Une Ferrari au commissariat

A cette époque les persécutions étaient fréquentes en Italie. Des criminels et des policiers italiens ont couru dans des voitures rapides. La police était passée de l’Alfa Romeo 1900 à la plus rapide Giulia 1600 pour leurs véhicules d’intervention Squadra Mobile surnommés “Panthers”. Mais les criminels trouvaient toujours une voiture plus rapide. Alors Spatafora a répondu : Quoi de mieux qu’une Ferrari ? Et la demande est parvenue au bureau d’Enzo Ferrari qui a commandé la production de deux 250 GTE pour la police de Rome.

La 250 GTE était un magnifique coupé 2+2 construit par Pininfarina et propulsé par le légendaire V12 3 litres de 240 ch, un moteur à l’ADN de course conçu par l’ingénieur Colombo. Les deux unités de la 250 GT étaient peintes en noir et équipées du gyrophare correspondant sur le toit, de la sirène, de la radio et d’autres accessoires et inscriptions spécifiques pour une utilisation en tant que véhicule de police.

Quatre policiers ont été sélectionnés pour conduire les Ferrari. Spatafora lui-même s’est vu attribuer l’unité portant le numéro de châssis 3999. On raconte que, lors des premiers essais sur le circuit, le policier a montré de telles bonnes manières au volant qu’Enzo Ferrari lui a proposé un poste de pilote de course. Et il semble que Spatafora ait refusé, invoquant sa vocation et répondant au Commendatore qu’il ne conduisait que des voitures de police.

Ferrari n’avait évidemment pas tort, car dans les années qui suivirent, Spatafora et sa Ferrari devinrent célèbres à Rome pour des poursuites parfois spectaculaires, et avec d’excellents résultats.

La 250 GTE 2 + 2 Série II 3999 a été retirée du service actif à la fin de 1968, mais pas avant d’être utilisée pour les livraisons de sang d’urgence à Naples, couvrant les 200 kilomètres d’autoroute en seulement 50 minutes. Malgré cette durée de vie incroyable, la voiture était dans un état exceptionnel et le resta jusqu’en 1972, date à laquelle elle fut vendue lors d’une vente aux enchères publique de surplus de l’armée.

Un amoureux des classiques

Aux enchères, elle a été achetée par Alberto Capelli qui, en connaisseur de la valeur d’un classique, a conservé la 250 GTE dans son état d’origine pendant quarante ans, sans la restaurer. Cappelli et ses fils ont assisté à de nombreux matchs classiques avec cette Ferrari singulière.Même en 1984, Spatafora reprendrait le volant pour participer à l’épreuve classique de la Coppa delle Dolomiti, obtenant la deuxième place.

Lors du cinquantième anniversaire de Ferrari, en 1997, la 250 GTE fait partie des invités de marque, et en 2000, elle est exposée lors de l’inauguration du Musée des véhicules de police à Rome. Soit dit en passant, le chef de la police italienne de l’époque (il était difficile de résister à la tentation) l’a conduit à Rimini et a utilisé en chemin l’autoradio d’origine pour communiquer avec divers postes de police. Depuis lors, c’est la seule voiture privée italienne autorisée, par autorisation spéciale, à circuler sur la voie publique avec sirène, gyrophare allumé et plaque d’immatriculation officielle.

En 2009, Carmen Spatafora, la fille d’Armando, a présenté son livre “Il poliziotto con la Ferrari” dans lequel elle racontait l’histoire de son célèbre père. Et la non moins célèbre 250 GTE était présente comme témoin de l’acte. En 2014, la 250 GT châssis 3999 a reçu le certificat d’authenticité de Ferrari Classiche, confirmant son originalité.

Cappelli a vendu la voiture en 2015. Son propriétaire actuel l’a exposée dans divers concours depuis, dont Pebble Beach. Et au Salon Rétromobile 2020, elle a été mise aux enchères, mais aucun acquéreur n’a été trouvé.