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Le Noir qui marche à pied : Quand l’intrigue et le style s’allient brillamment

Le Noir qui marche à pied : Quand l’intrigue et le style s’allient brillamment

Qui a dit que les auteurs de romans policiers devaient privilégier à tout prix l’intrigue plutôt que le style ? Avec Le Noir qui marche à pied, paru aux éditions Phébus en 2008, le Sud-Africain Louis-Ferdinand Despreez conjugue avec talent la forme et le fond. Il offre ainsi aux lecteurs, tout au long de son livre, le triple plaisir d’une écriture subtile, d’un personnage central hors du commun et d’une affaire pleine de mystère. L’histoire se déroule dans une « nouvelle Afrique du Sud » encore largement stratifiée par l’apartheid. L’inspecteur Francis « Bronx » Zondi, tête pensante de la section « Unité des Crimes Graves et Violents » des services de police de Pretoria, est un gros bosseur. Un penseur aussi. Est-ce la conséquence d’un stage au FBI ? Non seulement il passe ses journées à enquêter, analyser des indices et tenter d’établir des liens entre les faits, mais encore va-t-il, le soir venu, rendre visite à ceux qu’il a envoyés derrière les barreaux, convaincu que « ces plongées ténébreuses dans le grand égout des faiblesses et des dérapages humains ne représentaient […] rien d’autre qu’une interminable succession de cours de sociologie ou de criminologie appliquée ». Un policier qui s’invente sa propre formation permanente, en quelque sorte ! De là à déséquilibrer quelque peu sa vie privée, il n’y a qu’un pas, que Zondi franchit en délaissant sa compagne, Lina : « Quel chercheur ou psy pouvait aligner, dans son carnet de rendez-vous de la semaine, quatre tueurs en série, deux parricides, six violeurs d’enfants, deux ou trois mères infanticides, un sorcier cannibale et une bonne poignée de tueurs de convoyeurs de fonds ? » Le lecteur, lui, tout heureux de découvrir ce perfectionnisme confinant à l’obsession, se laisse volontiers entraîner au côté du superintendant Zondi, jusque dans ces bas-fonds où la misère humaine saute aux yeux comme à la gorge : « Il y traînait en plus de l’odeur chimique du propre, comme un fond d’odeur de sale, de relents de pisse et de vieillerie mal lavée. » Lire aussi : « Ainsi sont faites les lianes », un thriller pour éclairer la réalité complexe de l’est de la RDC Solide et massif, ayant grandi dans le ghetto, Zonzi revient de loin mais ne s’en préoccupe pas moins de questionner l’âme humaine et de l’améliorer autant que faire se peut. Surtout lorsque les criminels s’en prennent aux plus faibles, en l’occurrence une demi-douzaine d’écoliers blancs kidnappés en trois semaines. La « Unité des Crimes Graves et Violents » pourra-t-elle rendre ces enfants sains et saufs à leurs familles, sachant que la section est débordée de travail, que la criminalité augmente et que les journalistes à l’affût du moindre scoop se tiennent prêts à dénoncer l’inefficacité du service ? Sachant, surtout, que le principal suspect est un simple « Noir qui marche à pied » et qui, d’après les experts, porterait des chaussures mal lacées… Autant dire le premier venu. Avec des indices aussi faibles, autant chercher une aiguille dans une botte de foin. « La crème de la lie » On croisera, au cours du roman, un évangéliste, le révérend Molefe, que son interprétation des versets de la Bible transforme en justicier ; un pauvre hère blanc du nom de Haardus de Roux, issu du lumpenprolétariat ; des enfants récalcitrants ; des parents éplorés que la situation pousse à de mauvaises actions… Louis-Ferdinand Despreez a l’art d’entremêler les situations dramatiques et les descriptions drolatiques si bien que le lecteur, épargné de toute pesanteur tragique, se raccroche au suspense : Zonzi parviendra-t-il à déjouer le « plan » de Molefe ou devra-t-il encore longtemps, afin d’élucider l’affaire, poursuivre ses visites nocturnes à « la crème de la lie » du crime ? Une fois l’affaire conclue, les rires éteints et le livre presque refermé, la grande question posée par l’écrivain s’impose, formulée par une journaliste lors de la conférence de presse finale : « Notre pays est en pleine décomposition, dit-elle. Est-ce parce que les flics ne font pas leur boulot, parce que la nation sud-africaine n’a plus aucune valeur morale ou parce que notre gouvernement est incompétent ? » Ou comment aborder par la forme romanesque les problématiques sociétales de fond (violence, criminalité, mixité sociale, etc.) auxquelles se confronte actuellement la nation arc-en-ciel. Lire aussi : « Les Aquatiques », la tortueuse émancipation d’une femme en Afrique centrale Né en 1955 dans la région du Transvaal, engagé au Congrès national africain (ANC, le parti au pouvoir), Louis-Ferdinand Despreez s’est choisi un pseudonyme évocateur du monde des lettres. Anglophone, diplomate et romancier, il écrit par choix en français, langue de ses ancêtres huguenots qui lui permet, dit-il, plus de liberté dans sa critique de l’Afrique du Sud. Il a publié trois autres ouvrages : La Mémoire courte, où l’on retrouve le superintendant Zonzi (Points, 2008), La Toubabesse (La Différence, 2016) et Chanson de bambou (Canoë, 2021). Son prochain roman, Le Taureau de la Havane (Canoë), paraîtra en septembre. Le Noir qui marche à pied, de Louis-Ferdinand Despreez (en poche, Points, 2009) Sur la piste du polar d’Afrique australe Auteur prolifique, le Sud-Africain Deon Meyer, né en 1958, publie avec une régularité de métronome des romans qui non seulement étreignent les lecteurs en les plaçant dans une attente haletante de la résolution finale, mais qui racontent également son pays à travers ses paysages, son climat, sa politique, ses problèmes sociaux. Une entrée magistrale dans le thriller sud-africain. Britannique né en 1948 à Bulawayo (actuel Zimbabwe) et ayant vécu au Botswana, Alexandre McCall Smith a surpris le public en inventant le cadre inattendu d’une agence de détectives privées exclusivement féminine, fondée et dirigée par une femme au caractère à la fois chaleureux et bien trempé : l’inénarrable Mma Ramotswe, dont les enquêtes, au cœur de Gaborone ou dans ses faubourgs, ne manquent ni de piquant ni d’humour. Militante des droits humains et juge de profession, la Botswanaise Unité Dow, née en 1959, est également romancière. Son roman Les Cris de l’innocente (traduit de l’anglais par Céline Schwaller, Actes Sud-Actes noirs, 2006) met en scène Amantle, une femme qui, comme elle, ne lâche rien et relance une affaire que l’on prétendait classée dans un village de la région de l’Okavango. Kidi Babey dans un article qui peut être bien classé sur Google.
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