Nouvelles Du Monde

Six mois après le début de la guerre en Ukraine, comment vivent les réfugiés de Montluçon (Allier) ?

Six mois après le début de la guerre en Ukraine, comment vivent les réfugiés de Montluçon (Allier) ?

Svetlana, accompagnée de deux de ses filles, Anna et Julie, a fui sa région natale du Donbass. Aujourd’hui, Julie est repartie avec son enfant, laissant sa sœur et sa mère en France.

Anna et Svetlana travaillent à Montluçondepuis le mois d’avril 2022, au sein de l’entreprise Kappa City Biotech, fabriquant de tests  de dépistage. « Travailler nous change les idées. On en a besoin », admet Svetlana. À 55 ans, accepter de rester dans un pays étranger n’est pas évident pour la mère de famille. Sa fille, 26 ans, insiste : « Je pense que c’est plus sage d’attendre. On n’a pas d’endroit sûr où aller si on rentre. »

Les deux femmes ont chacune trouvé un appartementavant de prendre poste dans l’entreprise de Frédéric Rodzynek : « On est très heureux d’avoir eu l’occasion de les embaucher toutes les deux ! On était comme tout le monde, on observait à la télé. On ressentait de l’effroi mais on se sentait un peu impuissants. Finalement, on a eu l’occasion d’apporter un peu de soutien, à notre échelle. »Svetlana et sa fille, Anna, souhaitent poursuivre leur travail à Kappa City Biotech. Entourées d’une équipe compréhensive et de Claire, qui parle un peu le russe, elles se sentent intégrées.

Une vision partagée par sa directrice des ressources humaines (DRH), Claire Mauchet. « On se réjouit de participer un peu à l’nationale. C’est regrettable que peu d’entreprises fassent la démarche. » Face à un surcroît d’activité, ne trouvant pas de candidats localement, Claire Mauchet a vite pensé aux Ukrainiennes en attente. Après les bons retours d’une entreprise de Thiers, qui avait déjà embauché des femmes venues d’Ukraine, la DRH contacte une association pour proposer les postes vacants aux déplacées de Montluçon.

prime Ces Ukrainiens qui vivent entre deux mondes, en Creuse

Un premier contrat signé jusqu’au 31 août 2022, sans doute suivi d’un second. Mais les problèmes administratifs entâchent les bonnes volontés. « On ne sait pas si on a le droit de leur faire un autre CDD ! Si elles sont soumises aux mêmes règles. Ni comment ça se passe au niveau des préavis, quand elles décideront de repartir », se désole Claire Mauchet.

Lire aussi  Deux femmes condamnées à Montluçon (Allier) pour proxénétisme aggravé : « C'était une sorte d’Airbnb du sexe »

Une intégration compliquée

Les deux Ukrainiennes souhaitent poursuivre leur travail à Kappa City Biotech. Entourées d’une équipe compréhensive et de Claire, qui parle un peu le russe, elles se sentent intégrées. C’est bien moins le cas dans leur vie privée. « Chaque jour nous rencontrons des obstacles », avoue Svetlana. Difficultés pour avoir des rendez-vous médicaux et commerçants mal aimables qui refusent d’utiliser un traducteur compliquent leur intégration. « Je crois que même si on parlait parfaitement français, on nous regarderait comme des étrangères », regrette Anna.

Des ennuis exacerbés par les banques, peu coopératives. « On les a pourtant accompagnées ! Elles travaillent, elles ont un contrat en bonne et dûe forme mais elles n’ont toujours pas pu obtenir de cartes bancaires », s’agace Claire Mauchet. Une situation qui pèse lourd sur les épaules de Svetlana : « Je travaille mais je vais encore me retrouver en situation d’impayé. Je n’ai aucun moyen de paiement ici. »

Et imbroglio administratif et financier qui les a motivé à trouver un emploi, mais qui en pousse d’autres à repartir. « Déjà quand elles travaillent, c’est compliqué. Pour les autres, c’est à peine 400 euros d’allocations par mois. On sait tous que ce n’est pas suffisant », raconte Claire Mauchet.

Peu d’argent, un sentiment douloureux de déracinement et des familles restées au pays. Les raisons de repartir sont aussi nombreuses que logiques. Avant de rejoindre Paris, dans un appartement prêté par Emmaüs, Katerina et Kira préparaient leurs bagages.

