2023-04-21 16:27:58
Au sénateur Giorgio Pisanò, déjà volontaire dans le X Mas, pour qui les Italiens pouvaient faire la paix avec leur passé parce que les fascistes comme les partisans avaient « la patrie dans leur cœur », Vittorio Foa a répondu que « si nous parlons des morts, C’est très bien. Les morts sont morts : respectons-les tous. Mais si vous parlez de quand ils étaient vivants, ils étaient différents. Si tu avais gagné, je serais toujours en prison. Depuis que nous avons gagné, vous êtes sénateur».
C’est une phrase célèbre aussi parce qu’elle est définitive. En effet, rien de mieux pour expliquer ce qui a longtemps fait défaut dans le discours public, à savoir le silence des anciens fascistes sur les conséquences concrètes pour la liberté de chacun, que la différence entre démocratie et régime totalitaire. Cet aveu est venu de Gianfranco Fini, mais plus tard on n’a entendu que des demi-mots bureaucratiques, sinon évasifs, du reste accompagnés de la caricature d’antifascisme militant (auquel certains de leurs protagonistes se sont d’ailleurs prêtés). Enfin, après l’établissement du gouvernement Meloni, les représentants les plus autorisés des Frères d’Italie ont déclenché la retraite. À l’heure actuelle, il existe d’innombrables épisodes dans lesquels ils reviennent aux épisodes de la Résistance pour dire, par ex. enfin, que dans le massacre des Fosse Ardeatine des “Italiens” (Meloni) ont été tués, pas des partisans, ou que via Rasella les partisans ont tué “un groupe musical de semi-retraités” (La Russa), pas les nazis.
On a affaire à des misères pour lesquelles on s’excuse peut-être alors quand le faux a été dit, comme dans le cas du président du Sénat. Mais l’impression demeure d’une stratégie planifiée et donc convenue, devant exclure l’hypothèse d’en-têtes individuels. Alors, à quoi peut servir une telle stratégie ? Il y a ceux qui s’imaginent qu’elle vise à dédommager les militants du parti, frustrés par la nécessité d’accepter la continuité avec le gouvernement Draghi dans trop d’autres aspects, et ceux qui estiment qu’elle contribue à détourner l’attention des grandes difficultés rencontrées dans le respect de l’époque de l’agenda du PNRR, que les administrations publiques italiennes n’étaient et ne sont objectivement pas préparées à suivre.
Il se peut même que les deux lectures soient valides. En tout cas, ils ne suffisent pas. Surtout, il y a l’intention de préparer progressivement, avec la progressivité permise à un parti qui a remporté les élections et qui devrait avoir une législature devant lui, un nouveau récit. Une banalisation du passé dans laquelle l’identité constitutionnelle de la République est mise de côté et remplacée par l’indication d’un minimum de bon sens aux Italiens, qui serait offert par le concept de nation. La référence obsédante à la nation dans les discours du Premier ministre se soude, en ce sens, au forçage maladroit des faits historiques qui résultent de ses déclarations et de celles des autres sur la Résistance.
Il sera bon de noter deux choses. Tout d’abord, que la Constitution a donné à la République un horizon de principes qui allait bien au-delà de la négation du récent passé totalitaire. La Résistance, jointe à des conditions géopolitiques bien connues, a permis ce passage et c’est avec elle, vue dynamiquement dans les conditions d’aujourd’hui, qu’on le veuille ou non la comparaison doit s’établir.
Deuxièmement, la Constitution utilise les mots “Nation” et “national” à diverses occasions, bien qu’à d’autres elle préfère utiliser les mots “République”, “Patrie” ou “Pays”. Cet élément a été mis de côté dans le récit de l’antifascisme. Or le Président de la République “représente l’unité nationale”, “Chaque député représente la nation” et “Les agents publics sont au service exclusif de la nation”. Ce mot a ainsi été soustrait à l’idéologie nationaliste. Mais il n’est pas le seul à indiquer le chiffre de l’ensemble de la communauté, comme il en résulte par exemple. de la référence à la “défense de la patrie” comme “devoir sacré du citoyen”.
Les Constituants se sont donc sentis libres de choisir les mots les mieux adaptés au contexte dont ils parlaient. C’est une liberté qui a été perdue et qu’il faut maintenant récupérer. Les obsessions pour certains termes sont tout aussi mauvaises que les refoulements. Mais il faut savoir répondre positivement à l’un comme à l’autre. En fin de compte, cela nécessite un jour de libération comme le 25 avril.
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