La lutte contre l’antibiorésistance : enjeux et défis

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) la désigne comme une « pandémie silencieuse » et l’une des principales menaces mondiales de santé publique. Chaque année, l’antibiorésistance, la résistance de bactéries aux antimicrobiens, compromet la capacité de la médecine à soigner des infections, entraînant des échecs thérapeutiques, des retards de soins, et 1,3 million de morts dans le monde – 35 000 en Europe, 5 500 en France.

Alors que ce phénomène nécessite une action concertée entre médecine humaine et médecine vétérinaire, les dernières données de surveillance sanitaire françaises font état d’une situation contrastée : chez les humains, une reprise de la consommation d’antibiotiques a été observée en 2022, selon Santé publique France (SPF), quand l’exposition des animaux aux antibiotiques a, elle, fortement baissé, note l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) dans son bilan publié vendredi 17 novembre.

En matière de consommation humaine, la France reste l’un des mauvais élèves de l’Europe, au cinquième rang des pays les plus consommateurs par habitant, derrière la Roumanie, Chypre, la Bulgarie et la Grèce. Elle était ainsi 31 % au-dessus de la moyenne des pays européens. « Ce qui me frappe, ce sont les échecs successifs des derniers plans nationaux sur les antibiotiques, depuis près de vingt ans »déplore le professeur Robert Cohen, président du Conseil national professionnel de pédiatrie.

Certes, le premier plan Antibiotiques, couvrant la période 2001-2005, avait réussi à réduire la consommation d’antibiotiques de 19 % en France. Mais depuis, le recours à ces armes thérapeutiques n’a pas suffisamment baissé. D’environ 1 000 prescriptions pour 1 000 habitants en 2012, la consommation d’antibiotiques est passée à plus de 800 prescriptions en 2022 (hors hospitalisations), selon SPF. Cette dernière année a notamment été marquée par une hausse des ventes de 16,6 % par rapport à 2021.

« Le système de prescriptions reste très permissif »

C’est en médecine de ville que sont prescrits près de 90 % des antibiotiques, et que la reprise de leur consommation s’est confirmée. SPF précise que « les niveaux observés restent toutefois légèrement inférieurs à ceux de 2019 »avant la pandémie de Covid-19. Lors de cette crise sanitaire, le recours à ces médicaments avait considérablement chuté : les confinements et les mesures barrières avaient freiné la diffusion des germes infectieux de tous types.

En 2022, les prescriptions pour les enfants de 0 à 4 ans – la tranche d’âge pour laquelle elles sont les plus élevées – ont même dépassé les niveaux de 2019. Durant la pandémie, les confinements et les mesures barrières, en limitant les infections, ont affaibli les défenses immunitaires naturelles des enfants. « Mais dès que ces mesures ont été levées, les infections comme les prescriptions sont d’autant plus reparties à la hausse que ces enfants étaient moins bien immunisés »explique Robert Cohen. De fait, en 2022, il y a eu « une explosion d’infections pédiatriques, notamment hivernales, atteignant des niveaux rarement atteints ». Si les bronchiolites, comme les autres maladies virales, ne nécessitent pas d’antibiotiques (sauf en cas de surinfections bactériennes, pour certaines d’entre elles), les angines à streptocoques, les scarlatines, les impétigos et autres infections bactériennes ont fortement accru le recours à ces traitements.

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