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La transition écologique dans l’industrie aéronautique : enjeux et perspectives

La transition écologique dans l’industrie aéronautique : enjeux et perspectives

Alors que la possibilité de maintenir le réchauffement sous la barre des 1,5 °d’ici 2030 semble progressivement s’éloigner, certaines données interpellent. Par exemple, le volume du trafic aérien : ce dernier a été multiplié par 13 depuis le début des années 70. Une croissance exponentielle, qui s’est évidemment accompagnée d’une hausse substantielle des émissions de CO2 du secteur. Pour inverser la courbe, les avionneurs partagent une idée fixe : inventer et commercialiser l’avion décarbonné. Un challenge technologique plausible, à entendre le PDG d’Airbus Guillaume Faury, optimiste fin avril dernier au micro de France Inter : « Lord Kelvin, un grand mathématicien, avait dit en 1895 que faire voler des objets plus lourds que l’air était physiquement impossible. Huit ans plus tard, en 1903, on faisait décoller le premier avion. Alors, est-ce que les solutions existent pour décarboner l’aviation ? Absolument. » Pour y voir plus clair et réellement anticiper comment le secteur pourrait radicalement réduire son impact environnemental, le syndicat CFTC d’Airbus avait organisé le jeudi 5 octobre une grande table ronde sur la transition écologique. Le chercheur à l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace Nicolas Gourdain, le juriste de la CFTC métallurgie Vincent Kowal et l’enseignant et spécialiste de la RSE Jacques Igalens y sont successivement intervenus, alors qu’une centaine de salariés de l’avionneur – adhérents comme non adhérent à la CFTC – s’étaient déplacés pour assister à l’évènement. Le grand défi Avant d’esquisser de potentiels changements, il s’agissait d’abord de mesurer l’ampleur de la tâche qui se profile pour les avionneurs. Les constructeurs d’avions devront notamment s’accommoder d’un secteur où les solutions miracles n’existeront vraisemblablement pas. L’avion électrique – souvent cité comme un atout-maitre de la réduction des émissions carbone des appareils – ne pourra ainsi pas résoudre à lui seul l’ensemble des problématiques écologiques du milieu. « A l’échelle mondiale, l’activité qui émet le plus de CO2c’est la production d’électricité, dont la première source de production reste le charbon » décrypte Nicolas Gourdain. Moralité ? « Un avion électrique pourrait donc, en substance, générer plus de Co2 qu’un avion à kérosène. La commercialisation de modèles électriques n’est pas non plus à exclure totalement. « Si on arrive à planétairement décarboner l’électricité, le match sera très différent, nuance ainsi Gourdain. En France, la production d’électricité a par exemple la particularité d’être plutôt bas carbone. » Néanmoins – sauf à envisager une percée technologique majeure – l’avion propre devrait probablement être très gourmand en électricité : « En postulant que l’aviation mondiale opte pour un mix énergétique décarboné – type bio-électricité, biocarburants, hydrogène- on estime que 15 à 40% de l’électricité mondiale devrait être utilisée pour faire voler une flotte d’avions équivalente à celle qui existe aujourd’hui. » A la recherche du bon mix énergétique Une solution plus intermédiaire et réaliste pourrait consister à opter pour des carburants différents en fonction du trajet et des appareils choisis. A titre d’exemple, Airbus planche actuellement sur la commercialisation en 2035 d’un avion à hydrogène à zéro émission de Co2mais dont les usages seraient territorialement limités. Selon une étude de l’ONG International Council on Clean Transportation (ICCCT), l’hydrogène nécessite en effet des volumes de stockage inadaptés aux vols long-courriers. « Mais les avions à hydrogène seront viables sur les vols courts et moyens-courriers, nuance l’ICCCT. Ils pourraient pratiquement éliminer leurs émissions de CO2 . »Alors que 80% des émissions de dioxyde de carbone sont le fait des moyens et des longs courriers, l’hydrogène fait dès lors figure de solution prometteuse, mais parcellaire. En parallèle du développement de nouveaux carburants, les avionneurs devront donc aussi s’atteler à optimiser la consommation de carburant de l’avion à kérosène, pour diminuer symétriquement ses émissions de CO2. Tout sauf chimérique, dans une industrie qui a fait des gains énergétiques sa spécialité. « C’est très simple, depuis les années 1970, on a divisé par 5 l’énergie nécessaire pour faire 1 km/passagerappuie Gourdain. Absolument aucun secteur ne fait aussi bien que l’aviation dans ce domaine-là ». Le chercheur a ainsi modélisé un scénario