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Le livre de Cal Flynn “Lieux abandonnés”

Le livre de Cal Flynn “Lieux abandonnés”

2024-03-10 00:10:59

WQuand un lieu est-il considéré comme abandonné ? Ou aussi sauvage ? Et si plus personne n’y habitait vraiment ? Et s’il n’y avait plus de traces humaines ? L’essayiste écossaise Cal Flyn pose ces questions dans son livre « Abandoned Places » puis les aborde sous un angle surprenant.

Pour ses recherches, elle s’est rendue dans douze lieux différents, des lieux généralement considérés comme déserts, même si certains d’entre eux – même Tchernobyl – restent peu habités. Elle a exploré des zones que les gens ont dû fuir en raison de guerres ou de catastrophes pour que la nature puisse lentement les reconquérir. Et elle a visité d’anciens sites industriels comme Détroit, qui, après leur apogée, ressemblaient plus à des ruines qu’à des villes. Cela montre pourquoi il est si difficile de répondre à la question de la nature sauvage.

Prenez Swona, par exemple, une petite île au large des côtes écossaises. Les derniers habitants ont quitté l’île dans les années 1970, mais leurs vaches sont restées et se multiplient depuis une cinquantaine d’années. Est-ce que cela les rend « sauvages » ? Ou est-ce le mauvais terme pour désigner un animal dont des milliers d’années de domestication sont désormais inscrites dans son ADN ? Peut-être ne devrions-nous pas poser la question du tout, car notre désir de nature sauvage, d’original, fait déjà partie du problème ?

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La plus grande biodiversité au mètre carré

Flynn a une position claire à ce sujet. Leurs histoires « parlent de renouveau, pas de restauration ». Elle estime que toute intervention humaine, aussi bien intentionnée soit-elle, comme la lutte contre les espèces envahissantes ou la tentative de réparer d’autres dommages causés par l’homme, ne reste finalement que cela : une intervention. Ce qui, quand les choses vont mal, provoque de nouveaux dégâts.


Cal Flynn : « Lieux abandonnés ». Fins et débuts dans un monde déserté.
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Image : Matthes & Seitz

Car pratiquement rien n’a un impact plus négatif sur la nature que la présence humaine. Il y a un débat scientifique sur la nocivité des radiations de Tchernobyl pour les animaux et les plantes de la région. Néanmoins, de nombreux chercheurs estiment désormais : « Même si les radiations ne sont pas bonnes pour eux, les bénéfices de l’absence d’humains dépassent les dommages. » L’écologiste et scientifique britannique James Lovelock a même suggéré de stocker les déchets nucléaires dans la forêt tropicale afin de les sauver, la forêt tropicale, « pour la protéger de la destruction par des investisseurs cupides ».

L’endroit en Grande-Bretagne où l’on trouve le plus de biodiversité par mètre carré n’est pas une forêt apparemment vierge ou un parc joliment aménagé, mais un ancien site industriel. Ce sont ces lieux abandonnés, pas forcément originaux, qui intéressent particulièrement Flyn : précisément parce que la plupart des gens ne le font pas et s’en éloignent.

Donner de l’espoir sans banaliser

Flyn prône une nouvelle façon de regarder notre environnement, pour ne pas se laisser bercer par des idées esthétiques : « Se rendre dans une mine abandonnée, une décharge à résidus miniers, une carrière, un parking ou un terminal pétrolier et y reconnaître la merveille de la nature nouvellement créée n’est certes pas facile. Mais en ces temps de tension écologique, cela vaut la peine de cultiver cette perspective.»

Il est vrai que cette perception des merveilles de la flore et de la faune vire parfois au kitsch (« Chaque respiration, chaque gorgée est pleine de potentiel. Dans une poignée de rien se trouve la graine de tout »). Mais du fait des faits parfois curieux que Flyn présente, il est avant tout instructif et rafraîchissant.

Mais c’est là qu’il y a un problème. Parce que Flyn marche sur une ligne fine : elle veut donner de l’espoir, mais pas le banaliser. Ce qui n’est pas facile, c’est lorsqu’elle souligne qu’une nouvelle vie émerge même dans les endroits les plus meurtris de la planète. En revanche, au Salton Sea en Californie (là encore non sans pathos), Flyn a « une prémonition de la fin du monde, de l’aube de l’âge de la poussière ». Selon l’auteur, la capacité de la nature à reconquérir les habitats, même dans les circonstances les plus défavorables, ne devrait pas conduire à une vision sereine de l’avenir, mais plutôt à une plus grande considération.

Cal Flynn : « Lieux abandonnés ». Fins et débuts dans un monde déserté. Traduit de l’anglais par Milena Adam. Matthes & Seitz Verlag, Berlin 2023. 244 pages, illustrations, couverture rigide, 34 €.



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