Une frimousse mutine parsemée de taches de rousseur, une chevelure poil de carotte et une combinaison de moto vintage : Jeanne ne serait sûrement pas passée inaperçue si elle avait sillonné les rues de Chartres au guidon de son rutilant deux-roues de couleur rouge.
C’est que même cantonnée aux cases de papier glacé d’une bande dessinée, elle détonne, notre Jeanne, par son intrépidité, son volontarisme et son engagement au service d’une presse libre et aux côtés de la Résistance.
Parce qu’elle n’a pas (vraiment) existé, il fallait bien l’inventer. C’est ce qu’ont fait l’éditeur Stéphane Vivier, le scénariste de bandes dessinées Jean-François Vivier et le dessinateur Stephan Agosto. De l’imagination de ces trois Chartrains est née l’héroïne d’une bande dessinée à paraître ce samedi 26 novembre 2022, Chartres, une ville à travers une vie : 1914-2022 (aux éditions Atocom), retraçant un siècle de l’histoire de Chartres, du début de la Première Guerre mondiale à nos jours.
Dans ce récit autonome de 52 pages, qui peut également se lire comme la suite de Chartres, 2.000 ans d’histoire de Francepublié en 2020 par Atocom, le lecteur revisite la grande et la petite histoire de la ville, en compagnie du grand témoin du livre, cette “petite” Jeanne, née le 1er août 1914, dans le centre-ville de Chartres.
De cases en bulles, on y croise Jean Moulin ou De Gaulle
À travers les yeux de celle qui deviendra l’une des premières journalistes de L’Écho Républicainle lecteur traverse la destinée d’une ville mutilée par les deux guerres mondiales, puis irriguée par les grands programmes de rénovation urbaine et commerciale, à l’aube des années 60, avant le réaménagement de son hypercentre, à partir des années 2000.
Dans le sillage de Jeanne, regard lucide du journaliste local et incarnation de tous ces Chartrains anonymes, la somme des petites histoires convoque la grande. On y croise les figures héroïques de Jean Moulin et du général de Gaulle ; on assiste aux bombardements de Chartres en 1944, dont l’indélébile balafre mutile encore la basse-ville, décapitée de sa Porte-Guillaume ; on accompagne la croissance démographique de la cité à travers l’édification de ses quartiers, de ses infrastructures et de ses grands équipements.
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Mille ans d’histoire de la cathédrale de Chartres résumés en une bande dessinée
Cette « double lecture », aux confluents de l’histoire de la ville et de celle, plus intime, de son héroïne, était un souhait de l’auteur, Jean-François Vivier :
« Une partie réelle et une vie fictionnelle, les deux imbriquées l’une dans l’autre. »
vide (vide)
Une direction artistique partagée par l’éditeur, Stéphane Vivier (aucun lien de parenté avec le scénariste, sinon l’appartenance à la famille du 9e art, NDLR)sur la base des retours que sa précédente BD chartraine avait inspirés : « Certains lecteurs trouvaient que le traitement de la Seconde Guerre mondiale, sur trois pages, n’était pas suffisant. Et qu’il manquait un héros ou une héroïne, une “Simone Veil”. » Pour éviter l’effet “séance de diapositives”, une déclinaison trop académique d’un matériau historique au format cases et bulles.
« Une femme moderne et dynamique, en avance sur son temps »
Avec la fantaisie et la pétulance de Jeanne, l’écueil du pensum laborieux est largement évité. Si les géniteurs de cette égérie forte et engagée, « une femme moderne et dynamique, en avance sur son temps », précisent-ils, sont bien trois, c’est à Stephan Agosto seul que l’on doit son apparence intemporelle : « Le roux, c’est de moi ! Et cette même coupe de cheveux aussi, de la naissance au grand âge, pour que le lecteur puisse l’identifier facilement à chaque page. »
Résistante, journaliste, épouse, puis mère de famille, Jeanne est aussi et surtout cette Chartraine dont l’existence, à la fois longue et rythmée par de nombreuses rencontres, par une perpétuelle confrontation avec un environnement social et urbain en pleine mutation, pose un regard, à hauteur d’une vie de femme, sur l’évolution d’une ville et de ses habitants.
Une BD 100 % « made in Chartres »
Presque davantage que le substrat historique, qui enrichira la culture locale de tous les lecteurs, y compris celle des vieux Chartrains, c’est cette proximité affective, qui fait tantôt de Jeanne notre grand-mère, notre mère ou notre fille, qui nous emporte dans le tourbillon de cette existence qui aurait pu être la nôtre, la vôtre.
Dans laquelle héroïne et lecteur se confondent et partagent une identité, une communauté de destin, un ADN, un cœur qui bat aux pulsations de Chartres.
Chartres : une ville à travers une vie (1914-2022).
Vivier et Agosto (éditions Atocom). Couleurs : Didier Ray. Prix : 20 €.
Où la trouver. Dans les librairies d’Eure-et-Loir, les grandes surfaces de l’agglo chartraine et sur Internet (boutique.centrefrance.com).
Lancement. Ce samedi 26 novembre 2022, à L’Apostrophe, 1 boulevard Maurice-Viollette. Dédicaces (de 10 heures à 12 h 30 et de 14 h 30 à 17 h 30).
Sébastien Couratin
