2024-02-11 14:08:06
“Tout écrivain rêve d’une île ou d’une cellule solitaire”
| Temps de lecture : 3 minutes
Jean-Paul Sartre fut l’un des intellectuels les plus importants de son époque. Dans sa vie privée, il vécut très modestement dans sa vieillesse. Lorsque notre auteur lui rendit visite, la compagne de Sartre, Simone de Beauvoir, fut indignée.
ÜIl y a probablement plus d’un demi-siècle que j’ai rencontré le pape vieillissant de l’existentialisme dans sa dernière et minime demeure du boulevard Raspail à Paris. Le philosophe était plus petit que prévu, son visage était plus feuilletonien que profond, le plus impressionnant de tous était sa bouche enfantine mais déterminée. C’était l’époque de la fin de la guerre d’Algérie. De nombreux officiers militaires français se sont sentis abandonnés par Paris et ont planifié un coup d’État.
C’est au cours de cette opération que l’appartement de Sartre, place Saint-Germain-des-Prés (qui porte aujourd’hui son nom), est investi par la clique illégale des conspirateurs. OÉA bombardé et son occupant s’est installé dans le petit hôtel délabré. En tout cas non loin du Café de la Coupole, où il retrouvait Simone de Beauvoir tous les dimanches.
Cependant, cela faisait de nombreuses années qu’il n’avait pas partagé son lit – apparemment, il ne pourrait jamais lui apporter la passion dont elle rêvait. Mais le fameux contrat est resté en vigueur. Pas de mariage, pas d’enfants. Et ils étaient liés l’un à l’autre pour toujours dans un « amour nécessaire ». Cela n’exclut pas que tous deux puissent avoir de nombreux « intérêts secondaires », à condition qu’ils se rapportent régulièrement tout dans les moindres détails. Le fait que les gens devaient prendre soin les uns des autres dans toutes les situations est resté à vie.
Quant au maître, il était désormais totalement aveugle. Il ne savait plus composer philosophiquement et il avait toujours refusé de dicter des textes. Heureusement, il disposait de toutes sortes d’aides pour ses besoins quotidiens, dont « mes sept jeunes maîtresses ». Comme pour Simone, il s’agissait avant tout de relations avec des jeunes juifs. Pourquoi en fait, je me sens obligé de demander. Sartre nous a offert son rare rire serré : « Les Juifs sont apparemment les seuls à pouvoir s’intéresser à la fois à votre travail, à votre genre et à votre humanité. »
Il était heureux de raconter en détail sa co-fondation du nouveau quotidien de gauche « Libération ». Un journal qui n’acceptait pas la publicité de l’entreprise, mais plaçait gratuitement des annonces personnelles basées sur le lieu de travail ou le choix du partenaire. Et bien sûr, il voulait aussi vendre les journaux eux-mêmes dans la rue, comme le journal maoïste « La Cause du peuple » à l’époque. Avec un sourire rare : “Depuis que de Gaulle a dit ‘On n’arrête pas un Voltaire’, je suis devenu intouchable par la police.”
Sartre soupire et Beauvoir se plaint
Question : Tout cela peut-il être attribué à son idéal de solidarité ou plutôt à un complexe de martyr ? Sartre soupira : « La prison, un rêve ! Tout écrivain rêve d’une île ou d’une cellule solitaire où il n’y a rien entre lui et son journal. » Il a ensuite accepté tous nos projets de film. Ce n’était pas comme ça avant. Apparemment, je combats l’ennui. A peine rentré, un appel furieux de Madame de Beauvoir, temporairement remplacée par une des dames du harem de Sartre.
Comment pourrais-je contacter directement le Maître sans son consentement préalable ? En tout cas, il est désormais bien trop tard, le grand homme est complet pour au moins six mois. Finalement, la jeune femme, avec colère, jette le combiné. Sartre connaissait-il le dicton du Méphistophélès de Goethe : « En fin de compte, nous dépendons des créatures que nous créons » ?
Georg Stefan Troller, né dans une famille juive à Vienne en 1921, vit à Paris. Ses œuvres les plus importantes comprennent environ 1 500 entretiens, dont ceux du « Paris Journal » et de la « Description personnelle ».
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