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Un génie du folk romand invente un orchestre de valises pour une délicate «Suitcase Suite»

Un génie du folk romand invente un orchestre de valises pour une délicate «Suitcase Suite»

Le génie du folk romand a encore frappé. Le Chaux-de-Fonnier Louis Jucker a inventé un orchestre de valises pour une délicate «Suitcase Suite» à écouter sur scène au festival de La Bâtie les 6 et 7 septembre, au Galpon.

Louis Jucker, originaire de La Chaux-de-Fonds, aujourd’hui établi à Lausanne, avec son matériel de scène. Guitare, basse, synthétiseur, table de mixage, amplificateurs: à chaque élément sa valise.

Le génie du folk romand a encore frappé. Dans un album tout en rondeurs électriques, «Suitcase Suite», Louis Jucker, Prix suisse de la musique en 2021, écrit un nouveau chapitre émouvant. Et curieux. À ses côtés, une étrange assemblée constituée d’instruments valises. Le disque sort le 15 septembre. Le projet se dévoile sur scène mercredi 6 et jeudi 7 septembre au théâtre du Galpon à Genève, dans le cadre du festival La Bâtie, puis les 7, 8 et 15 décembre au théâtre de Vidy à Lausanne.

«Suitcase suite», une «suite pour valise»: le projet ressemble au personnage, «incongru» selon ses propres mots. «Je suis mal coiffé. Je suis un clown, un polichinelle.» Mais un clown astucieux. En effet, il faut beaucoup de souplesse pour faire rentrer une basse électrique dans une valise. Certes, il a fallu raboter le manche, de sorte qu’il n’y a plus que trois cordes. L’instrument se replie à l’intérieur, il reste juste assez de place pour l’amplificateur.

L’esprit des vide-greniers. L’ensemble est assez beau à voir, avec son cadre en bois clair parfaitement ajusté et les parties électroniques, le tout enserré dans un vieux cuir bouilli comme on n’en voit plus de nos jours, sinon chez les malletiers haut de gamme. Sauf que cette valise a été dénichée dans un vide-greniers, et le bois au rayon bricolage d’un supermarché.

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Louis Jucker, le voici attablé à la terrasse d’un café lausannois, ville où il a élu domicile. Notre interlocuteur tente d’avaler un croissant qu’une bande de moineaux téméraires vient picorer sous son nez. «La valise possède son format qui décide beaucoup de ce qui va se passer dedans.» Il y en a onze en tout. À chacune son défi. Voici la mini-table de mixage, les haut-parleurs ainsi qu’un métallophone, le même qu’on offre aux enfants pour apprendre le solfège. Un harmonium encore. Ainsi qu’un minuscule synthétiseur, trois boutons dans une mallette pas plus grande que l’avant-bras. Il y a même une vieille machine à écrire, dont les touches ont été transformées pour servir de percussions.

Tout est fonctionnel. Louis Jucker n’est pas du genre à rajouter des falbalas. «Mais chaque objet raconte également son histoire.» Sur scène, l’attirail compose comme une installation de curiosités, que le public peut essayer. Quant au disque, il s’accompagne d’un livret maquetté à la façon d’un catalogue d’exposition: les instruments valises ont été cadrés comme des œuvres d’art, sur un fond blanc immaculé. Chaque objet est accompagné d’une notice détaillée. Les images ont été prises par une collaboratrice du Musée d’ethnographie de Neuchâtel, Prune Simon-Vermot.

Sa première valise, Louis Jucker l’a conçue il y a une dizaine d’années. Ceci pour participer à un spectacle du plasticien Augustin Rebetez, «Rentrer au volcan», en 2015. «Augustin ne voulait pas de guitare sur scène, alors j’ai conçu cet instrument qui se déplie et se referme en trente secondes.» Un joli coup de bluff en quelque sorte. «L’idée de faire un truc pique-nique», suggère Louis Jucker. L’engin évoque les banjos de fortune qu’on fabriquait avec des boîtes à cigares au XIXe siècle déjà, aux États-Unis. Il doit bien exister un lien culturel entre la naissance de ces instruments et les musiques populaires telles que le blues et la country. On ne prendra guère de risque en affirmant que ce lien perdure dans le répertoire du Chaux-de-Fonnier.

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Louis Jucker est un génie du bricolage. Mais pas seulement. Depuis quinze ans qu’il trafique des sons, plusieurs facettes de ses explorations ont trouvé le chemin du public. Voir alors ce travail de fond avec le label chaux-de-fonnier Hummus (comme le plat à base de pois chiche) autour duquel tourne sa tribu de toujours, les amis qu’il fréquente depuis l’adolescence. Dans ce cadre est né Pistolets à bobine, furieux groupe de metal dans lequel Louis hurle comme un dément. Compter encore avec de nombreuses collaborations, avec Émilie Zoé notamment. «Des milliers de concerts», estime le trentenaire.

Et puis il y a le Louis Jucker secret, qui enregistre des ballades folks, tantôt rêches comme des vieux clous, tantôt vaporeuses, parfois mélancoliques, donnant à entendre le vent dans les combes et d’autres rêves éveillés. Pour ce faire, il s’était rendu un jour à la montagne, une autre fois dans une maison norvégienne. Explorations solitaires dont résultent des disques en forme de micropaysages, rustiques peut-être, mais d’une délicatesse extraordinaire. Le tout premier, «Croquis chinois» en 2011, a été enregistré en Chine. L’avant-dernier, «Quelque chose s’est mal passé» est paru en 2020.

«J’ai créé ma propre pratique, je ne joue que ce dont je suis capable, ce dont je suis l’auteur. Je suis très flemmard.» Louis Jucker, musicien Chaux-de-Fonnier.

En 2023, «Suitcase Suite» procède tout autrement. Cette fois, Louis Jucker a reçu commande du Nouvel Ensemble Contemporain, le NEC regroupant des instrumentistes de sa génération, eux aussi à La Chaux-de-Fonds. Décidément, cette ville recèle de nombreux talents. Le musicien construit dix nouvelles valises. «Pour la première fois, je travaille avec des interprètes de formation. Le NEC, ce sont des assidus, des bêtes de travail, méga ouverts d’esprit. Moi? J’ai créé ma propre pratique, je ne joue que ce dont je suis capable, ce dont je suis l’auteur. Je suis très flemmard.»

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Il y a fort longtemps, Louis a pratiqué le violoncelle. Mais les classes du conservatoire relevaient à ses yeux plus de la compétition sportive. «Ça me faisait peur.» Ce n’était clairement pas pour lui. Jeune adulte, il suit des études d’architecture. De cette formation, lui reste le goût des schémas bien faits. On jette un dernier coup d’œil sur le livret du disque avant de le quitter, pour apprécier cette fois des dessins à main levée qui lui tiennent lieu de notes pour son travail de lutherie. Proportions parfaites, perspectives exactes: du style dans la spontanéité, de l’esthétique dans les croquis. Louis Jucker est un génie, c’est d’accord. Mais un génie comme dans les contes, malin, espiègle, qui vous fait d’une mallette décatie, d’un rebut abandonné au galetas, le réceptacle d’une poésie habile et fascinante.

«Suite Valise» de Louis Jucker & le Nouvel Ensemble Contemporain (Records de houmous). En concert à La Bâtie, théâtre du Galpon, le 6 septembre à 19 h, le 7 septembre à 16 h et 19 h 30.

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