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“L’obscurité n’a rien à craindre, c’est un espace de liberté, de magie et de plaisir”

“L’obscurité n’a rien à craindre, c’est un espace de liberté, de magie et de plaisir”

2023-05-09 18:50:32

Un pacte avec le diable marque une saga de femmes. Ils sont morts mais ils continuent à vivre dans la même maison isolée, Mas Clavell, sur une montagne aux Guilleries, riant, cuisinant, voyant comment ceux qui sont encore en vie regardent aujourd’hui leur portable ou sont sur leur lit de mort et, surtout, rappelant quand ils vivaient entourés de loups, de bandits ou de maquisards. Est Je t’ai donné des yeux et tu as regardé dans l’obscurité (Anagramme), le nouveau roman dIrène Sola (Malla, Osona, 1990), qui arrive aujourd’hui en librairie. l’auteur deje leur dis (Prix Documenta 2017) a vu 2019 comme les voix polyphoniques de Je chante et la montagne danse (Prix Llibres Anagrama et Prix de littérature de l’Union européenne) est devenu un phénomène qui a totalisé plus de 100 000 exemplaires vendus en catalan et près de 50 000 en espagnol, a été traduit en 26 langues et a donné naissance à une version théâtrale et symphonique.

Crois tu aux fantômes?

En écrivant, je savais que ces femmes devaient être des fantômes et que la voix narrative devait la placer du côté des morts. Et que le roman se passerait entre les quatre murs de cette maison et pour une seule journée, et que les vivants et les morts cohabiteraient dans la maison. Les fantômes ont une présence très forte car c’est un roman qui réfléchit sur la mémoire et l’oubli. Et le fantôme est la grande figure de la mémoire.

Mais croit-il aux fantômes ?

Au niveau littéraire, oui. Ils travaillent pour moi. Sur le plan personnel, j’aime qu’on me raconte des histoires de fantômes. Je crois aux histoires. Dans ce que nous pouvons expliquer avec ceux-ci. Et ce que nous pouvons arriver à croire à travers ceux-ci. Ce livre parle de croire l’incroyable, d’imaginer l’inimaginable, de tout ce qui se passe dans les histoires, il explore l’imaginaire, l’irréel, la fiction, la magie. Et à partir de là, une des prémisses, le pacte avec le diable.

Joana vend son âme au diable en échange d’un homme à épouser. Feriez-vous un pacte avec le diable ?

Non. C’est une chose très délicate, vous ne savez pas comment cela peut se terminer. Cela convenait à Joana. Je m’intéresse au pacte avec le diable parce qu’il fait partie de notre imaginaire et à cause de la façon dont on construit la figure du diable à partir du folklore et des légendes. Le pacte est cette prémisse magique qui relie mon propre pacte avec le lecteur, de quelqu’un racontant une histoire qu’un autre reçoit, un pacte que l’on va éteindre les capteurs d’incrédulité pendant un moment et croire ce que l’autre explique

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Il y a des scènes qui rappellent Inferno del Bosch.

J’ai lu différentes personnes, souvent des mystiques, décrivant leur propre descente aux enfers. Mais j’accumule des images de toutes sortes après avoir rencontré des experts, après avoir foulé le territoire, à partir d’interminables heures de vidéos YouTube… Pour moi le processus de recherche est lié au processus d’écriture, qui est un processus d’apprentissage et d’exploration longue et profonde.

Les femmes s’isolent dans la maison, mais en même temps elles sont libres. Contradictoire?

Il y a des dualités constantes dans le livre. Par exemple, vous ne savez jamais si quelque chose porte chance ou malchance. C’est une chance de voir comment les gens vont mourir, comment ça se passe pour Bernadeta ? C’est une chance de ne pas sentir, et Angela ? Le livre réfléchit sur la subjectivité des histoires, des récits familiaux et de l’histoire en majuscules, sur qui a décidé qui en fait partie ou qui est ou n’est pas pertinent. Il met en vedette ces femmes qui ne jouent ni dans la plupart des histoires en minuscules ni dans la plupart des événements historiques en majuscules. Ce sont des femmes hors canon, vieilles, laides, abjectes, mortes, qui nous racontent l’histoire de leur point de vue. La plupart des hommes décident de quitter la maison et de ne jamais revenir. Au lieu de partir à l’aventure, de faire la guerre, de voir le monde, elles restent et finissent par être les dames de la maison, où elles créent un espace de liberté, d’irrévérence, d’humour et de rire. Je propose d’autres dualités : entre lumière et ténèbres, jour et nuit, vie et mort.

