David Jephcott, plus communément appelé “London Kampung”. Captures d’écran de Londo Kampung.
Une vidéo d’un homme occidental portant du batik et parlant couramment le javanais est devenue virale sur Facebook il y a quelques années. Je me souviens avoir été surpris parce que malgré mon ascendance javanaise, je ne pouvais pas égaler ses compétences linguistiques. La plupart des commentaires sur la vidéo étaient en indonésien et exprimaient un sentiment de fierté et d’étonnement qu’il y ait des étrangers qui aimaient la culture indonésienne. Les commentaires étaient pour la plupart anodins, mais un commentaire flatteur, en particulier, m’a fait froncer les sourcils : “L’Indonésie lui doit beaucoup.” Beaucoup pour quoi ?
Il n’est pas rare de voir des commentaires tout aussi fiers et excessifs lorsque l’Indonésie est mentionnée dans les films et émissions de télévision hollywoodiens. Le film « Minions » (2015) a utilisé plusieurs mots indonésienstel que ici (viens ici) et Merci (merci). L’Indonésie a été nommé comme le origine du personnage Nagini dans “Fantastic Beasts, The Crimes of Grindelwald” (2018) et le réalisateur James Cameron a déclaré que “Avatar: The Way of Water” (2022) était en partie inspiré par l’ethnie Bajo en Indonésie.
Les médias sociaux indonésiens s’illuminent à ces mentions du pays, et les médias en ligne les couvrent avec des détails à couper le souffle. Il y a quelques semaines, les Indonésiens se sont régalés de la série HBO “The Last of Us” qui a tourné son deuxième épisode à Jakarta. Le phénomène est si courant qu’il est souvent gentiment moqué par un mème, “Ada Indonesia coy!” (ce qui pourrait être vaguement traduit par “Hé les gars, c’est l’Indonésie !”).
Qu’est-ce qui motive cette fierté excessive dans la façon dont les étrangers perçoivent l’Indonésie ? L’une des explications les plus courantes est que des siècles de colonisation ont laissé aux Indonésiens un complexe d’infériorité. Certains Indonésiens peuvent croire que les étrangers, en particulier les occidentaux, sont plus modernes, éduqués et culturellement sophistiqués. Lorsque des étrangers créent du contenu sur l’Indonésie, cela est considéré comme une validation du caractère unique de l’Indonésie aux yeux du reste du monde. Le manque de représentation de l’Indonésie dans les médias occidentaux (bien illustré par cet article satirique) ne fait que rendre les Indonésiens plus enthousiastes pour les quelques mentions qu’il reçoit.
L’Indonésie compte 139 millions d’utilisateurs de YouTube, le quatrième plus grand nombre d’utilisateurs dans le monde après l’Inde, les États-Unis et le Brésil. Cela fait de l’Indonésie un marché important pour les annonceurs. Les étrangers ont commencé à se faire connaître, et beaucoup publient désormais du contenu sur l’Indonésie sur les réseaux sociaux pour obtenir plus de vues et d’engagement, et donc des revenus publicitaires.
Au cours des dernières années, un nombre croissant de YouTubers étrangers ont fait de l’Indonésie leur principal public. Beaucoup comptent des millions d’abonnés, comme Korea Reomit (de son vrai nom Jang Hansol) (5,3 millions), Londo Kampung (David Jephcott) (4,9 millions), Hari Jisun (3,3 millions) et Sacha Stevenson (1,3 million).
Sacha Stevenson a été l’un des premiers YouTubers étrangers à devenir populaire. Elle s’est fait un nom avec elle “Comment agir en indonésien” des vidéos, qui reflétaient certaines des particularités de la culture indonésienne à un public majoritairement indonésien. De même, Londo Kampung se concentre principalement sur des scènes de la vie quotidienne à Java, souvent “faire des blagues” aux habitants avec sa capacité surprenante à parler couramment le javanais. Hari Jisun publie une gamme de contenus mais est bien connue pour elle mukbang (manger) vidéosoù elle se filme en train de manger une variété de plats indonésiens.
