Mais les chiffres rouges des trois principaux cantons mentionnés précédemment sont très relatifs. Rappelons-nous qu’en 2022, Genève a enregistré un gain impressionnant de 727 millions de francs, alors qu’il avait initialement prévu une dépense de 93 millions.
Les Romands sont «dans les clous»
De manière générale, les cantons romands sont «dans les clous», même ceux qui prévoient une perte l’année prochaine. Genève reste dans les limites de son frein à l’endettement et Vaud a trouvé les moyens d’accorder une baisse d’impôts de 3,5% à ses citoyens. Neuchâtel table sur un bénéfice de 10,8 millions de francs «grâce à une conjoncture réjouissante», tandis que Fribourg anticipe un surplus d’environ 900 000 francs, en raison d’une nette augmentation des recettes.
Le Valais, de son côté, a présenté un projet équilibré en renonçant toutefois à la création de postes et en puisant dans ses réserves. Le Jura, enfin, affiche un déficit de 3,3 millions de francs. Néanmoins, grâce à un programme d’économies et à une augmentation notable des recettes fiscales, l’excédent des charges a été limité.
L’inflation provoque une augmentation des charges
Les grands argentiers doivent faire face à une inflation relativement élevée qui entraîne une hausse des charges et des subventions en tout genre, notamment pour les primes d’assurance-maladie. Par ailleurs, la situation économique reste solide. Ainsi, la tendance est plutôt à la baisse des impôts, comme dans les cantons de Vaud, de Zurich ou de Berne. Ce dernier table sur un bénéfice de 13 millions de francs, tout en prévoyant de réduire le taux d’imposition des personnes morales, en attendant celui des personnes physiques en 2025.
Zurich fait face à une augmentation des charges de 6,1%, atteignant 19 milliards de francs, et a annoncé un budget déficitaire de 390 millions de francs. Cependant, le canton reste offensif avec ses allègements fiscaux visant à dynamiser son économie. Globalment, le canton suisse le plus peuplé se montre «très élastique» dans ses prévisions, comme l’a illustré l’année 2022, marquée par un bénéfice d’environ un demi-milliard de francs, alors que l’État de Zurich prévoyait un déficit similaire.
L’incertitude de la BNS
En tout, 14 cantons prévoient des chiffres rouges. Leurs «ministres» des finances ont préféré rester prudents. Ainsi, la plupart des cantons ne comptent pas ou plus sur les revenus de la Banque nationale suisse (BNS). Si cette dernière clôture l’année 2023 avec un bénéfice, ce serait donc une bonne surprise pour les collectivités publiques. Les choses semblent bien engagées, puisque l’institution d’émission a enregistré un bénéfice de 13,7 milliards de francs au premier semestre. Cependant, les marchés restent volatils.
«Il est connu que les bénéfices de la BNS fluctuent fortement et que les distributions ne peuvent pas être considérées comme allant de soi», a averti la Conférence des directeurs cantonaux des finances au printemps dernier. Pendant une dizaine d’années, les cantons avaient l’habitude de bénéficier des retombées des bons résultats de la BNS. Jusqu’à ce que la perte de 132 milliards de francs de la Banque nationale en 2022 constitue une douche froide, empêchant l’institution d’émission de verser toute contribution aux cantons pour 2023.
Des finances globalement saines
Désormais, les argentiers cantonaux sont plus enclins à ne pas compter sur ces versements. En tout cas, «le budget a été difficile à élaborer», a déclaré la ministre vaudoise des Finances, Valérie Dittli, lors de la présentation de son projet. Pour sa part, son homologue neuchâtelois, Laurent Kurth, a estimé que son canton évoluait «sur une ligne de crête».
Cependant, dans l’ensemble, les experts estiment que les finances cantonales sont saines, comme l’a encore montré le dernier exercice en date, en 2022, marqué par un bénéfice cumulé de 3,5 milliards de francs. Néanmoins, les budgets de 2024 prévoient un déficit plus important que l’année précédente, nuance Peter Mischler, secrétaire général de la Conférence des directeurs cantonaux des finances.
Il se veut néanmoins optimiste : «Les recettes fiscales ont bien évolué ces dernières années. Certes, la situation économique globale est incertaine, mais on s’attend à une évolution fondamentalement stable et non à un effondrement.» Néanmoins, selon Peter Mischler, «une réforme de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons serait importante pour garantir des finances publiques stables à moyen et long terme».