Tom, vous êtes à Izmail, une ville de la région d’Odessa où des attaques contre des silos à céréales ont eu lieu hier soir. Comment ça se passe là-bas maintenant ?
« La ville n’a pas dormi. La Russie a mené des attaques toute la nuit avec des drones kamikaze de fabrication iranienne. Ce sont des drones qui explosent lorsqu’ils touchent le sol. Cinq des neuf appareils ont été abattus par la défense aérienne ukrainienne, mais les quatre autres ont explosé dans et autour du port. Un silo à céréales a été touché. Ce matin j’ai vu des gens là-bas qui balayaient les grains, le silo est assez endommagé.
De toute façon, j’ai constaté beaucoup de dégâts dans le port, car ce n’est pas la première fois que cette ville est attaquée. Au début du mois, le terminal et le bâtiment d’une entreprise de transport ont été détruits. Il est clair que la Russie veut fermer les infrastructures céréalières ici.»
Pourquoi l’infrastructure céréalière d’Izmail est-elle si durement touchée ?
« Depuis que la Russie s’est retirée en juillet de l’accord céréalier qui permettait des exportations de céréales en toute sécurité à travers la mer Noire, Izmail est devenue très importante pour les exportations céréalières ukrainiennes. Cette ville n’est pas située au bord de la mer Noire mais sur le Danube, qui forme la frontière entre l’Ukraine et la Roumanie. De nombreux navires n’osent plus traverser la mer Noire, car la Russie a indiqué qu’elle ne permettrait plus à ces navires de passer ou de les attaquer eux-mêmes, mais qu’ils pourraient traverser les eaux roumaines via Izmail. La Roumanie est membre de l’OTAN, la Russie n’attaquera donc pas facilement les navires qui s’y trouvent.
En s’attaquant aux infrastructures céréalières le long du Danube, la Russie tente également de fermer cette voie alternative d’exportation. Mais ils prennent aussi un gros risque : la côte roumaine n’est qu’à une centaine de mètres de l’Ukraine. Si un drone s’écarte, ne serait-ce que légèrement, de sa trajectoire, il pourrait tomber sur le territoire de l’OTAN.
Les attaques ont-elles déjà affecté les exportations ukrainiennes de céréales ?
« Pour l’instant, l’exportation des céréales se poursuit, malgré les attaques nocturnes. J’ai parlé ce matin avec des camionneurs qui attendent partout dans la ville pour décharger leur cargaison. Étant donné que le port d’Izmail est beaucoup plus petit que les ports de la mer Noire et ne peut pas gérer autant de transports, il faut parfois une semaine avant que leurs marchandises puissent être transportées. Mais pour l’instant, les exportations ne sont pas en reste.
Dans le cas peu probable où le port deviendrait inutilisable, l’Ukraine pourrait en théorie également transporter ses céréales par voie terrestre, par exemple vers des ports roumains. Mais c’est beaucoup plus cher. L’Ukraine essaie donc pour l’instant de protéger Izmaïl du mieux possible grâce à sa défense aérienne.»
Eva Selderbeek