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Une boussole pour l’Europe. Le nouveau livre de Marco Buti – Corriere.it

Une boussole pour l’Europe.  Le nouveau livre de Marco Buti – Corriere.it

2023-04-27 11:45:22

De MARIO MONTI

Un extrait de la postface de Mario Monti au livre de Marco Buti (Bocconi University Press) sur la conférence de Jean Monnet. L’intégration requiert une triple cohérence : économique, institutionnelle et politique

Marco Buti a été pendant quinze ans le plus haut “officier” technique sur la passerelle de commandement de la politique économique de l’Union européenne. Au cours de cette période, l’Europe a dû faire face trois crises majeures: la crise financière mondiale, particulièrement aiguë dans la zone euro ; la pandémie de Covid-19 ; la guerre près de ses frontières, avec l’agression russe contre l’Ukraine.

Pour orienter sa navigation au fil des ans, et l’expliquer aux lecteurs d’aujourd’hui, Marco Buti a choisi comme boussole la célèbre prophétie d’un père fondateur de la construction européenne, Jean Monnet: « L’Europe se fera dans les crises et sera la somme des solutions apportées à ces crises ».


Avant de voir la façon originale dont Buti utilise la prophétie de Monnet comme boussole, je voudrais noter que celle-ci est constituée de deux prédictions distinctes, ce que l’histoire des décennies suivantes a ponctuellement confirmé. Cependant, la prophétie révèle toute sa puissance, et sa pertinence, si elle est complétée par une troisième prédiction, que Monnet a peut-être gardée sous sa plume pour ne pas assommer ceux qui auraient œuvré avec ferveur au chantier de la construction européenne. On pourrait dire, si l’on se permet une extrapolation hasardeuse de la fameuse phrase : «L’Europe se fera dans les crises et ce sera la somme des solutions apportées à ces crises ; quand l’Europe n’apporte pas de solutions aux crises actuelles ou prévisibles, elle devra le faire plus tard et ce sera plus difficile”.

La première crise, la plus terrible de toutes, a été la Seconde Guerre mondiale. Précisément pour éviter la répétition d’un conflit entre l’Allemagne et la France et en Europe occidentale en général, la Communauté européenne du charbon et de l’acier est créée (1951) avec le contrôle en commun des instruments qui auraient permis le réarmement. Le complément indispensable devait être équiper la Communauté pour une défense commune contre les menaces extérieures. En fait, un traité pour la Communauté européenne de défense fut bientôt stipulé, mais il ne fut pas ratifié (1954).

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L’échec de ce projet, sans une nouvelle initiative dans un délai raisonnable – comme l’aurait exigé la part inexprimée de la prophétie de Monnet – a laissé un vide très grave dans la construction européenne. Elle n’en prendra pleinement conscience que soixante-huit ans plus tard, avec l’invasion russe de l’Ukraine en 2022. L’Europe n’est pas en mesure de fournir une assistance militaire adéquate à un pays voisin, si ce n’est grâce à une très forte dépendance vis-à-vis des États-Unis, dans une phase historique qui voit un regain d’agressivité de la Fédération de Russie et peut-être une moindre prévisibilité de la politique étrangère américaine que celle de la passé. Par conséquent, la prophétie de Monnet contient en elle-même un puissant avertissement, que l’Europe ne devrait jamais ignorer.

En plus de la meilleure boussole pour naviguer sur les mers, Monnet met également à disposition les dessins du “navire Europa” – qu’il a conçu et construit – au cas où des réparations ou des améliorations seraient nécessaires. « Les problèmes que nos pays sont appelés à résoudre – affirmait Monnet en 1974, mais ce sont des mots qui gardent intacte leur validité – ne sont pas les mêmes qu’en 1950. La méthode, cependant, reste la même : transfert de pouvoir aux institutions communes, le vote à la majorité et une approche commune pour trouver une solution aux problèmes, sont la seule réponse dans notre état de crise actuel”. Telles sont les caractéristiques du mode de gouvernement communautaire.

