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La science-fiction métaphysique de Karel Thole

La science-fiction métaphysique de Karel Thole

2023-12-02 12:09:53

‹‹Mais la couverture la plus regardée de toutes a été celle du numéro 265, « Le Rêve du Tecnarch » de Robert Silverberg. Outre la merveille de ce mot obscur, « Tecnarch », qui m’a fasciné pour son côté archaïque et technologique, il y a sur cette couverture se trouvait l’image même de ma contemplation : un visage d’homme, de trois quarts, les yeux fixés sur un point indéfini, à côté de lui un grand hublot ovale s’ouvre sur les beautés de l’univers étoilé, mais l’homme est absorbé, perdu dans son plus pur enchantement››.

Michele Mari l’écrit dans son récit ‹‹Les couvertures d’Urania››. Et cette couverture, comme des centaines d’autres, est du grand illustrateur néerlandais Carolus Adrianus Maria Thole, connu sous le nom de Karel Thole (1914-2000).

À la fin des années 1950, il s’installe à Milan, bientôt embauché par Mondadori qui lui confie les couvertures d’Urania, une revue qui publie encore aujourd’hui les romans des grands noms de la science-fiction mondiale, et plus tard aussi des romans d’horreur et de mystère, notamment de Agatha Christie.

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Dans la nouvelle vente aux enchères d’originaux des maîtres de la bande dessinée et de l’illustration à la Galerie d’Art Little Nemo de Turin (Via Ozanam 7), on trouve plusieurs de ses couvertures. «Thole était un illustrateur éclectique – dit Sergio Pignatone de Little Nemo. – Il passe du crayon au fusain puis à la détrempe et excelle dans la technique dite du grattoir, la technique difficile qui consiste à gratter les traces blanches d’un carton préalablement recouvert d’une patine noire». Au cours d’une très longue carrière (la dernière couverture est celle d’Urania de 1998, «Picatrix», une aventure de l’inquisiteur Nicolas Eymerich de Valerio Evangelisti), il a su façonner l’imaginaire fantastique des lecteurs italiens.

«C’était un artiste véritablement international – ajoute Pignatone. – Il a travaillé pour l’Italie mais aussi à l’étranger, notamment en Allemagne, il a exposé partout dans le monde, même à New York.

La science-fiction de Thole était low-tech, presque onirique et métaphysique, comme on le voit par exemple dans ‹‹The Mask››, parmi les œuvres mises aux enchères.

Compte tenu de la charge de travail, il ne pouvait pas lire les romans dont il faisait les couvertures, la rédaction lui a envoyé un court résumé : cependant, en tant que lecteurs, nous pouvons témoigner que, d’une manière obscure (comme s’il était le technarque du roman cité par Mari), a toujours réussi à capter l’esprit de l’œuvre.

Aussi bien lorsqu’il était plus libre (science-fiction et horreur) que lorsqu’il était contraint de suivre certaines limites comme dans les romans policiers (les physionomies d’Hercule Poirot, Miss Marple ou Nero Wolfe devaient être reconnaissables pour le lecteur).

Par exemple, sur la couverture d’un recueil de nouvelles Club dei Dodovi Neri, une série policière d’un maître de la science-fiction aussi à l’aise dans le mystère comme Isaac Asimov, au premier plan il y a (ou du moins le lecteur reconnaît) le serveur Henry, véritable esprit du Club (le seul prolétaire, les autres sont des professionnels confirmés), résolveur de toutes les énigmes que soumettent les Veufs par leurs invités.

Et puis il y avait ses femmes, toujours sensuelles, intrigantes, qu’elles soient des extraterrestres venues de mondes lointains ou des dames sombres d’un roman policier. ‹‹J’étais le mouton noir de ma famille›› a-t-il déclaré lors d’une apparition exceptionnelle à la télévision dans les années 1980 avec les rédacteurs d’Urania Carlo Fruttero et Franco Lucentini (à l’époque les trois personnifications de la science-fiction italienne), faisant allusion à l’érotisme subtil de ses femmes.

On le voit par exemple dans la charmante dame qui, en robe de chambre, se dirige vers Hercule Poirot en couverture de ‹‹Poirot à Styles Court››, la première aventure de l’infaillible détective belge et aussi le premier roman de sa créatrice, Agatha Christie.

Ou dans la fille sauvage d’EC Tubbs ‹‹Miss Trevor, je présume ?›› du numéro 833 d’Urania des années 1980.

On pourrait se demander s’il aurait dessiné des bandes dessinées, peut-être sous forme de livre (appelés romans graphiques), s’il était né quelques décennies plus tard.

Pignatone l’exclut. ‹‹Il y a d’excellents dessinateurs de bandes dessinées qui ont également été de bons dessinateurs de couvertures – commente-t-il. – Mais l’inverse ne se produit pas : Luigi Corteggi, par exemple, excellait en tant que dessinateur de couverture, mais était bien moins bon en tant que dessinateur››.

Ses couvertures, désormais très recherchées, furent cependant peu prises en compte par son éditeur.

‹‹C’est dommage que Mondadori ait envoyé la plupart de ses couvertures des années 1960 et 1970 à l’usine de pâte à papier – conclut Pignatone. – Maintenant, les nouveaux illustrateurs, bien que très bons, réalisent les couvertures (belles même si un peu froides pour moi) en numérique, donc il n’y a pas d’originaux qui peuvent être vendus››.



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