Les ménages québécois au bord de la déprime financière

Le trésorier du gouvernement Legault, le ministre des Finances, Eric Girard, peut bien dire que le Québec n’est pas en récession, mais la grande majorité des ménages québécois qui peinent financièrement se moquent des paroles rassurantes du ministre.

Ces ménages en difficulté financière sont convaincus d’avoir littéralement appauvri en raison de l’augmentation du coût de la vie. Et ils ont raison. En fait, ils ne sont pas les seuls à avoir perdu du pouvoir d’achat. La preuve en est…

Sur 24 ménages types, 20 ont vu leur revenu disponible (en dollars constants, c’est-à-dire après ajustement de l’inflation) diminuer en 2023 par rapport à 2022, la baisse allant de 700$ à plusieurs milliers de dollars. Par ménages types, on fait référence ici à huit catégories de ménages, et trois niveaux de revenu (faible: 25e percentile / moyen: 50e percentile / élevé: 75e percentile). Les catégories sont: personnes seules, couples sans enfants, couples avec enfants, familles monoparentales, personnes seules aînées de 65 à 69 ans, couples aînés de 65 à 69 ans, personnes seules aînées de 70 ans et plus, couples aînés de 70 ans et plus.

Pour affirmer que 20 ménages sur 24 se sont appauvris en 2023, je me base sur l’étude Évolution du pouvoir d’achat des ménages québécois que la Chaire de recherche en fiscalité et en finances personnelles a publiée la semaine dernière. Les chercheurs Luc Godbout, Suzie St-Cerny et Frédérick Hallé-Rochon ont comparé en dollars constants de 2023 le revenu disponible annuel des divers ménages types depuis 2019.

LA “RÉCESSION”

Selon les données du 3e trimestre de l’Institut de la statistique, le PIB réel du Québec a diminué pour un deuxième trimestre consécutif. Techniquement parlant, nous sommes donc en récession. Mais selon le ministre Eric Girard, ce n’est pas le cas.

«Il est néanmoins trop tôt pour déclarer que le Québec est en récession, affirme-t-il, puisque la baisse de l’activité économique n’est pas généralisée. En effet, plusieurs secteurs affichent une croissance, en plus de l’emploi, de la consommation et du revenu disponible», ajoute-t-il, reconnaissant que la situation reste difficile pour de nombreux Québécois.

AU QUOTIDIEN…

Remettons les pendules à l’heure. Même si l’inflation sur 12 mois est descendue à “seulement” 3,6%, les ménages ont le profond sentiment que c’est plus élevé.

En réalité, ce qui met le plus à mal le budget des ménages à faible revenu et à revenu moyen, ce sont les hausses de prix dans le logement et l’alimentation. Il faut savoir que le logement représente 27% du panier de consommation des moins nantis et l’alimentation, 19%.

LE LOGEMENT

Commençons par le logement. Au cours des 12 derniers mois de novembre 2022 à novembre 2023, le coût du logement a globalement augmenté de 6,8% au Québec. Plus précisément, les loyers ont grimpé de 7,4%.

Chez les propriétaires, l’augmentation atteint 8,3% au cours des 12 derniers mois. Autre hausse significative, celle de 11,4% du coût de l’assurance habitation et de l’assurance hypothécaire. Pire encore, la flambée du coût de l’intérêt hypothécaire, dont les paiements ont augmenté de 29,8% en un an.

L’ALIMENTATION

Passons maintenant à l’autre grande dépense des ménages: l’alimentation. Chaque fois que l’on va à l’épicerie du coin, on a l’impression que tous les prix des produits ont fortement augmenté. Au point que les gens se méfient de plus en plus des promotions offertes par les commerçants!

Selon les données les plus récentes sur l’inflation de Statistique Canada, le panier d’aliments a globalement augmenté de 5% au cours des 12 derniers mois. Les produits qui ont enregistré les hausses les plus élevées sont: le bœuf frais ou surgelé (+9,5%); le beurre (+8,5%); les fruits frais (+9,7%); les légumes en conserve (+7,5%); les graisses et huiles comestibles (+9,2%); les aliments achetés au restaurant (+6,4%).

DEPUIS 3 ANS

En l’espace de trois ans, l’inflation au Québec a augmenté de 16,5%. Le logement, pour sa part, a progressé de 19,4%. Et l’alimentation, elle, a augmenté davantage, soit de 22,3%.

Lorsque l’on ajoute à cela la spectaculaire augmentation de 4,75 points de pourcentage du taux directeur de la Banque du Canada et son impact catastrophique sur les prêts hypothécaires, les prêts personnels, les prêts aux entreprises, les cartes de crédit, les avances bancaires… on ne se demande plus pourquoi autant de ménages québécois sont au bord de la déprime financière.