Aujourd’huil’Union européenne est engagée dans un nouvel exercice difficile de politique économique. Sans provenir d’une crise dévastatrice, comme les trois crises qu’analyse Buti – dues aux dettes souveraines (2008-2012), à la pandémie (2020-2022) et à l’agression russe contre l’Ukraine (depuis février 2022) – la crise actuelle situation est susceptible de creuser des clivages insidieux, parallèlement à certains éléments qui iront peut-être plutôt dans le sens de la cohésion, entre les différents États membres.

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je me réfère à Stratégie européenne pour la compétitivité, comme on l’appelle avec une certaine emphase. En réalité, il s’agit avant tout d’une réponse européenne à certaines conséquences potentiellement néfastes pour l’industrie européenne suite à l’attirance vers les États-Unis d’entreprises européennes, ou de leurs chaînes de production, sous l’effet des mesures introduites par l’administration Biden dans la soi-disant « Loi sur la réduction de l’inflation» de 2022.

Après de longues consultations avec les États membres, la Commission a présenté une communication au Conseil européen des 9 et 10 février 2023, en partie inspirée par une orientation convenue entre la France et l’Allemagnequi esquisse quelques lignes directrices et propositions, ensuite affinées pour le Conseil européen des 23 et 24 mars.

Il sera inévitable, voire opportun, que les États membres définissent leurs positions respectives dans une sorte de continuum (temporelle et de contenu), entre les mesures de compétitivité et les autres fondamentales blocs de construction de la politique économique européenne, en constante évolution : la réforme de la gouvernance économique, d’abord du pacte de stabilité et de croissance ; premières évaluations sur la Next Generation Eu à l’épreuve des faits et des hypothèses sur la période post-Ngeu ; stratégie pour les biens publics européens, dans le cadre financier pluriannuel.

Je ne veux pas impliquer Marco Buti dans l’exercice périlleux de postuler, même cette fois D’avantle triple « test de compatibilité Monnet » qu’il a théorisé (et que, sans lui demander sa permission, je rebaptiserai « test de compatibilité Monnet-Buti ») à l’ensemble complexe des décisions sur la gouvernance économique élargie.

UN) Voie des aides d’État elle provoquerait une double fragmentation : réelle (du marché unique) et financière (selon « l’espace fiscal » des différents États). Dès lors, tout assouplissement éventuel en la matière doit être ciblé, bien circonscrit et clairement temporaire, avec un délai fixé.

B) Les mesures nationales doivent aller de pair avec des outils communs ; il ne doit pas s’agir de transferts financiers vers les États membres, mais de fourniture de biens publics européensque les États individuels sont incapables de produire individuellement.

C) La capacité de construction de la coalition est liée à Pouvoirs européens des États membres individuels et les gouvernements, qui, à leur tour, impliquent un contrat politique cohérent, et non un soutien opportuniste.

Si les trois critères guident les choix, les décisions qui en découlent pourront satisfaire au test de compatibilité Monnet-Buti : cohérence économique (point A), institutionnelle (point B) et politique (point C). Je les considérerais alors comme bonnes, pour l’Europe et pour les États membres. Sinon, ce sera environ des solutions éphémères et peut-être contre-productives à moyen terme. Déjà dans les mois à venir, il sera possible de faire quelques premières évaluations.

La chanson et le volume


Le texte publié ci-dessus est un extrait de la postface de Mario Monti au livre de Marco Buti
Jean Monnet avait-il raison ? Construire l’Europe en temps de crise (Presses universitaires Bocconi, 288 pages, 34,90 €). Le livre de Buti s’ouvre sur une préface du gouverneur de la Banque d’Italie Ignazio Visco.
Né à Molino del Piano (Florence) en 1957, Marco Buti est fonctionnaire à la Commission européenne depuis 1987. Il a été pendant onze ans (de 2008 à 2019) à la tête de la direction générale des affaires économiques et financières (Dg Ecfin) de la Commission européenne elle-même. Buti est depuis novembre 2019 le chef de cabinet de l’actuel commissaire européen aux affaires économiques. Paolo Gentiloni

27 avril 2023 (changement 27 avril 2023 | 10h45)



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