C’est la surprise rap français de l’année. Deux poids lourds du genre, le rappeur Gazo – plus de 550 000 exemplaires vendus de ses deux premiers albums, Foret FR (2021) et KMT (2022), et Tiakola (300 000 copies de son premier disque, Mélo) – publient ce 1er décembre La mélo est gangx.
Un peu comme si Clara Luciani et Juliette Armanet, ou Etienne Daho et Benjamin Biolay sortaient une œuvre en commun, confrontant leurs styles d’écriture, leurs musiques et leurs manières de chanter. Sauf qu’avec nos deux jeunes artistes de musique urbaine, élevés dans les foyers de l’ASE (aide sociale à l’enfance) pour Gazo, et à la cité des 4 000 de La Courneuve pour Tiakola, l’ambiance n’est pas la même.
Le 21 novembre, les deux rappeurs donnaient leur première interview ensemble, dans les locaux parisiens de la plateforme de streaming Deezer, où ils participaient à l’enregistrement d’une émission. Dans une petite salle, six copains aux carrures de rugbymen se détendent pendant qu’une coiffeuse finit de tresser Tiakola. Gazo, lui, a l’air de s’endormir. Il a de quoi être fatigué. Le 16 novembre, Ibrahima Diakité, 30 ans, jouait à guichets fermés à l’Accor Arena de Paris et célébrait ainsi le succès de ses deux premiers opus : « Je ne dors pas bien en ce moment, explique-t-il trop de choses en tête… Cette sortie d’album, c’est comme la rentrée quand tu es petit, tu n’arrives pas à dormir la veille. Je suis impatient. »
Référence à leurs idoles basketteurs
Des rentrées scolaires, Gazo n’en a pas fait beaucoup, pourtant. L’artiste a arrêté l’école en 6e et a écrit ses premiers textes de rap au dos de ses contrôles de grammaire. Depuis, il a pris sa revanche sur la langue française. Aujourd’hui, il la triture, simplifie les phrases complexes, l’enrichit d’adverbes inventés, de verbes fleuris. « J’ai ma façon d’écrire, c’est vrai. Je bégaye, il a fallu que je trouve une manière de rapper avec mes tics de langage. » Aujourd’hui, son bégaiement a disparu. « Il revient quand je m’énerve. »
Tiakola, 23 ans, tout sourire, est allé un peu plus loin dans les études. Il s’est arrêté en 1re, et regrette simplement de ne pas avoir été plus assidu aux cours d’anglais : « Ça me manque quand je vais dans les défilés, par exemple, explique-t-il. Je ne peux pas échanger avec les célébrités. J’ai croisé Erykah Badu au show Bottega Veneta, impossible de lui parler. » Sur le premier morceau de leur album, 24 34, en référence aux numéros des maillots de leurs idoles basketteurs Kobe Bryant et Shaquille O’Neal, le chanteur ne peut s’empêcher d’évoquer les déboires scolaires : « C’était double zéro sur nos copies/Double zéro maintenant sur nos fiches de salaire. »
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