Malgré l’irritation occidentale, l’Inde continue de chercher la Russie

Le président russe Poutine et le Premier ministre indien Modi se rencontreront plus tard dans la journée en marge du sommet sur la sécurité régionale à Samarkand, en Ouzbékistan. Depuis l’invasion russe de l’Ukraine fin février, le commerce entre la Russie et l’Inde a plus que doublé. L’Inde a surtout augmenté ses importations de pétrole russe bon marché.

Le gouvernement de New Delhi ne se soucie pas beaucoup des pressions occidentales pour couper les liens avec la Russie. Les liens avec la Russie sont si forts qu’ils ne sont pas faciles à rompre, disent les analystes indiens.

Puisque l’Inde mise sur deux chevaux dans ses relations internationales, la position du pays au sommet est compliquée. En tant que membre à part entière, l’Inde présidera l’année prochaine l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Mais en attendant, le pays fait également partie d’un partenariat qui vise à contrebalancer l’influence de la Chine dans le Pacifique. Avec l’Australie, le Japon et les États-Unis, l’Inde forme ce qu’on appelle le Quad, au grand désarroi de la Chine et de la Russie.

Selon Rajeswari Rajagopalan, directeur du Center for Security, Strategy & Technology (CSST) de New Delhi, les intérêts de l’Inde dans les différentes organisations internationales divergent. “Participer au Quad est beaucoup plus d’une importance stratégique à long terme pour l’Inde. La réunion de l’OCS en Ouzbékistan est beaucoup plus une question de participation, de faire entendre votre voix.”

L’année prochaine, l’Inde ne sera pas seulement le président de l’OCS. Le pays siégera également au Conseil de sécurité de l’ONU et au G20 en décembre. La Russie a déclaré aujourd’hui qu’elle souhaitait discuter avec l’Inde d’une coopération mutuelle dans les deux organisations.

Les liens entre la Russie et l’Inde irritent les alliés occidentaux. “C’est un choix conscient de l’Inde d’être politiquement autonome”, a déclaré Shibani Mehta du Carnegie Institute : “En travaillant avec les États-Unis dans le Pacifique, le pays espère éviter l’isolement politique”.

En ne prenant pas ouvertement parti, l’Inde espère faire des affaires avec tout le monde à l’échelle internationale. La seule question est de savoir combien de temps cela peut être conservé. Le ministre des Affaires étrangères Jaishankar et le Premier ministre Modi ont déclaré à plusieurs reprises que l’achat de pétrole russe n’avait aucune signification politique. La chose la plus importante est une énergie abordable pour chaque citoyen indien, disent-ils.

“Mais combien de temps pouvons-nous nier que nous finançons la guerre en Ukraine avec ça ?”, s’interroge tout haut l’analyste Rajagopalan.

La loyauté politique joue également un rôle dans les relations entre l’Inde et la Russie. Dans la période qui a suivi l’indépendance (1947), l’Inde a renforcé ses liens avec l’Union soviétique de l’époque. Cela a fourni à l’Inde un soutien crucial dans la guerre avec le Pakistan en 1971. L’Inde a été victorieuse dans cette guerre.

“En conséquence, il est encore impensable pour de nombreux politiciens que Modi parle désormais de manière négative ou critique de la Russie”, a déclaré Rajeswari Rajagopalan.

En outre, la Russie a toujours soutenu l’Inde au Conseil de sécurité sur les résolutions concernant la région politiquement sensible du Jammu-et-Cachemire. “Pour l’Inde, c’est plus une nécessité qu’un choix de continuer à soutenir la Russie”, a déclaré Manjari Chatterjee Miller du Council on Foreign Relations à Washington. “L’Inde ne veut pas risquer d’enfoncer encore plus la Russie dans les bras de la Chine.”

Pourtant, la Russie n’est plus l’alliée fiable de l’Inde qu’elle était autrefois. La guerre en Ukraine a rendu la Russie plus dépendante de la Chine. Et la Chine, selon Rajeswari Rajagopalan, est actuellement la plus grande menace pour la sécurité intérieure de l’Inde.

En 2020, des militaires des deux pays se sont affrontés le long de la frontière sino-indienne dans la région de l’Himalaya. Vingt soldats indiens et quatre soldats chinois ont été tués. Au sommet de l’OCS, Xi et Modi se rencontrent pour la première fois depuis cette confrontation à la frontière.

“Il est peu probable que Modi aborde cette question lors de la réunion d’aujourd’hui. C’est un point de tension clair”, a déclaré Rajagopalan.