Référendum au Mali : Les Maliens approuvent avec 97% des voix le projet de nouvelle Constitution malgré des incidents et des irrégularités

Les Maliens ont approuvé le projet de nouvelle Constitution avec 97% des voix lors d’un plébiscite en faveur des militaires au pouvoir depuis 2020 dans un pays confronté au jihadisme et à une grave crise multidimensionnelle. L’autorité électorale a annoncé que le taux de participation s’élevait à 39,40% et a déclaré ces résultats provisoires lors d’une cérémonie au Centre international de conférences de Bamako. La participation était traditionnellement faible au Mali, mais le vote a également été entravé dans de nombreuses localités du centre et du nord en raison de la crainte des attaques jihadistes et des désaccords politiques. Des observateurs et des opposants à la réforme ont signalé des incidents et des irrégularités lors du scrutin. Les détracteurs du projet le décrivent comme un moyen de permettre aux colonels de rester au pouvoir au-delà de la présidentielle prévue en février 2024, malgré leur engagement initial à rétrocéder le pouvoir aux civils après les élections. Cette nouvelle Constitution renforce les pouvoirs du président, accorde une place prépondérante aux forces armées et met en avant le principe de “souveraineté”, qui est devenu le mantra de la junte depuis son arrivée au pouvoir et sa rupture avec la France, ancienne puissance dominante, en faveur de la Russie.

Le référendum constitue une étape importante vers le retour des civils à la tête du pays d’ici mars 2024. Il s’agissait du premier scrutin depuis que les militaires ont pris le pouvoir par la force en août 2020 et exercent depuis lors un contrôle quasi-total. Ce référendum, qui fait partie d’un calendrier de réformes et de consultations prévues jusqu’à la présidentielle, était particulièrement suivi pour évaluer le soutien de la population envers la junte et son leader, le colonel Assimi Goïta, réputé populaire, ainsi que pour évaluer la situation intérieure.

Les autorités ont défendu la réforme comme une étape essentielle de la refondation de l’État malien. La nouvelle Constitution vise à remédier aux lacunes de celle de 1992, souvent considérée comme un facteur de l’échec de l’État face aux nombreux défis tels que la propagation du jihadisme, la pauvreté, la détérioration des infrastructures ou la dégradation de l’éducation. Le référendum a eu lieu en même temps qu’un autre acte de rupture de la junte : la demande de retrait des plus de 11 000 Casques bleus et près de 1 600 policiers de la mission de l’ONU déployée dans le pays depuis 2013. La réforme constitutionnelle prévoit une amnistie pour les auteurs de coups d’État antérieurs à sa promulgation et suscite des spéculations persistantes sur une éventuelle candidature du colonel Goïta à la présidentielle. Cependant, elle a également suscité une opposition hétérogène qui a réussi à se faire entendre. Les groupes armés du nord, qui ont combattu l’État central avant de signer un fragile accord de paix en 2015 et qui exercent un large contrôle dans le nord, ont empêché la tenue du vote dans les endroits où ils estiment que l’accord de 2015 n’est pas respecté. Ils ont dénoncé des fraudes électorales dans les localités du nord où le vote a eu lieu. Des organisations religieuses influentes se sont également mobilisées contre le maintien du principe de laïcité de l’État dans la Constitution. L’imam Mahmoud Dicko, l’une des figures de cette mobilisation, a prononcé lors d’un meeting contre le projet de Constitution et la junte. Auparavant, il avait soutenu la junte avant de devenir un de ses ardents détracteurs. Son passeport lui a été confisqué à son retour de Mauritanie à l’aéroport de Bamako selon son entourage.