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Micheline Presle, doyenne et légende du cinéma français, fête ses 100 ans

Micheline Presle, doyenne et légende du cinéma français, fête ses 100 ans

Si on se retourne sur le long ruban de pellicule que fut cette prestigieuse carrière, on y voit défiler quelque 121 films, un certain nombre de succès sur les planches, des débuts à la télévision dans les années 1960, à l’époque où c’était tout sauf courant pour une comédienne de son calibre. Elle fut lancée en 1939 par Georg Wilhelm Pabst, un des maîtres du muet, et garda au passage de ce tournage de « Jeunes filles en détresse » le nom de son personnage, Presle, qu’elle préféra au sien, Chassagne.

Mais si ses rôles qui ont le plus marqué les mémoires datent de la fin des années 1940 – « Falbalas », de Jacques Becker, qui donna au couturier Jean-Paul Gaultier sa vocation, et « Le Diable au corps » d’Autant-Lara, avec Gérard Philipe, qu’elle avait découvert au théâtre et qu’elle proposa pour le rôle – son dernier tournage à ce jour ne date que de 2014. C’était « Tu veux ou tu veux pas », avec sa fille, la réalisatrice Tonie Marshall, disparue en 2020, seule femme à avoir jamais obtenu le César de la mise en scène (pour « Vénus Beauté (institut) » dans lequel jouait évidemment sa mère).

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Sa filmographie ? Un annuaire des plus grands

Rappelons au passage que ce « Diable au corps » si fameux fut présenté en avant-première mondiale à Bordeaux en 1947, au Fémina qui était alors un cinéma.

Gérard Philipe et Micheline Presle dans « Le Diable au corps », en 1947. Ils sont tous les deux nés en 1922.

Égrener sa filmographie, c’est réciter l’annuaire des plus grands réalisateurs, et pas seulement des Français.

Si elle a débuté avec l’Autrichien Pabst, elle a tourné ensuite avec Gance, Grémillon, L’Herbier, Allégret, Guitry, Lang, Losey… Et si elle aligne tout le gratin de ceux qui furent fustigés par Truffaut sous le vocable « qualité française » – Duvivier, Delannoy, Autant-Lara – elle ne manqua pas non plus le rendez-vous avec la Nouvelle Vague, travaillant plusieurs fois avec Jacques Demy, qui fit d’elle notamment la mère du prince de « Peau d’Âne », avec Chabrol, de Broca dans le délicieux « Roi de cœur » et surtout Rivette, qui la mit en scène en 1966 dans « La Religieuse », avec en vedette Anna Karina.

Cette actrice cinéphile avoue en 2004 en recevant un César d’honneur : « Ma plus belle histoire d’amour, c’est le cinéma »

À l’entame des années 1950, Micheline Presle a exploré un temps le monde hollywoodien, épousé un cinéaste américain, William Marshall, le père de sa fille Tonie. Elle tournera aussi, jusque dans les années 1970, de l’autre côté des Alpes, ce qu’illustre notamment un film qu’Arte diffuse jusqu’à la fin du mois d’août et où elle donne la réplique à Marcello Mastroianni, “L’Assassin”, d’Elio Petri.

« La vie, c’est une bicyclette »

Dans les années 1980, elle s’offre dans « Beau temps mais orageux en fin de journée », de Gérard Frot-Coutaz, de belles scènes de ménage avec Claude Piéplu, elle qui a joué « Qui a peur de Virginia Woolf » sur les planches. Elle y côtoie sa fille Tonie encore actrice, qui ne tardera pas à passer à la réalisation, offrant à chaque film un rôle à sa mère.

Avec sa fille la réalisatrice Tonie Marshall, à Bordeaux en 2003, où elle reçoit la Vague d’or du Festival international du cinéma au féminin.

Avec sa fille la réalisatrice Tonie Marshall, à Bordeaux en 2003, où elle reçoit la Vague d’or du Festival international du cinéma au féminin.

Archives Stéphane Lartigue

Micheline Presle, qui a dépassé l’âge des récompenses pour entrer dans la légende, est tout de même nommée aux César en 1989 pour « I want to go home », de son contemporain Alain Resnais. César qu’elle ne remportera pas, mais statuette qu’elle retrouvera, sous forme d’un César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière en 2004. Elle avoue alors : « Ma plus belle histoire d’amour, c’est le cinéma. »

Habituée d’Angoulême

Car cette actrice, qui sait à l’automne de sa carrière donner aux jeunes metteurs en scène leur chance, y compris pour un court-métrage, est peut-être une légende, mais toujours une cinéphile avertie. Ce week-end, dans « Le Parisien », elle admettait « Je me suis souvent sentie plus proche des réalisateurs, scénaristes, écrivains, que des acteurs ». Parmi ses amis d’autrefois, Queneau ou Cocteau, auquel elle emprunte ce qu’elle présente aujourd’hui comme sa philosophie, une drôle de phrase en forme de pirouette, « la vie, c’est une bicyclette ».

Cette cinéphilie, et son amitié pour son agent Dominique Besnehard, l’ont conduit à porter sur les fonts baptismaux le Festival du film francophone d’Angoulême. Dès la première édition, elle était du jury, dont elle a été nommée membre à vie par Dominique Besnehard, et les débuts du festival l’ont souvent vue dans les salles, et dans les rues d’Angoulême où elle aimait à flâner.

Sainte Chérie et femme engagée

Ce lundi 22 août, on ne sait pas si Micheline Presle soufflera 100 bougies, mais on peut imaginer qu’elle ne ratera pas, toujours gourmande de vie et de bonnes choses, sa part de gâteau. Beaucoup de ses admirateurs penseront à elle, car elle s’est taillé un large public au-delà du cinéma. De 1965 à 1970, elle qui n’avait pas hésité dès le début des années 1960 à tourner pour le petit écran incarna un de ses plus grands succès, en Ève Lagarde du feuilleton « Les Saintes chéries ».

Avec Daniel Gélin, elle est devenue en 1965 aussi une figure du petit écran.

Avec Daniel Gélin, elle est devenue en 1965 aussi une figure du petit écran.

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Pimpante, piquante et impertinente, elle séduisit ainsi toute une génération, avec un brio pour la comédie légère et au passage un message d’émancipation des femmes. Rien d’étonnant pour celle qui n’hésita pas à signer le fameux manifeste dit plus tard des « 343 salopes » et à passer le relais pour qu’il soit largement diffusé.

Aujourd’hui Micheline Presle s’est installée à la Maison nationale des artistesà Nogent-sur-Marne. Pour elle qui a tourné avec Duvivier, cela pourrait évoquer « La Fin du jour », drame amer sur de vieux comédiens rassemblés dans une maison de retraite. Mais avec elle dans les murs, toute ambiance crépusculaire est à oublier. La centenaire vit au présent et cueille les roses de la vie.

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