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Le consentement : Un film sensible sur l’emprise pédophile

Le consentement : Un film sensible sur l’emprise pédophile

Avant même sa publication, le récit autobiographique “Le consentement” promettait d’être l’événement littéraire de 2020. Et pour cause : l’éditrice Vanessa Springora y relate la relation d’emprise qu’exerça sur elle l’écrivain pédophile Gabriel Matzneff alors qu’elle n’avait que 14 ans et lui, 49 ans. Après des années d’impunité et d’adulation complaisante, l’ogre qui fit carrière en relatant sa dévoration sexuelle d’enfants fut enfin mis au ban. En portant au grand écran ce qui est devenu une affaire célèbre, mais qui relève à la base d’un drame intime, Vanessa Filho a opté pour un traitement tout à la fois sensible et frontal.

L’approche de la réalisatrice, qui tient du grand écart, est d’autant plus avisée que le sujet est en lui-même aussi délicat que choquant. Il faut dire que l’autrice Vanessa Springora a participé au processus d’écriture du scénario, comme nous l’expliquait Vanessa Filho en entrevue. François Pirot (Ailleurs si j’y suis) y a également collaboré.

Lequel scénario reprend la trame de la source en maintenant la focalisation narrative sur la jeune Vanessa Springora. Non seulement la suit-on, mais c’est son seul point de vue que l’on épouse.

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Ainsi assiste-t-on, dans une proximité inductrice de malaise qui nous est imposée à dessein, à l’enivrement initial fruit d’un “toilettage” redoutable, puis à la dérive mentale provoquée par un détournement cognitif impeccable et, enfin, au désenchantement subséquent, lorsque la toute jeune fille reprend péniblement prise sur la sordide réalité.

Avec une précision clinique, mais sans rien appuyer ou surligner, Vanessa Filho montre comment ladite relation d’emprise est méthodiquement mise en place par Gabriel Matzneff (qui décrivit lui-même sa version de sa liaison avec l’adolescente dans La prunelle de mes yeux, un des volumes de son journal au long cours publié en 1993).

Repérée à 13 ans lors d’un dîner mondain, alors qu’elle s’ennuie manifestement parmi tous ces adultes éblouis par le ténor littéraire, la jeune protagoniste paraît d’abord mal à l’aise lorsque ce dernier s’adresse à elle (les propos de la tablée donnent la nausée). S’ensuit une cour secrète mais assidue…

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Et l’adolescente solitaire de se sentir « spéciale », de se sentir « l’élue »…

Dispositif dichotomique

Dans le rôle principal, Kim Higelin livre une performance à fleur de peau. Avec un naturel stupéfiant, elle parvient à accomplir l’exploit, comme si la chose allait de soi, d’incarner le dilemme énoncé par l’autrice dans son récit : « Comment admettre qu’on a été abusée quand on ne peut nier avoir été consentante ? Quand, en l’occurrence, on a ressenti du désir pour cet adulte qui s’est empressé d’en profiter ? »

Tantôt déterminée, tantôt désemparée, pleine d’assurance puis annihilée, la Vanessa de Kim Higelin se déconstruit sous notre regard impuissant. À cet égard, le tout dernier plan, où Élodie Bouchez incarne une Vanessa Springora adulte qui s’installe au clavier en un début de reconstruction, s’avère particulièrement émouvant.

Dans l’intervalle, il est cependant des séquences difficilement soutenables. Car la réalisatrice ne se défile pas. C’est-à-dire que, tout en traitant sa protagoniste avec une infinie empathie, Vanessa Filho nous met, spectatrices et spectateurs, face à la réalité crue et glauque de ce qu’est une emprise pédophile. Et elle le fait en établissant un intéressant dispositif dichotomique.

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En effet, la cinéaste présente, à l’image, des scènes d’intimité qui sont éloquentes sans être explicites (à noter que Kim Higelin avait 22 ans au moment du tournage), mais en recourant, au départ, à une esthétique un brin vaporeuse, conforme justement au point de vue ébloui (ou sidéré) de la jeune Vanessa Springora.

Plus tard, la facture change et devient plus âpre, en phase, là encore, avec la perte d’illusion de l’héroïne. Il s’agit de détails formels subtils, mais qui en disent long sur le soin et l’effort de réflexion que Vanessa Filho a apportés à sa mise en scène. À terme, Le consentement ne laisse pas indemne. Là encore, à dessein.
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