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Réflexion sur l’illégalité de la condamnation de Monsieur Ousmane SONKO pour corruption de la jeunesse

Réflexion sur l’illégalité de la condamnation de Monsieur Ousmane SONKO pour corruption de la jeunesse

Revenir sur l’affaire tragique de la condamnation de Monsieur Ousmane SONKO pour corruption de la jeunesse ou pour illégalité manifeste de la décision de condamnation (par Maître Babacar NIANG)

Les dispositions discrètes de l’article 324, alinéa 2 du Code pénal sont bien connues. Les juristes en herbe, occasionnels ou complaisants, ainsi que la multitude d’experts de Dakar et d’ailleurs, se sont uniquement basés sur les apparences pour conclure hâtivement à la légalité de la condamnation de Monsieur Ousmane SONKO pour corruption de la jeunesse. Cependant, une simple analyse approfondie du texte incriminateur permet de constater qu’il a été condamné sur la base d’un texte obsolète, c’est-à-dire “formellement en vigueur mais politiquement inapplicable” (G. Cornu, Vocabulaire juridique). En d’autres termes, l’article 324, alinéa 2, qui a été utilisé habilement, était en réalité une manœuvre inutile puisque le texte avait été implicitement abrogé pour deux raisons : le passage de la majorité civile de 21 à 18 ans (1) et la modification législative de 1999 qui couvre la corruption des mineurs (2).

Tout d’abord, l’article 324, alinéa 2 est issu de la loi n° 65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal (crimes et délits), publiée au Journal officiel le 6 septembre 1965, numéro 3767, p. 1009. Le Code pénal sénégalais est le résultat d’une imitation juridique. Ainsi, l’article 324, alinéa 2 du Code pénal sénégalais est identique à l’ancien article 334 du Code pénal français de 1810, qui réprimait l’incitation, la promotion ou la facilitation de la débauche ou de “la corruption de la jeunesse de l’un ou l’autre sexe en dessous de l’âge de vingt et un ans”.

La notion de jeunesse englobe la période de la vie de l’individu entre l’enfance et la maturité. Il est admis que la jeunesse s’étend jusqu’à l’âge de 35 ans, mais le fait d’imposer une limite d’âge à 21 ans était une manière de faire correspondre l’incitation à la débauche des mineurs ou la corruption de la jeunesse à la minorité civile. En France, en 1810, la minorité était fixée en dessous de l’âge de 21 ans. La majorité civile ne sera abaissée à 18 ans qu’à partir de 1974. Au Sénégal, l’article 276 du Code de la famille a fixé la minorité civile à 18 ans. L’article 324, alinéa 2 du Code pénal est resté inchangé depuis 1965, malgré la modification de l’âge de la minorité. Cependant, la protection pénale visait la minorité. En d’autres termes, il était fait référence à “la corruption de la jeunesse de l’un ou l’autre sexe en dessous de l’âge de vingt-et-un ans” uniquement pour faire référence à la minorité civile, qui était également fixée à 21 ans. Le texte est devenu obsolète depuis l’alignement de la majorité civile sur la majorité sexuelle à partir de 18 ans révolus. L’intention du texte était de protéger la minorité civile. Imaginez donc combien d’hommes devraient être poursuivis et condamnés pour incitation à la débauche de mineurs ou corruption de la jeunesse en dessous de l’âge de 21 ans, simplement parce qu’ils ont eu une relation ou se sont mariés avec une jeune fille de 18, 19 ou 20 ans.

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En France, afin de prendre en compte la réduction de l’âge de la majorité civile, l’article 334 du Code pénal napoléonien a été modifié et est devenu l’article 334-2 de l’ancien Code pénal français, qui dispose que : “Sera puni des peines prévues à l’article précédent quiconque aura habituellement attenté aux mœurs en incitant à la débauche ou en favorisant la corruption des mineurs de dix-huit ans ou même occasionnellement la corruption des mineurs de seize ans”. Au Sénégal, l’article 324, alinéa 2 du Code pénal n’était plus applicable depuis la réduction de la majorité civile à 18 ans. Le droit pénal ne protège un adulte que lorsqu’il y a atteinte à sa liberté sexuelle. Un viol peut être requalifié en agression sexuelle si les éléments constitutifs de cette infraction sont réunis. Une autre qualification des faits peut être envisagée après débat lors de l’audience. Qualifier un viol de corruption de la jeunesse est une absurdité juridique, d’autant plus que cette infraction est devenue la corruption des mineurs depuis 1999.

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Ensuite, au Sénégal, en 1999, la loi n° 99-05 du 29 janvier 1999 modifiant certaines dispositions du Code pénal (Journal officiel du 27 février 1999) a encore une fois copié les dispositions de l’article 227-22 du Code pénal français dans un article 320 ter qui sanctionne “le fait de favoriser ou tenter de favoriser la corruption des mineurs”. Contrairement au législateur français qui abroge et remplace l’article 334-2 de l’ancien Code pénal par l’article 227-22 du Code pénal français, le législateur sénégalais n’abroge pas explicitement l’article 324, alinéa 2, mais il le vide de toute pertinence en adoptant les mêmes dispositions françaises. En effet, depuis 1994, le Code pénal français réprime “le fait de favoriser ou tenter de favoriser la corruption des mineurs”, en intégrant l’ancien délit d’incitation de mineurs à la débauche ou à la corruption de la jeunesse. Pour être condamnable, l’article 227-22 suppose que l’auteur des faits ait pour objectif la corruption de la jeunesse. Ce but doit être de corrompre la morale sexuelle d’un mineur et non d’un adulte.

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Dans ces conditions, nous pouvons affirmer, sans risque d’être contredit, que Monsieur Ousmane SONKO a été condamné sur la base d’un texte obsolète qui réprimait initialement l’incitation à la débauche de mineurs ou la corruption des mineurs en dessous de 21 ans. En effet, par “corruption de la jeunesse”, il faut entendre “corruption des mineurs”, car à l’époque la minorité était fixée à 21 ans. Ce texte a été implicitement abrogé par la loi 99-05 du 29 janvier 1999, qui incrimine dans l’article 320 ter le délit de corruption des mineurs. Le législateur pensait introduire une nouveauté et explique dans les motifs de la loi que la corruption des mineurs est désormais prévue et réprimée à l’article 320 ter du Code pénal. Le législateur de 1999 a sans doute commis une erreur en n’abrogeant pas purement et simplement l’article 324, alinéa 2, malgré la réduction de la minorité de 21 ans à 18 ans. Ce texte ressuscité pose donc de sérieux problèmes, compte tenu du principe de nécessité, qui découle du principe de légalité. Il convient de rappeler que ce principe permet de distinguer un État démocratique d’un État policier. Un appel du Parquet général ou de Madame Ndèye Khady NDIAYE pourrait rétablir la légalité.

Maître Babacar NIANG, Avocat au Barreau de Paris, Professeur agrégé des Facultés de droit (Droit privé et sciences criminelles).

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