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L’école, quand les “profs” deviennent des sentinelles de la nouvelle fragilité

L’école, quand les “profs” deviennent des sentinelles de la nouvelle fragilité

Nous devons nous poser les bonnes questions, chaque jour, dans notre relation quotidienne avec nos élèves, et nous devons nous poser encore plus de bonnes questions lorsque nous sommes confrontés à des filles et des garçons en situation de fragilité mentale. Il faut alors s’arrêter, respirer et compter avant de dire quoi que ce soit à ces enfants. Ils sont faits d’un matériau aussi délicat que le cristal et, plusieurs heures par jour, il est de notre responsabilité précise de veiller à ce que ces cœurs mystérieux et souffrants ne se désagrègent pas. C’est une épreuve permanente, il ne faut jamais baisser la garde : chaque mot, aussi impalpable soit-il pour nous, peut avoir pour eux un poids insupportable. Il n’y a rien dont il faille plus s’occuper, rien d’autre au monde qui nous confronte aussi clairement à notre responsabilité d’éducateurs, qu’un adolescent en proie à ses démons intérieurs.

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Des élèves à manipuler avec précaution

Vous les reconnaissez souvent avant même d’avoir à vous occuper de leurs plans Pei, Pdp, Bes… l’insupportable fouillis de paperasse avec lequel vous tentez de les classer en coordonnées cliniques, comportementales, socio-économiques, relationnelles. La paperasserie est rassurante, elle nous donne l’impression de pouvoir toujours agir, de normaliser, de pouvoir remettre de l’ordre en compensant ou en dispensant ou en prescrivant. Mais ces élèves se reconnaissent presque toujours devant la paperasse. Souvent, ils semblent simplement porter un énorme MANIPULER AVEC SOIN écrit sur le visage. Parfois ils en ont honte, ils essaient de le cacher, ils y parviennent même. D’autres fois, cependant, ils ne cachent pas leur mal-être, le partagent avec leurs coéquipiers et avec nous, et ce sont d’incroyables opportunités de croissance collective.

La clé, comme d’habitude, ce sont les élèves eux-mêmes. Ils remarquent tout, chaque enseignant comprend cela dès la première semaine de travail. Ils remarquent chaque petit changement, vos insécurités et celles de leurs coéquipiers. Parfois, rarement, ils les traitent sans délicatesse, ignorant combien une parole cruelle, un sourire méprisant, un geste inattentif peuvent faire mal : je l’ai fait aussi, à leur âge, et bien des années après j’en ai encore honte.

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Créer un espace sécurisé

Cependant, il y a une chose qu’ils font bien, même pour ceux qui, en les considérant du côté adulte de la chaise, ont toutes les qualités pour rendre les enseignants fous : ils savent créer, le plus souvent, une sorte d’espace sûr . C’est difficile à expliquer mais c’est comme si, souvent, une sorte de bulle se formait autour des plus fragiles, un petit espace tampon soutenu par le reste de la classe et renforcé plus ou moins consciemment par nous, au sein duquel ceux qui ont besoin de protection, ils peuvent se déplacer avec une sécurité émotionnelle relative. C’est un espace fait de petits gestes bienveillants, d’un « Comment vas-tu » ou d’un « Ne t’inquiète pas » prononcé une fois de plus, d’un intérêt vague, léger mais persistant. C’est beau, quand on s’en rend compte. Et quand ce n’est pas le cas, ça fait peur. C’est très effrayant.

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* Professeur et écrivain

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