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L’évolution du poste de gardien de but au hockey : une redéfinition nécessaire.

L’évolution du poste de gardien de but au hockey : une redéfinition nécessaire.

Au hockey, la position qui a certainement le plus changé, au fil des décennies, est celle de gardien de but. Publié à 1h45 Mis à jour à 5h00 Regarder des images d’archives fait sourire. Des buts célèbres, inscrits par des marqueurs prolifiques, se transformeraient en arrêts de routine pour les portiers d’aujourd’hui. La raison est bien simple : les hommes masqués n’ont jamais été aussi bons, autant sur le plan technique qu’athlétique. On remarque toutefois, depuis quelques années, un phénomène contradictoire. Au cours des huit dernières saisons, le taux d’efficacité de tous les gardiens de la LNH descend. De ,915, en 2015-2016, le voilà à ,903 jusqu’ici en 2023-2024. La chute est graduelle, mais constante. Historiquement, les standards liés à cette statistique varient dans le temps. La hausse rapide du nombre d’équipes, dans les années 1970, a ruiné la vie des gardiens. Ceux-ci se sont ressaisis au milieu des années 1980 jusqu’à régner en maîtres du circuit entre les lock-out de 1994-1995 et de 2004-2005, cette décennie surnommée la « dead puck era » au cours de laquelle les systèmes défensifs ont été érigés en religion. Plusieurs changements réglementaires ont marqué une explosion des buts en 2005-2006. Or, encore une fois, les équipes se sont ajustées. De 2014 à 2016, les gardiens ont atteint un sommet en stoppant 91,5 % des tirs… avant que les joueurs d’avant reprennent les choses en main pour de bon. Cette réalité rend nécessaire une redéfinition de notre perception de cette statistique traditionnellement considérée comme la plus significative pour évaluer un gardien. « Il n’y a pas longtemps, avec un taux de ,920, tu étais dans le Top 10 de la ligue », s’est rappelé Cam Talbot, des Kings de Los Angeles, après l’entraînement de son club, mercredi dernier. PHOTO ERIC BOLTE, USA AUJOURD’HUI SPORTS Cam Talbot (39), gardien des Kings de Los Angeles Aujourd’hui, un gardien numéro 1 qui est à ,920 est presque assuré d’être nommé pour le trophée Vézina. Cam Talbot, Kings de Los Angeles Visiblement, le vétéran de 36 ans a fait ses devoirs. La saison dernière, seulement quatre gardiens ayant effectué au moins 35 départs ont présenté un taux d’arrêts de ,920. Les trois candidats au trophée Vézina en faisaient partie. De fait, ce sont toutes les performances égales ou supérieures à ,900, ,910 ou ,920 qui sont globalement en baisse depuis 10 ans. Pour les besoins de l’exercice, nous avons établi le minimum de départs à 35 pour les saisons de 82 matchs, à 30 pour 2019-2020 et à 25 pour 2020-2021. Il fut un temps où le seuil de respectabilité était fixé, informellement, à ,910. On n’en est plus là, constate Jake Allen. « La nouvelle norme est plus basse et le restera jusqu’à ce qu’on reprenne notre position de dominance, dit-il en riant. J’aimerais bien viser ,925 chaque année, mais ce n’est plus réaliste. Il faut s’y faire. » Discussion Aussi claire la tendance soit-elle, comment l’expliquer concrètement ? Nous avons posé la question à Talbot et à Allen, mais aussi à Samuel Montembeault, du Canadien, et à Stéphane Waite, entraîneur des gardiens de but dans la LNH pendant 15 ans, aujourd’hui analyste à la télévision et à la radio ainsi que consultant pour la LHJMQ. Tous s’entendent sur un point : la qualité des chances de marquer n’a jamais été aussi grande, et ce, alors que le nombre de tirs est relativement stable. Allen : « Les joueurs se sont améliorés plus vite que nous. Il y a un moment où on dominait, il y a 10 ou 12 ans, mais les joueurs ont trouvé le moyen d’être meilleurs. Les tirs viennent de partout, il y a plus d’options que jamais. Il faut penser la game différemment. » Talbot : « Le plus gros changement, c’est la vitesse du jeu. Et il n’y a plus de joueurs qui ne disputent