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Le roman “Histoires de la nuit” de Laurent Mauvignier

Le roman “Histoires de la nuit” de Laurent Mauvignier

2023-12-02 23:59:59

« Concrètement, il ne se passe pas grand-chose : une table, une femme, trois hommes et un enfant buvant du jus de pomme », dit laconiquement le narrateur du roman, poussant ainsi un peu plus vers l’abîme son récit étrangement sans histoire. La femme en question, Marion, la mère sûre d’elle et incroyablement séduisante d’Ida, dix ans, vient de rentrer de son travail dans l’imprimerie de la ville voisine du hameau de trois maisons au milieu de nulle part, en chantant bruyamment dans sa petite voiture. Marion a de bonnes raisons d’être de bonne humeur : non seulement elle a remis à sa place son patron machiste avec assurance, mais elle fête en plus son quarantième anniversaire le jour où raconte ce roman.

À table également est assis son mari Patrice, agriculteur et fromager en grande difficulté qui, même après dix ans de mariage, ne comprend pas ce que cette superbe femme vient de “perdre avec un type comme lui”. Les deux autres hommes du groupe sont Christophe et Denis, deux frères à l’air menaçant et sournois dont on ne sait en fait presque rien mais soupçonne le pire. Ce qui est clair, c’est que le plus jeune de leur clan, Bègue, le « bègue », a passé quatre ans dans un hôpital psychiatrique et, peu avant le rassemblement fantomatique à la table d’anniversaire, a tué le chien de la voisine Christine et la menace maintenant du sanglant couteau à la main.

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Que vaut une vie ?

Qu’est-ce que tout cela signifie? Une question légitime qui doit bannir quiconque s’est déjà emparé de ce livre. Dans son douzième roman – le cinquième à paraître en langue allemande – Laurent Mauvignier démontre magistralement qu’un récit littéraire n’a pas plus besoin d’une intrigue concrète et compréhensible que la musique n’a besoin de mélodies qu’on peut fredonner pour parfois encore ou justement grâce à elle avoir un effet spectaculaire. Mauvignier s’était déjà montré un observateur et un analyste presque obsessionnel des relations interpersonnelles et sociales dans le récit « Que vaut la vie ? » sur un vol à l’étalage ayant entraîné la mort, ou dans le roman épisodique « Avec un bagage léger » sur la solitude dans le présent désespérément en réseau de leur dynamique.


Laurent Mauvignier : « Histoires de la nuit ». Roman.
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Image : Matthes & Seitz

Dans « Histoires de la nuit », il pousse désormais plus loin cette vision du monde de la microscopie psychologique et la traduit dans un style narratif que l’on pourrait qualifier de « littérature au ralenti ». Les structures de phrases exubérantes de Mauvignier, jamais surchargées et agréablement traduites par Claudia Kalscheuer, retracent les mondes intérieurs des personnages jusqu’aux moindres impulsions et leurs origines, qu’il s’agisse d’émotions, de souvenirs ou de sons, de couleurs et d’odeurs du présent. À partir de la description apparemment sobre du paysage, le récit passe à plusieurs reprises dans les processus conscients des personnages qui flottent comme dans une rêverie, créant ainsi une immédiateté claustrophobe.



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