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Le festival Courants sous-jacents présente des pièces immersives et multi-sensorielles pour les spectateurs francophones

Le festival Courants sous-jacents présente des pièces immersives et multi-sensorielles pour les spectateurs francophones

Si le festival propose cette année deux premières mondiales, Offrande de sang et En phase terminale, les spectateurs francophones pourront y apprécier L’hippocampe, Chasse au Trésor et Le concierge.

Courte pièce explorant le monde du rêve, L’hippocampe est une création signée par le collectif Les vagabondes et le Théâtre Atelier. Chasse au Trésor, regard d’un immigrant d’origine congolaise sur son pays d’adoption, le Canada, est une pièce coécrite par Éric Beevis et Chançard Lemvo – l’immigrant en question, qui la défend sur scène.

Quant au La conciergerie présentée du 6 au 11 février, il s’agit d’une pièce ambulatoire et sans aucune parole venue de Toronto, qualifiée d’«immersive» et de «multisensorielle» par ses créateurs, Vincent Leblanc Beaudoin et Daniele Bartolini.

Immersive, car cette production, sera jouée (devant de petits groupes de 20 personnes seulement) à l’École secondaire publique De La Salle public, où le public devra suivre ce concierge sur site à travers les corridors et salles de classe de l’établissement scolaire, tandis que l’homme vaque en silence à ses taches répétitives et ses occupations quotidiennes, au fil desquelles on flotte entre la réalité, les souvenirs et le monde du rêve.

Les spectateurs doivent d’ailleurs eux aussi se costumer, en enfilant une «chienne» (un bleu de travail), façon de les aider à rentrer dans la peau laborieuse du personnage. «C’est un détail très important, [car] Le public fait partie du spectacle», propose Daniele Bartolini, fondateur du DopoLavoro Teatrale, qui met en scène et produit la pièce.

À travers cette expérience qualifiée à juste titre d’«immersive» par ses créateurs, le public est amené à se questionner sur le regard qu’il porte sur la classe ouvrière. Ou plutôt, sur le regard qu’on oublie de poser, puisque ce col bleu noctambule et solitaire (ou isolé?) incarne à lui seul tous les jobs passablement «invisibilisés».

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Certes, la job dudit concierge est triviale et répétitive. Mais à mesure que la nuit avance, l’expérience, d’abord naturaliste, bascule dans quelque chose de plus onirique. Car, par un effet de contraste tout théâtral, le public pourrait bien découvrir que ce travailleur anonyme a lui aussi un imaginaire, des centres d’intérêt, des obsessions et des rêves.

«Le concierge» a été présentée à guichets fermés, lors de sa première ronde de représentations, tenues dans une école torontoise, en mars 2023. Il s’agissait d’ailleurs du tout premier spectacle «in situ» présenté par le Théâtre Français de Toronto, en 50 ans d’existence, note M. Bartolini.

Comme le déroulement de la pièce dépend largement du «décor» dans lequel elle se situe, chaque nouveau cadre impose, davantage qu’une simple adaptation, une complète «re-création», souligne le duo de créateurs, selon qui «l’œuvre est en dialogue avec chaque espace».

Le côté «immersif» de cette «expérience théâtrale» s’étend jusqu’aux narines; elle devient notamment olfactive quand on fait un arrêt dans les toilettes ou qu’on s’approche de la cafétéria. Comme il s’agit d’une pièce entièrement muette, «on active les autres sens du spectateur», fait valoir Daniele Bartolini.

«Il y a des odeurs de Windex (TM) et de produits chimiques, il y a les odeurs et les couleurs de la cafétéria. L’école [De La Salle] date des années 70: on le sent, ce passé; on le vit», fait valoir celui qui campe le concierge, Vincent Leblanc-Beaudoin.

La pièce reprend un peu «les conventions des maisons hantées et des salles d’évasion : on s’éloigne du récit biographique et de ce qu’on voit traditionnellement au théâtre», poursuit le comédien torontois, natif de Trois-Rivière, qui a décroché son Bac en théâtre de l’Université d’Ottawa, en 2011.

Ce personnage, «on le rencontre dans le moment présent; on se fiche de son passé ou de son avenir. Et même de sa langue. C’est comme une peinture, quand tu regardes le portrait de quelqu’un : c’est toi qui ‘remplit les trous’, qui imagine ce qu’il était.» Ici, le public puise dans ses propres souvenirs d’école pour redessiner librement l’intériorité de ce concierge silencieux, expose-t-il.

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«On s’est beaucoup inspiré de la peinture et du cinéma. C’est presque une expérience cinématographique en direct, [où] les yeux du public sont la caméra. Tu es invité à choisir toi-même l’angle de vue – loin ou proche – et la composition», enchérit son complice.

«Et on joue avec les silences et l’immobilité, comme dans une peinture.» Daniele Bartolini évoque ici le peintre américain Edward Hopper, qui s’est beaucoup intéressé à la vie quotidienne des classes moyennes, parmi les influences de cette pièce qui «joue avec la notion d’aliénation dans l’espace urbain et dans l’ espace du travail, où l’homme devient un peu comme une machine». Il cite aussi la peinture naïve, à commencer par l’Italien Antonio Ligabue.

«Il n’y a pas de parole, pas de texte, mais il y a une prise de parole… que le public peut interpréter» comme il l’entend, souligne Vincent Leblanc-Beaudoin.

La pièce flirte avec les thèmes du Mythe de Sisyphe d’Albert Camus qui, creusant le sens de la vie, s’interroge sur l’apparente absurdité de l’existence.

«Que tu sois comptable ou concierge, prof ou pdg, peu importe ton rôle, il y a de la répétition dans nos vies. Nous, on ose espérer que Sysiphe est heureux. On préfère penser que la vie n’est pas complètement futile, que c’est un beau manège, malgré toutes les répétitions.»

En levant un voile sur «le travail ingrat des concierges», la pièce aborde «la solitude de ces gens qui sont “invisibles“, dont on ne note quasiment jamais la présence, alors que leur travail est très important», expliquent les deux créateurs.

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Pour le public, «c’est une opportunité de rentrer dans ce monde invisible, parce qu’on est plongés dans le silence de la nuit. On a une expérience de proximité avec nous-même et notre “fantôme“.», estime M. Bartolini. Un «fantôme», dans la mesure où «sa solitude l’habite et le hante», dans cette ambiance nocturne.

En observant les faits et gestes de ce concierge, «on part de l’intime, du “tout petit“, pour se rendre jusque à ce qui est universel, on va vers l’énorme et le sacré», promet le metteur en scène. «On met la loupe sur l’école, mais si on fait un Dézoomer on voit la société au grand complet», ajoute son comparse comédien.

Au-delà du regard que porte le spectacle sur «aliénation de l’homme, qui devient presque un objet», il y a aussi, pour le public, «quelque chose de très agréable à se retrouver ensemble», dans cette expérience collective consistant à observer les choses en silence, tout en déambulant. «C’est contemplatif et méditatif, susurre le metteur en scène, à qui un spectateur aurait confié qu’il avait l’impression d’avoir participé à une classe de yoga.

Ce spectacle ambulatoire est accessible même aux personnes à mobilité réduite, assure le duo créatif.

* Undercurrents propose une programmation bilingue depuis l’arrivée, en 2021, de son nouveau directeur artistique, Alain Richer. Le festival s’est placé sous l’égide du Fringe festival d’Ottawa, désormais producteur d’Undercurrents.

À noter : le site Internet du festival Courants sous-jacents n’est plus à jour; pour réserver des billets et obtenir le programme il faut visiter le site du Festival Frange.
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