Ce nouveau lot de créateurs de contenu étrangers livrent tous leur contenu en indonésien. La plupart ont vécu en Indonésie et ont de bonnes compétences linguistiques. Certains ont épousé des Indonésiens. Une lecture généreuse de leur contenu pourrait être qu’il fournit un raccourci vers l’échange culturel. Mais c’est typiquement leur “indonésien-ness” qui les rend populaires parmi les Indonésiens.
Certains ont même été considérés comme des « ambassadeurs » de l’Indonésie à travers le monde. Par exemple, les créateurs de contenu sud-coréens qui produisent du contenu lié à l’Indonésie, tels que Korea Reomit, Sunny Dahye, la famille Kimbab et Bung Korea, ont été invités à rencontrer le président Joko “Jokowi” Widodo lors de visites d’État en Corée du Sud. en 2018 et 2022.
Mais tous les contenus des influenceurs étrangers sur l’Indonésie ne sont pas perspicaces ou n’offrent pas la possibilité de partager des idées, des coutumes ou une compréhension. Plusieurs producteurs de contenu utilisent clairement l’Indonésie uniquement pour augmenter leur nombre de vues et d’abonnés. Certains de ces efforts les plus cyniques sont simplement des “vidéos de réaction”, avec des étrangers mangeant de l’Indomie, écoutant du dangdut ou voyant des musulmans prier.
Les étrangers réagissent généralement avec crainte, surprise et parfois même avec des larmes d’émotion. Et apparemment, il y a beaucoup d’Indonésiens qui lèchent ce contenu, aiment et partagent les vidéos, et ajoutent des commentaires. Mais on voit mal l’attrait de leurs vidéos, qui n’offrent que peu de nouvelles connaissances aux téléspectateurs. Par exemple, un YouTuber basé aux États-Unis a créé une chaîne sur laquelle il partage ses réactions à tout ce qui est indonésien. Il a du mal à prononcer les mots indonésiens et reconnaît même qu’il ne peut pas comprendre les chansons auxquelles il réagit.
Néanmoins, tous les Indonésiens ne sont pas des publics passifs pour les contenus créés par des étrangers. Plusieurs influenceurs étrangers ont été vivement critiqués par les Indonésiens. Fin 2020, par exemple, L’influenceur russe Sergueï Kosenko a été brutalisé par des Indonésiens en ligne après s’être filmé en train de conduire une moto dans la mer à Karangasem, Bali. Homme politique et designer balinais populaire Ni Luh Djelantik – qui est devenu connu pour réprimander les étrangers qui se comportent mal à Bali – l’a averti de ne pas essayer de gagner en popularité en enfreignant la loi et en publiant du contenu stupide. Kosenko a été expulsé par l’immigration indonésienne peu de temps après.
De même, YouTuber sud-coréen Sunny Dahye a également fait face à un contrecoup après un compte Instagram l’a accusée d’avoir précédemment décrit les Indonésiens comme stupides et pauvres, et faire semblant de jeûner pour les goûts (elle n’est pas musulmane). L’incident est devenu viral et a dominé les sujets tendance de Twitter pendant plusieurs jours. Bien qu’elle se soit excusée et ait nié les accusations portées contre elle, Sunny a perdu des centaines de milliers de followers.
Ces incidents récents ont conduit de plus en plus d’Indonésiens à remettre en question la sincérité des influenceurs étrangers. Aiment-ils vraiment l’Indonésie ou en profitent-ils simplement pour la popularité et le profit ? L’enthousiasme suscité par les références occidentales à l’Indonésie reflète-t-il un sentiment inconscient d’infériorité chez les Indonésiens ?
Il n’est pas étonnant que les appels se multiplient pour que les Indonésiens Arrêtez d’être “trop fier» de références en ligne à leur pays par des étrangers. Une approche plus critique du contenu occidental axé sur l’Indonésie ne ferait certainement pas de mal, étant donné qu’une grande partie de celui-ci est si superficielle.