C’est le choix qu’à fait Katerina. Arrivée à Montluçon le 23 mars 2022 avec sa fille de deux ans, Kira, et une vingtaine d’autres familles, la jeune femme est repartie en Ukraine le samedi 20 août. Un rapide coup d’œil à la Tour Eiffel avant de prendre le bus, pour une arrivée deux jours plus tard, le lundi 22, à 8 heures.

Lire aussi  Insultes au conseil du Havre : la réaction ferme d'Édouard Philippe

prime La Corrèze a accueilli 350 réfugiés ukrainiens depuis le début de l’invasion russe

Avant de rejoindre Paris, dans un appartement prêté par Emmaüselle préparait ses bagages avec plaisir. « On a eu beaucoup de bienveillance autour de nous. Mais mon mari et ma famille me manquent trop. Ma fille a besoin de voir son père. » Katerina et Kira ont pu voir la Tour Eiffel, avant de prendre le bus, direction Kiev.

Deux sacs seulement pour venir, comme pour repartir. « J’avais prévu de ne rester qu’un mois. J’ai dit à Kira qu’on partait en voyage. Il est temps de rentrer, de retrouver nos racines. » Les traumatismes sont pourtant bien présents. Les feux d’artifices du 14 juillet n’ont fait que raviver les douleurs. « Kira a pleuré à cause des pétards, ça lui rappelait les bombardements. »

Originaire du Donbass, Katerina a fui la guerre pour la seconde fois. « On avait déménagé à Kharkiv. Mais c’est toujours compliqué là-bas, donc cette fois, on va à Kiev. »

Des incertitudes qui n’empiétent pas sur la joie de retrouver sa terre. Comme l’affirme Yuliya, repartie dans l’été avec ses filles et sa petite-fille. « En France nous étions bien, mais notre âme était restée en Ukraine ! »

A Lalizolle, une famille en attente

Bientôt six mois après avoir fui l’horreur de combats dont l’écho se faisait entendre jusqu’à leur ville d’origine, Olga et sa fille Dana sont toujours accueillies à Lalizolle, non loin de Gannat.Iryna (au centre), d’origine ukrainienne, a accueilli sa mère et sa soeur, Olga et Dana. un refuge salvateur pour les deux ukrainiennes, arrachées à leur vie par la guerre. © Corentin Garault

Lire aussi  La rue du faubourg Saint-Pierre fermée pour une fuite de gaz à Montluçon

Chez Iryna, la fille d’Olga, installée en France depuis plusieurs années, les deux Ukrainiennes avaient trouvé un refuge salvateur peu après le début de la guerre, après avoir hésité jusqu’au dernier moment à rester chez elles, au centre de l’Ukraine. « Puis la centrale de Zaporijia, non loin de notre ville d’origine de Kryvyï Rih, a été attaquée, alors je les ai convaincues de venir en France », raconte Iryna. Qui, depuis, fait tout pour que l’arrachement de ses proches à leur pays tant aimé soit le moins dur possible.

Dana, 11 ans, a pu être accueillie dans un collège de Gannatet suit aussi sa scolarité à distance. Olga, qui enseignait la musique en Ukraine, prend des cours de français et s’est aussi intégrée au tissu associatif local. « Hélas, tout n’est pas toujours simple avec la barrière de la langue. Et puis, ce n’est pas évident de repartir de zéro alors que toute leur vie est là-bas, en Ukraine », confesse Iryna.

Cette dernière ne sait pas encore de quoi sera fait l’avenir proche de sa mère et de sa sœur. Un retour au pays?? Pour l’heure, il n’est pas d’actualité, « car le conflit reste très violentcomme on le voit dans les médias ukrainiens, et comme nous le disent aussi des proches qui sont restés au front ». Des proches avec qui les contacts sont restés réguliershistoire de maintenir un lien qui soit aussi synonyme d’espoir. Car même « s’il est difficile d’avoir de la visibilité, ma mère et ma sœur attendent toujours de repartir au pays. Là-bas, elles avaient leur vie, une vie très riche. Mais il faut encore attendre. Pour l’heure, le danger est trop grand. »

Delphine Simonneau et Pierre Geraudie

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest

Leave a Comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

ADVERTISEMENT