que trois ou quatre minutes par match pour aller donner des mises en échec ou se battre. Tu regardes les formations, et il n’y a pas un gars incapable de décocher un tir à 90 milles à l’heure. » Waite : « Tous les nouveaux joueurs qui arrivent dans la ligue, attaquants comme défenseurs, ont une mentalité offensive. Il y a des coachs d’habiletés à tous les niveaux, même au scolaire. Les bâtons sont plus performants que jamais, les lancers sont incroyables… Et les équipes qui jouent bien défensivement sont de plus en plus rares. Ce sont les gardiens qui paient pour ça. Ils ne sont pas moins bons, ils sont plus exposés. » PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE Stéphane Waite Montembeault : « Il y a toujours de nouvelles règles pour qu’il se marque plus de buts. Et les équipes ne font plus juste envoyer des rondelles profondément pour les récupérer : il y a beaucoup plus de passes est-ouest [NDLR : la largeur de la glace] qu’avant. Les avantages numériques sont aussi plus efficaces. Avant, à 20 %, tu étais bon. Maintenant, c’est la norme. » Sur ce dernier point, Montembeault a parfaitement raison. En avantage numérique, il n’est plus rare de voir des équipes afficher des taux de succès de 25 %, voire 30 %. Depuis six ans, la moyenne de la ligue a dépassé les 20 % à quatre reprises. Contre zéro fois au cours des 26 campagnes précédentes. Les avantages numériques ont carrément retrouvé, depuis 2017, leur niveau des années 1970 et 1980. Cinq des seize meilleures performances de l’histoire de la LNH ont été réalisées au cours des cinq dernières saisons. Quant aux « nouvelles règles » qu’il évoque, le gardien québécois cite l’interdiction de changer les joueurs sur la glace pour l’équipe coupable d’un dégagement refusé. On pourrait ajouter, entre autres exemples, la réduction de la taille de l’équipement des gardiens, en 2005, ou l’arrivée de la prolongation à 3 contre 3 en 2015. PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE Samuel Montembeault Jusqu’à nouvel ordre Sachant que les gardiens et les joueurs d’avant s’échangent le haut du pavé depuis 60 ans, la lourde tendance du moment pourrait-elle s’inverser ? Réponse unanime : non. Pas tout de suite, en tout cas. « La Ligue veut des matchs à haut pointage, rappelle Cam Talbot. Ils ne vont pas changer les règles pour qu’il se marque moins de buts ! » Je pense que ça va rester à ce niveau [pour le nombre de buts marqués]sinon monter encore. Et si ça descend, [les dirigeants de la LNH] feront des changements pour que ça redevienne plus excitant. Cam Talbot Les gardiens doivent donc faire tout en leur possible pour rester à la page. Un récent reportage de Radio-Canada faisait justement l’étalage des ressources technologiques qui s’offrent aujourd’hui à eux. Ce qui doit aussi changer, c’est la manière d’évaluer leur travail. La notion de buts attendus, de plus en plus maîtrisée par le public, permet de quantifier l’écart entre le nombre de buts qu’un gardien a accordés et ceux qu’il aurait dû arrêter. Elle permet de relativiser des performances en apparence boiteuses. Jake Allen, par exemple, traîne un taux d’arrêts de ,898 cette saison. Il a néanmoins « sauvé » cinq buts à cinq contre cinq, calculent les sites spécialisés Evolving Hockey et Natural Stat Trick. Cela donne un bon indice de la qualité de la défense devant lui… Au quotidien, les gardiens et leurs entraîneurs adoptent par ailleurs une approche plus qualitative. « Je n’ai jamais été un gars de stats, souligne Stéphane Waite. Mais j’analyse chaque but. Un gardien peut donner quatre buts dans un match et avoir fait tout ce qu’il avait à faire. » Dans cette perspective, le taux d’efficacité devient « secondaire », conclut Samuel Montembeault. « Si un but suit une grosse chance de marquer, avec plusieurs passes [entre les joueurs adverses]on ne peut pas faire grand-chose d’autre que de leur lever notre chapeau ! »
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