Vous êtes mon serviteur, moi je suis votre propriétaire”. Hé, il n’aimait pas ça. Je faisais 12 000 $ par année, il faisait 7 à 8 millions. C’est un monde pestilentiel, le monde financier, c’est un monde absolument abject. Après 15 ans, je me suis dit : je vais respirer autre chose, parce que ça va m’asphyxier.
Yves Michaud, défenseur des droits des actionnaires, pose une question lors de l’assemblée annuelle de la Banque de Montréal, à Montréal, le mardi 26 février 2002.
Sa lutte contre les injustices ne se terminera pas avec les banques, mais plutôt avec l’Assemblée nationale.
Le 10 décembre 2000, alors qu’il brigue l’investiture péquiste dans la circonscription de Mercier, Yves Michaud est victime de ce qu’il appellera la motion scélérate
.
Les députés adoptent à l’unanimité une motion de blâme le condamnant pour avoir tenu des propos jugés antisémites, sans donner au principal intéressé la chance de s’expliquer. De nombreux politiciens et commentateurs ont depuis reconnu que ces propos n’avaient rien de xénophobe, mais Yves Michaud en restera blessé fort longtemps.
Mince consolation : en mai 2022, la députée solidaire Ruba Ghazal, accompagnée des anciens députés Jean-Pierre Charbonneau et Louise Beaudoin, lui remettra la médaille de l’Assemblée nationale pour souligner son apport exceptionnel à la société québécoise.
Il devient, comme Gérald Godin et Camille Laurin avant lui, grand Québécois.
Un vrai combattant
Joint par Radio-Canada mercredi, le fils du défunt, Luc Michaud, a dit espérer qu’on se souviendra de son père autrement qu’en raison de la motion qui l’a condamné en décembre 2000.
Les Québécois, dit-il, devraient surtout garder en mémoire le combat mené par Yves Michaud contre la loi 63, qui a contribué à faire disparaître l’Union nationale et qui a convaincu le gouvernement suivant – celui de Robert Bourassa – de modifier ladite loi, en 1974.
Dans le cas contraire, on ne parlerait pas de l’anglicisation de Montréal; ce serait chose faite, je crois
résume Luc Michaud.
Le député du PLC dans le comté de Lotbinière Auguste Choquette, le journaliste Paul-Émile Tremblay et le député du PLQ dans le comté de Gouin Yves Michaud en 1966.
Ce dernier retient également le passage de son père au quotidien Le Jourqui, selon lui, a largement contribué à la première élection du PQen 1976,101 qui, encore aujourd’hui, protège l’avenir du français au Québec”,”text”:”ce qui a amené à la loi101 qui, encore aujourd’hui, protège l’avenir du français au Québec”}}”>ce qui a amené à la loi 101 qui, encore aujourd’hui, protège l’avenir du français au Québec.
Ce combat pour la langue française, résume-t-il, devrait être considéré comme sa contribution la plus importante pour toute la société québécoise
.
Entrevue avec Louise Beaudoin, amie d’Yves Michaud et ex-ministre du Parti québécois
Yves Michaud était un vrai combattant. Toute sa carrière, il s’est battu pour protéger la langue française et la culture québécoise
a aussi commenté le premier ministre François Legault sur X, mercredi.
M. Legault siégeait comme député péquiste quand la motion de blâme contre Yves Michaud a été votée, en décembre 2000. Si plusieurs autres élus se sont amendés depuis, le premier ministre, lui, n’a jamais montré de remords à cet effet.
Avec les informations de Jérôme Labbé