Victor Sharrah et la prosopométamorphopsie : quand la réalité devient distordue

Il a cru devenir fou. Victor Sharrah, un Américain de 58 ans, se souvient de ce jour où tous les visages des passants lui sont apparus distordus alors qu’il promenait son chien dans la rue. « Ma première pensée a été que je m’étais réveillé dans un monde de démons », explique-t-il à l’AFP. J’ai commencé à paniquer. » Le chef cuisinier n’a pas « totalement perdu la tête » comme il l’a d’abord pensé.

Il souffre en réalité d’un trouble visuel rare, la prosopométamorphopsie (PMO), comme une dizaine d’autres personnes à travers le monde.

Les symptômes de la prosopométamorphopsie

Les symptômes se caractérisent essentiellement par des distorsions de la perception visuelle. Ils concernent aussi bien la forme que la taille, la couleur ou encore la position des traits du visage. Certains voient une moitié de visage sous l’autre, d’autres des visages en mouvement constant, d’autres encore des figures vertes ou violettes.

Contrairement à d’autres patients qui souffrent du même trouble, Victor Sharrah parvient à voir les objets telles que les voitures ou les objets sans distorsion. Il distingue également correctement les visages lorsqu’ils sont en deux dimensions, en photo ou sur écran.

C’est grâce à cela que les scientifiques du Dartmouth College (États-Unis) ont pu créer des images de ses perceptions. Son cas a fait l’objet d’une publication dans la prestigieuse revue du Lancette. Concrètement, les chercheurs ont demandé au patient de décrire les différences qu’il voyait entre le visage d’une personne présente physiquement et la photo associée qui lui était présentée sur l’écran d’un ordinateur.

Des causes mal connues

Si l’on y voit un peu mieux du côté des symptômes, ce n’est pas le cas de l’origine. Les causes de la prosopométamorphopsie sont encore très mal connues. Dans la plupart des cas, « il s’est passé quelque chose dans le cerveau en corrélation avec cette expérience anormale », précise Jason Barton, neurologue à l’université de Colombie britannique.

L’étude permet en tout cas de faire la lumière sur un trouble peu connu et mal diagnostiqué. « De nombreux patients avec PMO sont en effet diagnostiqués à tort comme souffrant de schizophrénie par les psychiatres et reçoivent des antipsychotiques, alors que leur condition touche le système visuel », regrette Brad Duchaine, un auteur de l’étude. Les symptômes tout aussi terrifiants pour les patients nécessitent en effet des traitements différents.