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« Quand je parle du Brésil, je parle de moi »

« Quand je parle du Brésil, je parle de moi »

Comment vous présenter aux lecteurs français qui ne vous connaissent pas encore ?
Je suis un dessinateur brésilien. Je vis en Espagne depuis vingt ans, mais le Brésil est toujours en moi. C’est lui qui m’a façonné en tant qu’être humain. Quand j’en parle, je parle de moi. J’ai grandi dans ce pays où dans certaines localités, l’Etat est inexistant, laissant la place à des forces qui peuvent parfois être violentes. Le Brésil, c’est le thème principal de mes histoires. Je m’inspire des expériences que j’ai pu y vivre, de celles de mes proches. J’ai grandi dans un quartier ouvrier de Niterói (dans l’état de Rio). Mais la favela n’est jamais très loin. J’aime travailler mes personnages avec le plus d’humanité possible, je les laisse me guider.

Comment vous est venu le personnage de Márcia ?
Je m’intéresse beaucoup aux relations entre les gens. J’avais envie de raconter quelque chose autour de l’amour maternel. Je n’ai pas d’enfants, mais à mon avis, il n’y a rien de plus fort. J’avais envie de parler d’une personne prête à tout pour sauver sa fille ou son fils, capable de prendre une décision extrême. Ma propre mère a une personnalité très, très forte. Je pense qu’elle n’hésiterait pas à adopter ce genre d’attitude s’il fallait me sauver. Márcia travaille dans un hôpital. Tous les jours, elle est confrontée à la vie et à la mort ; elle est habituée à perdre des gens, mais là, elle fera tout ce qu’elle peut pour ne pas perdre sa fille.

Je ne comprends toujours pas comment Bolsonaro a pu devenir président du Brésil

Vous parlez français. Quel est votre lien avec notre pays ?
Mon premier contact avec la BD francophone, c’était un auteur français : Jean-Claude Mézières, en lisant Valérian dans les journaux brésiliens. J’adore les auteurs franco-belges comme François Boucq, Edgar P. Jacobs, Jijé, Hergé, Jean-Louis Floch… Je suis fan de la ligne claire. Je viens souvent en France pour faire des dédicaces, des festivals, rencontrer des gens. Et chaque fois, j’essaie d’apprendre quelques mots de plus.

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Votre précédent album Tungstène était en noir et blanc, celui-ci déborde de couleurs. Pourquoi ce choix ?
Quand j’ai écrit Tungstènej’avais envie d’utiliser des couleurs qui contrastent avec Salvador de Bahia et nous plongent dans une dimension polar. Dans le cas de Márcia, je voulais que le lecteur ait la sensation d’une explosion de couleurs en ouvrant l’album, avec des tons acides. C’est aussi une métaphore. La peau des personnages en violet, vert ou bleu, le ciel vert… Cela ne correspond pas au monde réel. Cela montre la déconnexion avec la réalité, avec le Brésil d’aujourd’hui, notamment au niveau politique. Je ne comprends toujours pas comment Bolsonaro a pu devenir président du Brésil. Ni comment des gens qui ont accès à l’information peuvent adhérer à des mouvements anti-vaccin.

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Je travaille sur un documentaire consacré à un musicien brésilien qui a été torturé et assassiné par la dictature argentine

Il y a beaucoup de sons dans vos dessins, la BD porte le titre d’une chanson, c’est un élément important ?
Écoute, Jolie Márcia, c’est une chanson de la culture populaire brésilienne. Elle était jouée au début du 19e siècle dans les milieux bourgeois. Elle a été transmise oralement. Puis a fini par être enregistrée. C’est un mélange d’érudition et de popularité qui me plait. Concernant le bruit, je voulais que cet album soit habité. Car au Brésil, tu n’as pas le choix. Tu dois vivre avec le bruit. Les gens parlent tout le temps. Le silence, dans certains endroits, c’est quasi interdit.

Sur quoi travaillez-vous à présent ?
Je suis sur un nouveau projet. Je travaille sur un documentaire consacré à un musicien brésilien qui a été torturé et assassiné par la dictature argentine. Je suis chargé de créer les personnages et de superviser le design graphique. C’est un long métrage d’animation de Fernando Trueba & Javier Mariscal qui s’appellera Ils ont tiré sur le pianiste. On devrait le terminer cette année.

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Qu’est-ce que ce Fauve d’or va changer pour vous ?
Je ne sais pas ce que ça va changer mais ça représente beaucoup. Cela semble incroyable que cette histoire puisse parler à des lecteurs qui ne connaissent pas forcément la réalité brésilienne. Mais apparemment c’est possible. Peut-être parce que ça parle avant tout de l’humanité d’un personnage ; l’humanité est partagée par tous. Et si ce Prix me donne la possibilité de toucher plus de monde, alors c’est magnifique.

2022-04-02 10:00:00
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