La mort est omniprésente.

Il y a la mort, mais il y a aussi la vie. ils vont ensemble Et c’est un livre très physique. Il y a des descriptions de préparation de repas, de pièges à loups. Et de nombreuses pièces. Et il parle du plaisir des corps, mais aussi de la violence et de la torture des corps. Et c’est plein d’odeurs et de puanteurs, de goûts, de textures… Pour moi, cela pèse plus que la mort.

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Le roman commence avec Bernadette, déjà grand-mère, dans le lit où elle va mourir. As tu peur de la mort?

Je n’ai pas de réponse claire. Maintenant, au moment où nous parlons, je peux dire non. J’ai parlé avec un médecin en soins palliatifs, auprès duquel j’ai appris différentes façons d’aborder les processus de fin de vie. Je m’intéresse à la façon dont chacun vit la vie et la mort différemment.

Le titre, je t’ai donné des yeux et tu as regardé dans l’obscurité. Pourquoi sommes-nous si attirés par les ténèbres ?

Cela dépend de ce que nous entendons par ténèbres et des idées préconçues que nous avons à ce sujet. Je joue avec. Parmi les couches de sens du titre, il y a celle de remettre en question le fait que l’obscurité est quelque chose de mauvais, de négatif et d’effrayant. Ici, les ténèbres finissent par être des espaces de liberté, de possibilités, de magie, de plaisir. Il y a ceux qui disent que le titre fait peur et qui disent qu’ils veulent aller dans les ténèbres. J’ai regardé dans l’obscurité, au sens littéral, pour décrire avec le langage sa corporéité, et au sens métaphorique, choisissant d’écrire ce que je veux en toute liberté.

Les hommes portent aussi la malédiction, comme le bandit Clavell, torturé et exécuté, qui est un clin d’œil à un vrai, Serrallonga. Mais il n’est pas le seul.

Les Guilleries est un endroit où se cacher. Les femmes se cachent et restent en marge de l’histoire. Mais d’autres personnages choisissent aussi de se cacher : le diable lui-même, les déserteurs, les maquisards, les carlins et ceux qui se cachent des carlins, les derniers loups, une sorcière… et les bandits : Clavell a infligé beaucoup de violence autant que de tendresse . Le lecteur en a vu les lumières et les ombres, c’est pourquoi sa fin, très violente, impressionne. Et Serrallonga montre comment une légende se construit, comment un fait se transforme à partir du moment où il est raconté.

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La société perd-elle sa mémoire ?

Je ne sais pas si je peux parler au nom de toute la société. Le livre vous surprend par le peu que nous savons de notre propre histoire familiale. Au-delà des grands-parents, tout s’estompe très vite, le caractère des gens… Nous vivons dans des endroits et traversons des rues où nous ne savons pas la plupart des choses qui s’y sont passées. Je suis intéressé à réfléchir sur ce dont nous nous souvenons et sur ce que nous choisissons d’oublier individuellement et collectivement. Et sur la façon dont nous transformons la mémoire et la transformons parfois en ce qui nous convient.

Dans le roman il y a des maquis, des déserteurs de la guerre civile, des allusions aux camps nazis et à l’exil en France… Il n’oublie pas la mémoire historique.

Je m’intéresse aux histoires et à la réflexion sur l’histoire et qui l’a écrite. Bernadeta essaie d’expliquer aux femmes qui ont perdu la guerre ce qu’elle sait être arrivé à leurs proches. Je ne comprends pas ceux qui disent qu’il faut oublier. Il y a beaucoup à comprendre et à expliquer.

Diriez-vous que le roman a des traces de réalisme magique ?

Je suis très intéressé par ce qui se fait depuis l’Amérique latine et les auteurs qui ont porté cette étiquette, qui avait à voir avec une époque, un lieu et un contexte qui n’est pas le mien. Mais je n’utiliserais pas cette étiquette pour ce que je fais.

Il se définit par sa manière d’utiliser et de jouer avec le langage.

J’imagine la voix narrative comme une autre présence fantomatique qui erre dans cette maison et s’approche des personnages. Au cours de l’enquête, avec les prescriptions, les procès pour banditisme… ce langage apparaît très organiquement du point de vue des femmes décédées, nées bien des années auparavant et pour qui un téléphone portable est un miroir magique.



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