où l’avion à kérosène serait poussé au bout de ses possibilités technologiques, dans les années à venir : « En gros si on prend tout ce qu’il y a sur l’étagère en terme d’innovation technologique – amélioration du moteur, réduction de la voilure laminiaire, amélioration des systèmes d’électrification dans les avions et des structures – on arrive à la possibilité de gagner 30 à 35% en termes d’efficacité énergétique, par rapport à aujourd’hui. » Le CSE, outil de surveillance environnemental Pour assurer la bonne mise en œuvre et l’accélération des changements structurels du secteur, les syndicats ont récemment acquis une certain nombre d’outils à leur disposition. « L’intégration de l’environnement dans le droit du travail français est récente, elle date surtout de 2021 avec la loi climat et résilience, situe le juriste de la CFTC métallurgie Vincent Kowal. Elle donne au dialogue social, c’est-à-dire à vos représentants, la possibilité d’agir sur ces questions-là… Au travers du congé de formation syndicale, nos élus ont également la possibilité de se former sur ces enjeux et problématiques écologiques. » Aujourd’hui, les employeurs sont notamment tenus de communiquer un certain nombre de données environnementales à leurs salariés – des émissions directes de gaz à effet de serre émises par l’entreprise aux émissions indirectes liées à l’énergie (créées lors du processus de production d’un produit). « Par ailleurs, le comité social et économique (CSE) peut désormais interroger l’employeur sur les conséquences environnementales de son activité, reprend Vincent Kowal. Si le CSE a le soupçon ou l’intuition que l’entreprise mène des activités dont les effets écologiques n’ont pas été soumis à l’attention de la représentation syndicale, il peut demander une expertise. « Selon le cas de recours, celle-ci sera directement financée par l’entreprise ou via le budget de fonctionnement du CSE. Il faut donc commanditer ces audits en responsabilité. » Si les doute du CSE sont confirmés, il peut demander à la justice de repousser ou de suspendre la mise en œuvre des mesures qui n’ont pas respecté la transparence exigée de l’employeur. Vers un dialogue social prescripteur Dans un registre plus quotidien, le dialogue social et la représentation syndicale peuvent aussi participer à l’accélération et à l’approfondissement des politiques et transformations écologiques de l’entreprise. Illustration avec la Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels (GEPP) :  ce dispositif, auquel sont associés les syndicats, vise depuis 2017 à prévoir les évolutions de l’emploi et des compétences des salariés au sein d’une entreprise, en anticipant ses mutations économiques. « Le contexte de la transition écologique va nous obliger, comme syndicat, à déplacer de la compétence, Représenter Smith. On aura davantage besoin de certains métiers, d’autres seront moins demandés et ça, il faut l’anticiper dans la formation et la reformation des gens. » L’intéressement et la participation, dont les modalités sont annuellement négociées par les partenaires sociaux, pourront, eux, être associés au respect d’un certain nombre de critères environnementaux. « C’est déjà le cas à Airbus, du moins pour les cadres supérieurspointe Florent Veletchy, le coordinateur CFTC du groupe Airbus. Une part de leur rémunération variable est impactée par le bilan C02 du secteur où ils travaillent. » Pour assainir le bilan écologique de l’entreprise, les syndicats peuvent aussi négocier une modulation avantageuse et raisonnée du temps de travail « Le télétravail comme la semaine de 4 jours contribuent à faire baisser les émissions de CO2puisqu’ils réduisent les déplacements des salariés, confirme Smith. Au dialogue social, donc, d’embrasser un rôle prescripteurdans l’adoption et le maintien de politiques environnementales ambitieuses. C’est sur cette idée que Jacques Igalens – professeur à l’IAE Toulouse School et auteur de plusieurs ouvrages sur la responsabilité sociale des entreprises – a souhaité conclure la table ronde écologique du jour : « Dans le cadre des réglementations socio-environnementales, le sens de l’histoire a souvent été le suivant : on a commencé par des mesures de régulation facultatives, volontairement adoptées par certaines entreprises, avant de les rendre progressivement obligatoires au restant des sociétés. Pour globaliser ces bonnes pratiques, c’est donc à des firmes pionnières – et Airbus peut faire partie du lot – de montrer le chemin. » CA Crédit photo de Une: Falcon® PhotographyCrédit photo 2 : Matt Brink in an article which can rank high in google
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