96 heures de garde à vue. C’est le régime auquel sont astreintes les dix-neuf personnes interpellées lundi 17 avril, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), pour trafic de stupéfiants. Ce vaste coup de filet orchestré dès 6 heures du matin par les effectifs du commissariat de Saint-Ouen s’est déroulé « sur commission rogatoire d’une juge d’instruction de Bobigny », confirme le parquet.
Les fonctionnaires de police ont reçu le soutien des effectifs d’agglomération de la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP), de la brigade de recherche et d’intervention (BRI), de la brigade d’intervention de la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC), des douanes et de l’administration pénitentiaire.
24,6 kg de résine de cannabis, 646 g de cocaïne, 62 960 euros saisis…
Selon nos informations, Yacine Gacem, alias « Kipch », figure parmi les 19 interpellés. C’est le frère cadet et ancien bras droit présumé de Mohamed Gacem, alias « Cyborg », l’ancien chef du « méga four » de la cité Charles-Schmidt, également à Saint-Ouen, tué par balles en 2019 à Aubervilliers.
Quatre autres suspects font l’objet d’un mandat de recherches, délivré par le juge d’instruction. Outre les interpellations, des saisies ont été réalisées : 24,6 kg de résine de cannabis, 646 g de cocaïne, mais aussi 62 960 euros, ainsi que quatre véhicules, des munitions, divers vêtements de luxe et des balances de pesée.
La cible des forces de l’ordre, lundi : le secteur du 8-Mai-1945. Il s’agissait de démanteler ce point de deal « en plein essor depuis un an » , indique une source proche du dossier. Les individus interpellés sont pour la plupart des Audoniens, issus de ce quartier situé juste derrière la mairie et des bouches de métro. Il constitue aussi l’une des ZSP (zone de sécurité prioritaire) de la ville, englobant les cités Cordon et le secteur Michelet.
Les riverains à bout de nerfs
La place du 8-Mai-1945, enserrée dans un dédale de rues, est un point de deal historique de Saint-Ouen. Ce n’était pas le plus prospère, ces dernières années. Il était devancé par celui des « Boute », jusqu’en 2020, ou Charles-Schmidt et Arago. Mais depuis plusieurs mois, son activité était en pleine ascension.
Dans ce quartier à l’habitat très dense, la cohabitation dealers et riverains était devenue insupportable. « La grogne montait », constate un riverain du trafic. D’autant plus que le deal prenait ses aises au-delà de la placette. « Depuis la rentrée, il s’était étendu devant la piscine », révèle ce résident. Mais aussi devant la poste.
« Ils se bagarrent beaucoup entre eux »
Les consommateurs toujours plus nombreux, rendaient la situation intenable. « La demande s’est relocalisée après la fermeture des Boute », analyse ce riverain qui, à force de vivre à côté du four et d’observer leur fonctionnement, a atteint un certain niveau d’expertise. Ces derniers temps, le cœur des transactions se serait à nouveau replié dans l’immeuble historique, au numéro 39 de la rue Anselme. C’est notamment dans ce bâtiment que se sont déroulées les perquisitions de lundi.
Un point de non-retour était atteint. Le profil des guetteurs avait aussi évolué. « Ce sont des clandestins, des squatteurs », relève le témoin. La violence a elle aussi monté d’un cran. « Ils se bagarrent beaucoup entre eux. Cela crée des tensions supplémentaires », ajoute-t-il.
D’importants moyens déployés par les forces de l’ordre
En février 2022, les doléances de riverains du quartier du 8-Mai-1945 poussent la brigade territoriale de contact (BTC) du commissariat de Saint-Ouen à mettre en place des surveillances de voie publique. Dix lignes téléphoniques font également l’objet d’écoutes. « Ces opérations ont permis de confirmer assez rapidement l’ampleur du trafic et d’identifier les auteurs de terrain », précise une source proche de l’enquête.
Une enquête préliminaire est ouverte et confiée à la brigade des enquêtes d’initiative (BEI) du commissariat. Les investigations se poursuivent dès octobre 2022, sous la forme d’une information judiciaire, avec cosaisine du commissariat de Saint-Ouen, de la sûreté territoriale de la Seine-Saint-Denis (ST 93), du groupe d’intervention régional (GIR) 93, de la BRI, de et de la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) de Paris. « Compte tenu de l’importance du trafic, de la qualité de l’organisation et de sa structure, il fallait des moyens importants pour enquêter sur des protagonistes méfiants et déjà rompus aux techniques de police », glisse cette source.
Des moyens humains et techniques importants sont ainsi déployés. « L’ensemble de ces moyens a permis d’établir de façon certaine le rôle de chacun et de les localiser », assure-t-on.
Le procès des Boute-en-Train se poursuit pendant ce temps
Les opérations de police visant à démanteler les gros points de drogue à Saint-Ouen se succèdent ainsi : Michelet, les Boute-en-Train, avec des incursions aussi cité Charles-Schmidt. À l’entrée du 8-Mai-1945, un fourgon de police est désormais stationné en permanence pour empêcher la reformation de l’équipe, tandis que des patrouilles à cheval sillonnent les rues.
Les dernières interpellations interviennent alors que le tribunal de Bobigny juge depuis près d’une semaine le réseau de trafiquants de « Malsain », le boss présumé des Boute-en-Train, à l’encontre de qui un mandat d’arrêt court toujours car il est soupçonné d’avoir fait assassiner Mohamed Gacem. On le dit en fuite au Maroc.
Douze hommes, dont une femme, allant du gérant de terrain au chouf (guetteur), en passant par la compagne d’un dealeur qui bénéficiait des retombées du trafic, s’expliquent sur des faits datant de 2020. L’arrestation des prévenus a marqué la fin de l’un des fours les plus florissants de la ville. L’activité très lucrative dégageait de juteux bénéfices, de l’ordre de 16 000 euros pour les jours les plus fastes. Les tentatives de reformation d’un réseau ont avorté.
Trois des prévenus sont toujours incarcérés. Les réquisitions sont attendues ce jeudi et le délibéré, ce vendredi.
2023-04-18 10:00:00
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