Les incendies de forêt dévastent actuellement les Territoires du Nord-Ouest à un rythme trois fois plus élevé que la moyenne des dix dernières années, une tendance qui démontre une fois de plus l’impact du réchauffement climatique, selon un expert. Entretien avec Edward Struzik, membre de l’Institut de l’énergie et de la politique environnementale de l’Université Queen’s.
Q : Pourquoi les incendies dans l’Ouest sont-ils si intenses en ce moment ?
R : Ce que nous constatons actuellement dans l’Ouest est assez différent de ce que nous avons déjà vu, surtout en termes de températures élevées et de sécheresses prolongées. Cela a pour conséquence de réduire la force du courant-jet, ce courant d’air en altitude qui circule d’ouest en est. Il a donc plus de difficulté à déplacer les masses d’air chaud comme par le passé. En conséquence, la chaleur reste plus longtemps au Québec, en Colombie-Britannique et dans les Territoires du Nord-Ouest. Cela crée des conditions très favorables à la propagation des incendies.
PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UBC OKANAGAN
Edouard Struzik
Q : Comment les choses ont-elles changé au cours des 20 dernières années ?
R : Actuellement, les feux de forêt se propagent à une vitesse phénoménale. Le bois est détruit par les flammes à un rythme beaucoup plus rapide qu’il y a 20 ans. Les incendies sont parfois tellement intenses qu’ils génèrent leur propre activité d’éclairage. Dans certains cas, l’énergie dégagée est presque équivalente à celle d’une éruption volcanique. Ces phénomènes d’éclairage soudains sont assez inédits. On peut presque voir un spectacle pyrotechnique dans tout le paysage canadien.
Q : À quoi pouvons-nous nous attendre dans les prochains jours dans les Territoires du Nord-Ouest ?
R : Malheureusement, les prochains jours risquent d’être ensoleillés et chauds, selon les prévisions. Il y a eu un peu de pluie et de températures plus fraîches vendredi, ce qui est positif. Ce que les gens ne réalisent pas, c’est qu’une fois que ces incendies atteignent une certaine taille, ils deviennent très difficiles à arrêter. On peut les ralentir ou les détourner, mais pour le reste, nous dépendons grandement des conditions météorologiques, notamment de fortes pluies prolongées. Nous devons vraiment compter sur les aléas de la nature.
Q : En général, devons-nous nous attendre à davantage d’incendies au Canada ?
R : Je dis souvent qu’il faut apprendre à vivre avec cela. À l’heure actuelle, les incendies ne diminueront pas en intensité, quoi que nous fassions, du moins pour le moment. La température continuera d’augmenter et nous savons que chaque augmentation de 1 °C entraîne environ 12 % d’éclairs et d’orages supplémentaires, surtout en Colombie-Britannique, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Québec. En bref, il est inévitable qu’il y ait davantage d’incendies à l’avenir, malheureusement.
Q : Que pouvons-nous faire collectivement pour aider ?
R : Il y a des actions que nous pouvons entreprendre individuellement et en tant que société pour contribuer, comme créer des forêts jeunes plus résilientes lorsqu’elles brûlent. Nous pouvons également établir des barrières entre les communautés et la forêt, sensibiliser les gens à construire des habitations durables. De plus, nous devrions cesser de produire des énergies fossiles, mais pour le moment, cela semble peu probable. Cependant, il s’agit d’une voie à suivre à plus long terme, et je ne suis pas le premier à le dire.
