Sécurité des lunettes pour l’éclipse : Inquiétudes et précautions

La Fédération des astronomes amateurs du Québec (FAAQ) s’inquiète de la sécurité de certaines lunettes pour l’éclipse vendues au Québec, notamment dans certains magasins Canadian Tire et à la Maison de l’astronomie. Optométriste spécialiste de la sécurité des yeux, le Dr Ralph Chou, de l’Université de Waterloo, confirme que certaines d’entre elles n’ont probablement pas été certifiées conformes à la norme ISO 12312-2.

C’est cette norme qui est recommandée pour la protection des yeux contre de potentiels dommages causés par le soleil lors d’une éclipse.

« L’étiquetage ne respecte pas du tout les exigences d’un appareil certifié », a confié le Dr Chou en entrevue avec Le Devoir après avoir examiné les photos d’un modèle de lunettes achetées au Canadian Tire qui lui ont été envoyées par la FAAQ. Le Devoir s’est procuré des lunettes semblables dans une franchise de la Rive-Sud montréalaise.

Plusieurs éléments sont manquants : le nom du fabricant, son adresse, le mode d’emploi, la mention selon laquelle l’utilisation par des enfants doit être supervisée. Tout ce qu’on sait à propos du fabricant, c’est qu’il se trouve en Chine.

« Comme le fabricant chinois n’est pas identifié, il n’y a pas moyen de le contacter et de vérifier si des tests ont été effectués pour s’assurer que le produit respecte les normes de sécurité », explique l’optométriste.

Le logo et le nom de la norme ISO ont été imprimés sur la face intérieure des lunettes, mais, contrairement à des modèles provenant de sources vérifiées, il n’est pas précisé directement que les lunettes y sont conformes. Par ailleurs, les lunettes achetées par Le Devoir indiquent qu’elles sont « approuvées par la NASA », bien que la NASA n’approuve pas de marques de lunettes particulières.

La compagnie Canadian Tire, de son côté, a assuré par courriel que les deux modèles vendus dans ses magasins « sont certifiés conformes aux normes ISO ». « La sécurité des clients est prioritaire pour Canadian Tire », a ajouté Cindy Hoffman, directrice des communications pour l’entreprise.

La Maison de l’astronomie, située à Montréal, a confirmé qu’elle avait déjà vendu le même modèle de lunettes, mais qu’elle ne le tient plus, son stock s’étant récemment écoulé. Henri-Julien Chartrand, directeur du développement des produits pour la boutique, est convaincu que ces lunettes sont sécuritaires puisqu’il les a portées à la lumière du jour et qu’il a jugé qu’elles étaient suffisamment sombres. Il n’a toutefois pas voulu dévoiler le nom de son fournisseur, qui serait le même que celui de Canadian Tire. Il a admis qu’il ne connaissait pas l’identité du fabricant.

Or, à ce stade, il n’est pas possible de tirer des conclusions sur la sécurité des lunettes mises en cause. Pour en avoir le cœur net, il faudrait faire des tests précis en laboratoire, affirme le Dr Chou, ce qui n’a pas été possible pour l’instant.

Le 22 mars dernier, l’Union américaine d’astronomie (American Astronomical Society, AAS) a publié un avertissement sur les lunettes contrefaites ou fausses qui circulent sur le marché. Certaines lunettes contrefaites semblent sûres, alors que d’autres ne le sont pas.

Des mesures de précaution

Dans ce contexte, la FAAQ envisage de publier cette semaine un rappel des mesures de précaution à prendre. « Lorsqu’on nous demande où acheter des lunettes, nous renvoyons au site d’Éclipse Québec (eclipsequebec.ca) créé en collaboration avec d’autres organisations pour orienter les gens vers les bons endroits », déclare Jasmin Robert, directeur général de la FAAQ.

Certains fournisseurs et détaillants de cette liste, notamment Cartouches certifiées, acceptaient encore les commandes au moment de la rédaction de ces lignes. Il convient de noter que Canadian Tire n’en fait pas partie, mais que la Maison de l’astronomie y est inscrite. Par ailleurs, l’AAS a établi une liste de fabricants et de vendeurs considérés comme sûrs.

En 2017, aux États-Unis, des individus ont poursuivi Amazon, affirmant avoir subi des blessures aux yeux après avoir regardé une éclipse solaire avec des lunettes achetées sur sa plateforme.

« Si les gens achètent ailleurs, c’est à leurs propres risques », ajoute M. Robert. Dans ce cas, l’AAS suggère un test en trois étapes pour détecter les lunettes non conformes. Tout d’abord, en les portant à l’intérieur, on ne devrait rien distinguer sauf les lumières très vives, qui devraient apparaître très faibles, peut-on lire dans un récent communiqué.

« En regardant une ampoule à incandescence, vous devriez à peine voir le filament briller », explique le Dr Chou.

« Si vos lunettes passent le test intérieur, portez-les à l’extérieur par temps ensoleillé et observez. Vous ne devriez toujours rien voir, à part la réflexion du soleil sur des surfaces brillantes, qui devrait être très pâle », ajoute l’AAS.

La dernière étape consiste à jeter un coup d’œil au soleil pendant moins d’une seconde. Vous devriez voir un disque rond très bien défini, blanc, bleu, jaune ou orange, selon le type de filtre. Si les lunettes passent les trois étapes de ce test, elles sont « probablement » sûres. Cependant, il est impossible d’en être certain à 100 %. En cas de doute, l’AAS recommande de ne pas regarder le soleil plus de deux ou trois secondes à la fois et pas plus souvent que toutes les cinq minutes.

Le Devoir a effectué le test avec les lunettes sans nom de fabricant achetées au Canadian Tire. Les résultats ont soulevé des doutes dès la première étape. De l’intérieur des bureaux du journal, on pouvait bien distinguer la forme des fenêtres et la silhouette des bâtiments à l’extérieur. « Il me préoccupe que vous puissiez voir des choses par les fenêtres », a souligné le Dr Chou. Cela laisse penser que les lunettes ne sont vraiment pas assez sombres.

Par ailleurs, M. Robert rappelle qu’il est important d’inspecter ses lunettes même si elles ont été achetées auprès d’une source fiable, car elles pourraient être percées ou éraflées. Il mentionne également qu’il est nécessaire de porter les lunettes tout le temps dans la zone d’éclipse partielle. Dans la zone d’éclipse totale, les lunettes peuvent être retirées pendant le bref moment où le soleil est complètement caché. Elles doivent être remises dès le retour des premiers rayons de soleil, selon le site d’Éclipse Québec.

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