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L’amour de la caricature : une passion indéfectible

L’amour de la caricature : une passion indéfectible

D’où vous vient votre amour pour la caricature?

“Tout comme tous les enfants, j’ai toujours aimé dessiner. La différence, c’est que je n’ai jamais arrêté. Déjà à l’école, je faisais des caricatures des professeurs. Et puis, mon père est décédé lorsque j’avais treize ans et je pense que cela y est un peu lié. Dessiner est une façon de dominer le monde. Quand on parvient à dessiner quelque chose, c’est que l’on a compris comment cela fonctionne et quand on comprend, on a moins peur. Plus tard, j’ai étudié l’illustration à Saint-Luc parce que je n’avais pas le choix. Je ne savais rien faire d’autre que dessiner.”

Vous avez commencé votre carrière en tant qu’illustrateur de livres pour enfants. Comment êtes-vous passé de la littérature jeunesse à la caricature politique ?

“J’étais destiné à faire de l’illustration pour enfants. J’ai travaillé pour Averbode, Tremplin, Dorémi… Le premier livre que j’ai réalisé était pour Casterman et il a remporté le prix de littérature jeunesse Québec Wallonie-Bruxelles. Je suis un peu le Sandra Kim des livres pour enfants ! Puis, j’ai commencé à travailler pour Pan, un hebdomadaire satirique qui est devenu médiocre. Petit à petit, j’ai abandonné le dessin pour enfants pour ne faire que ça, des caricatures. Et me voilà, trente ans plus tard !”

Frédéric du Bus de Warnaffe, alias duBus, né le 11 novembre 1963 à Bruxelles, est un dessinateur et humoriste belge. Il est à la fois caricaturiste, auteur de bande dessinée et illustrateur.

Quels sont les plus grands changements que vous avez pu observer dans votre métier en trente ans ?

“Quand j’ai commencé à travailler, j’envoyais mes dessins par fax et ils étaient publiés le lendemain. Le plus grand bouleversement a été l’arrivée de Facebook. À l’époque, nous avions les informations le matin, mais maintenant, il y a une nouvelle chose toutes les dix minutes et tout le monde est immédiatement au courant. Les informations qui font parler à 10 heures du matin sont déjà dépassées une heure plus tard. Tout va beaucoup plus vite et nous avons moins de temps pour réfléchir.”

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Comment vous adaptez-vous à ce rythme ? Faites-vous plusieurs dessins par jour ?

“En général, j’attends le journal télévisé de 13 heures, je vois un peu ce qui se passe l’après-midi et j’envoie mon dessin vers 19 heures. Mais ce qui a vraiment changé avec les réseaux sociaux, c’est que l’on voit immédiatement ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Et puis parfois, j’ai une idée qui me fait beaucoup rire le matin, mais je la vois passer quinze fois sur les réseaux sociaux dans la journée et je me dis que je ferais mieux de faire autre chose.”

Faites-vous partie de ces artistes qui ont le sentiment que la société autorise une moins grande liberté de ton que par le passé ?

“Avant, les dessins de Charlie Hebdo étaient vus uniquement par les lecteurs de Charlie Hebdo, qui étaient, par définition, un public averti. Avec internet, un dessin se retrouve en un instant au Pakistan, sorti de son contexte. Tout est mondialisé et un dessin peut vite être mal compris et prendre des proportions énormes.”

Faites-vous plus attention à ce que vous dessinez qu’auparavant ?

“Nous devons faire attention. Quand je dessine une foule, je dois représenter des personnes de couleur, des femmes… C’est nouveau. Je le fais volontiers, car mon métier est aussi de suivre ces évolutions-là. Maintenant, quand je dessine un couple qui papote, je fais en sorte que ce soit l’homme qui fait la vaisselle.”

Vous vous auto-censurez parfois ?

“Dix fois par jour ! Mais c’est devenu tellement automatique qu’après trente ans, nous savons ce qui va choquer les lecteurs ou non. Mais le pouvoir de la caricature, c’est justement de montrer des choses que l’on ne voit pas dans la vraie vie. Je peux dessiner le roi en pyjama qui prend son petit-déjeuner. Ça, les gens qui font des mèmes sur internet, ils ne savent pas le faire.”

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Est-ce que vous vous forcez à diversifier vos cibles ?

“Mon guide, c’est l’actualité. Mais c’est vrai que si j’ai une idée sur Bouchez qui me fait beaucoup rire et que je l’ai déjà dessiné deux fois dans la semaine, j’essaierai de trouver autre chose. Il ne faut pas taper trop souvent sur le même clou, sinon les dessins perdent de leur force.”

Il y a des personnes qui semblent vous inspirer plus que d’autres.

“C’est clair qu’avec un type comme Trump, on peut faire des dessins tous les jours. Avec Bouchez aussi. Mais cela fait partie de mon métier de critiquer à gauche, à droite et au milieu.”

Des personnalités politiques se sont déjà fâchées suite à un de vos dessins ?

“En fait, je ne les rencontre pas. Ils ne m’appellent pas non plus. Une fois, j’ai croisé Georges-Louis Bouchez et il m’a dit ‘pourquoi me dessinez-vous toujours avec des yeux et un nez comme ça ?’ Je lui ai répondu que c’est parce qu’il a un air de traître ou de méchant de bande dessinée ! Il a une bonne tête, quoi. Et heureusement qu’il est là, car ce n’est pas avec Alexander De Croo qu’on peut s’amuser. On ne peut rien faire avec un type comme lui. Il est comme un matelas, on ne sait pas comment l’aborder, ça tombe, il n’y a pas de poignées… Bouchez a absolument tout ce qu’il faut. Mais il ne faut pas exagérer. À part ça, personne ne m’a appelé. De toute façon, les femmes et les hommes politiques sont les seuls sur qui nous pouvons encore taper sans problème. Ils savent que cela fait partie du métier, donc on peut y aller.”

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Et les lacs du Plusmara, peut-on en parler ou pas ?

“Bien sûr que nous pouvons en parler ! D’ailleurs, je l’ai fait.”

Qui sont les dessinateurs qui vous inspirent le plus ?

“La liste est longue ! Franquin reste quand même la référence. Et Peyo. Il ne m’a pas tellement inspiré dans ses dessins, mais je l’adore et ses histoires sont magnifiquement mises en scène. En revanche, ce n’est pas un dessinateur sublime. Quand je vois Franquin, j’en bave. Sinon, j’admire Hergé, mais c’est plus intellectuel qu’avec les tripes. Il y a aussi Alidor. Je me demande toujours comment il aurait fait à ma place, comment il aurait mis en scène les choses. Et à côté de cela, il y a Rembrandt, Raphaël, Degas… Je suis en train de relire tous les Blueberry.”

Et parmi les auteurs contemporains, y a-t-il des gens qui vous inspirent ?

“À un certain âge, on arrête de découvrir de nouvelles choses. Par exemple, les romans graphiques ne me captivent plus. Je n’ai plus beaucoup de curiosité et c’est dommage. Il y a trop de choses. À un moment donné, nous ne pouvons plus tout absorber. Je peux voir quelque chose de sympa passer, mais je reviens toujours aux mêmes auteurs. Et puis, à soixante ans, on ne change plus sa façon de dessiner. J’ai plein de tics. Cela m’énerve, mais c’est normal. Je le vois chez tous les dessinateurs, même les meilleurs.
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