Marcos Curty, Quantum Communication Center : « Avec un ordinateur quantique, toute notre cryptographie actuelle s’effondre » | Technologie

Marcos Curty est docteur en télécommunications et ne possède pas de téléphone portable. Il assure qu’il s’agit d’une décision personnelle et réfléchie. Il a 47 ans et a décidé de faire de sa ville natale, Vigo, une capitale mondiale quantique en matière de sécurité, l’un des grands défis de cette technologie en raison des vulnérabilités qui peuvent être ouvertes et des défenses imprenables recherchées. Tout au long de son parcours académique international, ce professeur de théorie du signal et de communications a côtoyé les plus grands experts du secteur, qui sont ceux qui composent désormais, sous la coordination de Curty, le réseau Internet Quantum-Safe, le plan européen de formation. en cybersécurité, et le Centre de communication quantiquele complexe de recherche auquel participent des entreprises et des universités d’une douzaine de pays pour placer la ville galicienne sur la carte du monde quantique avec un budget de près de 10 millions d’euros, financé par le ministère de la Science et le gouvernement régional de Galice, en plus des fonds européens. des fonds pour la recherche et l’aide d’entreprises telles que Cisco.

Demander. Le système actuel est-il sécurisé ?

Répondre. La sécurité de nos communications est protégée par des méthodes dites cryptographiques. Elles sont utilisées quotidiennement dans des applications pour se connecter à Internet, à la banque… Et nous voulons être sûrs que personne n’accédera à ces données. Dans les communications gouvernementales, commerciales ou militaires, nous avons également besoin de sécurité pour nos communications et, surtout, de confidentialité, afin que personne ne puisse accéder aux informations que nous transmettons sur le réseau au-delà du destinataire. Et comme la quantité d’informations que nous transmettons sur les réseaux de communication ouverts augmente considérablement, il est encore plus important de protéger ces informations. Aujourd’hui, on utilise principalement des méthodes de cryptographie à clé publique, dont la sécurité repose sur la difficulté de résoudre certains problèmes mathématiques. Avec les ordinateurs quantiques, de nombreux problèmes seront faciles à résoudre et certains d’entre eux concernent précisément ces fonctions utilisées en cryptographie.

Avec les ordinateurs quantiques, de nombreux problèmes seront faciles à résoudre et certains d’entre eux concernent précisément ces fonctions utilisées en cryptographie.

P. Peter Shor, mathématicien au Massachusetts Institute of Technology, avertissait déjà il y a 30 ans qu’un ordinateur quantique pourrait résoudre efficacement un problème de factorisation.

R. Cela implique qu’essentiellement, avec un ordinateur quantique, vous pourriez briser toute la cryptographie actuellement présente sur Internet. La factorisation est un exemple concret, mais tout à fait pertinent car l’un des systèmes cryptographiques actuels les plus utilisés sur Internet repose précisément sur ce problème mathématique. Il existe d’autres problèmes mathématiques qui sont également utilisés actuellement, mais ils peuvent également être résolus. Essentiellement, avec un ordinateur quantique, toute notre cryptographie actuelle s’effondre. Et c’est là qu’intervient l’idée de Quantum Safe Internet : développer des méthodes cryptographiques robustes.

P. Mais la spirale actuelle se reproduit-elle où le développement de nouvelles technologies de sécurité favorise également l’apparition de nouvelles formes d’attaques ?

R. Si nos ordinateurs sont plus puissants, les problèmes difficiles deviendront plus faciles à résoudre. La cryptographie post-quantique recherche les problèmes qu’un ordinateur quantique ne serait peut-être pas en mesure de résoudre efficacement. Certains algorithmes ont déjà été sélectionnés et seront bientôt standardisés, mais il n’y a aucune garantie.

P.. En effet, certains des algorithmes finalistes ont été cassés avec un ordinateur classique voire avec un ordinateur portable.

R. En effet. C’est une voie qui présente certains avantages car, fondamentalement, il s’agit de continuer avec le même type d’infrastructure que nous avons actuellement. Mais peut-être que dans quelques années quelqu’un proposera un algorithme effectivement très efficace et capable d’accéder rétroactivement à toutes les données du passé. C’est une solution pour les applications à court terme.

Lorsque vous souhaitez envoyer des informations via un canal de communication ouvert que vous ne contrôlez pas, ces informations peuvent être copiées. En mécanique quantique, ce n’est pas possible

P. Y a-t-il un autre moyen ?

R. Une autre solution repose sur les communications quantiques qui peuvent assurer la sécurité contre n’importe quel ordinateur. Nous pouvons utiliser cette technologie pour réaliser des communications entièrement sécurisées. Lorsque vous souhaitez envoyer des informations via un canal de communication ouvert que vous ne contrôlez pas, ces informations peuvent toujours être copiées. En mécanique quantique, ce n’est pas possible. Si l’information est codée en particules élémentaires et dans certains états, il n’est pas possible de copier l’information et toute tentative en ce sens introduira un bruit détectable. De plus, rien ne garantit que ce que vous essayez de reproduire soit une copie authentique de ce qui a été transmis. Cette sécurité ne dépend pas de la capacité de calcul.

P. Et c’est là qu’intervient l’Université de Vigo ?

R. Nous avons lancé une initiative d’enquête en Espagne et nous avons réussi à créer deux groupes de grand prestige international au Quantum Communication Center. L’une est dirigée par le professeur Hugo Zbinden, originaire de l’Université de Genève et pionnier des communications quantiques depuis les années 1990. Il a obtenu actuellement certains des résultats expérimentaux les plus pertinents dans le domaine et détient le record de la distance de transmission maximale. Un autre groupe est celui du professeur Vadim Makarov, de Laboratoire de piratage quantique, l’expert leader sur les questions de certification et de piratage. Les systèmes sont sécurisés et peuvent être prouvés mathématiquement, mais il faut faire très attention à construire un système sécurisé. Makarov est le principal expert international dans la recherche et la résolution des vulnérabilités de ces systèmes.

P. Vigo sera-t-elle la capitale de la sécurité quantique l’année prochaine ?

R. J’aimerais le dire. Bien sûr, je pense qu’à l’heure actuelle, il y a peu d’initiatives, voire aucune, dans ce domaine spécifique, les communications quantiques, dont dispose le talent dont nous disposons à l’Université de Vigo.

P. La présence d’experts de nationalités conflictuelles constitue-t-elle un problème de sécurité ?

R. Ce que nous faisons, c’est une recherche qui se traduit par des publications scientifiques et dont les résultats seront publics. Pour faire des recherches, je ne vois aucune incompatibilité. Nous sommes des équipes de nationalités différentes et certains d’entre nous participent à certains projets et pas à d’autres.

P. Y aura-t-il des communications quantiques depuis l’espace ?

R. La L’Agence spatiale européenne a plusieurs programmes en ce sens avec les satellites en orbite basse et en Espagne il existe une initiative à laquelle participe l’Université de Vigo avec Hispasat pour évaluer les possibilités de liaisons de communications quantiques avec des satellites en orbite très haute.

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