2023-09-16 06:40:00
La honte du régime iranien est visible depuis longtemps. Depuis qu’elle a mis fin au mirage réformiste, la République islamique s’est révélée telle qu’elle a toujours été : une autocratie qui utilise la religion comme alibi. Un an après le déclenchement des protestations suite à la mort de Mahsa Amini, il apparaît incapable de jeter des ponts vers les mécontents de plus en plus nombreux (les femmes et les jeunes surtout). Même si la répression a réduit les Iraniens au silence, les troubles continuent d’encourager les gestes de défi qui portent atteinte à la légitimité du système.
Amini, une femme kurde de 22 ans, est décédée en garde à vue après avoir été arrêtée parce que son hijab ne couvrait pas ses cheveux et son corps, comme l’exige la loi iranienne. Le fait de brûler des foulards lors de son enterrement était bien plus qu’une dénonciation du voile obligatoire et de la discrimination de la République islamique à l’égard des femmes. C’est l’étincelle qui a poussé des dizaines de milliers de citoyens à travers le pays à descendre dans la rue pour demander des changements à la législation et au système gouvernemental.
Les Iraniens ont une longue histoire de protestations populaires. Et la révolution qui a donné naissance à la République islamique en 1979 n’a pas mis fin aux troubles sociaux. Au contraire, à mesure que les dirigeants ont trahi leurs promesses de justice sociale et de démocratie, les expressions de mécontentement sont devenues de plus en plus fréquentes. Les espoirs d’une réforme de l’intérieur du système, mirage projeté à chaque appel électoral, ont été enterrés après les élections de 2009 avec la suppression du Mouvement Vert. Les manifestations de l’année dernière ont constitué le plus grand défi lancé au régime depuis lors.
Cependant, un an plus tard, la répression a étouffé le cri « les femmes, la vie et la liberté », la devise de la protestation. Un demi-millier de morts, 22 000 détenus et un nombre indéterminé de blessés (beaucoup ont évité l’hôpital par peur d’être emprisonnés) représentent un prix très élevé. La terreur des coups de feu dans le visage et dans les yeux des manifestants (documentés par plusieurs organisations de défense des droits de l’homme) pèse également, ainsi que les cinquante condamnations à mort, dont sept exécutées. Ces dernières semaines, les autorités ont intensifié la campagne de harcèlement et d’intimidation des familles des victimes de la répression pour empêcher les commémorations.
Comme le dit Kim Ghattas, l’auteur de Vague noire (Black Wave, pas d’édition espagnole), « pour réussir, la plupart des mouvements populaires ont besoin d’une pression internationale ou d’une opposition en exil ou d’une combinaison des deux ». Les Iraniens ne peuvent pas s’attendre à grand-chose à cet égard. La coalition des opposants en exil s’est effondrée un mois seulement après son annonce en février dernier. Et l’Occident, contrairement à ce que lui demandait la diaspora, a maintenu la voie diplomatique (dossier nucléaire, libération des citoyens ayant la double nationalité) plutôt que de risquer un nouvel État en faillite au Moyen-Orient.
Si le régime ne vacille pas, il n’a pas non plus gagné la partie. En fait, les gestes de défi demeurent. De nombreuses femmes descendent dans la rue sans voile, ce qui irrite les secteurs les plus réactionnaires. Cet été, le Parlement a débattu à huis clos d’un renforcement de la loi imposant le hijab. Parallèlement, le gouvernement s’efforce de faire en sorte que les entreprises et autres établissements du secteur privé, sous la menace de lourdes amendes, exigent le port du foulard de la part de leurs employés ou de leurs clients.
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Le régime étant plus soucieux de l’habillement des femmes que de résoudre les problèmes de ses citoyens, on voit mal comment il pourra les motiver avant les élections législatives de mars prochain. La participation aux élections, dont elle a toujours fait preuve pour se légitimer, est en déclin depuis le fiasco de 2009 et a atteint des niveaux minimaux lors des dernières élections présidentielles. Il en va de même pour sa légitimité.
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