Dans “Nocturne”, son onzième album, Michael von der Heide chante Jean Villard-Gilles, rend hommage à Ursula Andress et fait l’éloge de la nuit. En solo ou en duo avec Heidi Happy, Jessanna et Eve Gallagher, ces quatorze chansons couvrent toutes les couleurs de sa palette.
Le temps ne semble pas avoir de prise sur lui. Pas plus que les modes. Depuis son premier album, “30°”, paru en 1998, Michael von der Heide trace un chemin très personnel dans le paysage de la musique suisse. Kitsch et branché à la fois, pop et chanson, en dialecte ou en français, ce Saint-Gallois d’origine est un genre à lui tout seul.
Son dernier disque intitulé “Nocturne” ne déroge pas à la règle. Lui qui était redevenu infirmier le temps de la pandémie fait son grand retour. Les arrangements grandiloquents (“Träne im Wind”) côtoient sans peine l’épure (“La pluie”) le tout emballé à Zurich au studio 571 chez Thomas Fessler.
Pourtant cela fait dix ans qu’il déclare ne plus vouloir enregistrer de disque. Mais il confesse un besoin d’être en studio: “Moi j’adore la scène, mais ce n’est pas la même chose, ce n’est pas la même concentration pour les chansons. Oui, j’adore travailler en studio avec les musiciens, les violonistes, les choristes. Là, on se sent comme un musicien”.
“Achète une voiture!”
“J’ai reçu un prix de la ville de Zurich il y a un peu plus de deux ans. Je pouvais faire ce que je voulais avec. Ils m’ont dit: ‘Super, tu vas pouvoir acheter une voiture!’ Mais, non! Quand tu reçois un prix comme ça, tu dois le dépenser pour la musique”. Une pandémie plus tard, après avoir repris temporairement son métier d’infirmier et travaillé en hôpital, Michael von der Heide peut entrer dans le studio de ses débuts pour y enregistrer ses chansons, nourri de belles certitudes. “Ça m’a fait tellement de bien! Comme humain, comme artiste, je voyais que je pouvais être utile ailleurs et je me disais que j’étais capable de faire autre chose. Et les nuits de veille, j’avais beaucoup de temps pour réfléchir à mon parcours”.
Trois chanteuses, sinon rien
En français, en dialecte ou en anglais, Michael von der Heide enregistre donc quatorze titres. Adepte des duos, le voici en compagnie de trois chanteuses aux voix très différentes. Eve Gallagher, produite par Boy Georges, c’est une puissance folle mise au service de la house music et une rencontre étrange, se remémore Michael von der Heide: “C’était à l’enterrement d’une amie. C’était triste, mais on s’est amusés. Vraiment”.
Après Heidi Happy, complice de longue date, ce disque marque l’apparition de Jessanna Nemitz, qui enseigne le chant à l’école de jazz et de musique actuelle de Lausanne et dirige les chorales de la Musique des jeunes de Bienne. “Je l’ai découverte en première partie de Gjon’s Tears. Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu quelqu’un avec un talent comme le sien. Je l’ai invitée à Andermatt pour un festival, puis à un concert à Zurich et tout le monde me disait qu’il fallait absolument que je fasse quelque chose avec elle”.
Entre Zurich et Saint Sap’
S’il vit toujours dans le canton de Zurich, Michael von der Heide garde un attachement profond à la Suisse romande, lui qui fût “au pair” pour y apprendre le français. Il lui reste la langue, cet amour étrange pour les chanteuses françaises des années 1980, et une connaissance intime du terroir. Ainsi la reprise de cette chanson de Gilles, “Le bonheur”. Un peu cabarettiste, chansonnier, acteur à ses heures, toujours en éveil, Michael von der Heide a bien fait de ne pas s’acheter de voiture.
Pierre Philippe Cadert/mh
Michael von der Heide, “Nocturne” (MvdH – Musique).
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