Quoi le comté de Moore, en Caroline du Nord, et ses 45 000 habitants, aient été plongés, le 3 décembre, dans l’obscurité et le froid, et privés d’électricité, n’a rien eu d’exceptionnel et de dramatique. Mais que cette coupure d’électricité ait fait décréter un état d’urgence local et un couvre-feu a de quoi surprendre.
Les autorités ont d’abord minimisé l’affaire : la panne a bien été provoquée par un acte de malveillance. Mais il pourrait s’agir d’un débordement aviné et d’un carton à l’arme automatique… Quoi de surprenant au pays de l’AR-15 en vente libre et du port d’armes pour (presque) tout le monde ?
Sauf que l’attaque contre le transformateur du comté de Moore n’est pas prise à la légère par les autorités locales mais aussi fédérales. Et qu’elle ne constitue pas un cas isolé.
Les effets vont se compter en millions de dollars
assure le shérif Ronnie Fields. Des millions effectivement en réparations et en pertes pour l’économie locale déjà mise à mal par l’épidémie de Covid
.
« Pas une cible prise au hasard »
Ce n’est pas une cible prise au hasard
et les tireurs savaient exactement ce qu’ils faisaient
ajoute le shérif Fields qui a reçu l’aide du FBI, signe que les autorités fédérales prennent aussi l’affaire au sérieux. Le site spécialisé Homeland Security Today a même sorti, dès le 6 décembre, un dossier spécial sur les menaces qui pèsent sur les infrastructures électriques.
Les attaques de ce style ne sont pas isolées. Seuls leur envergure et leur impact encore limités les font passer sous le radar médiatique. Pourtant, elles se comptent en dizaines. James D. Madia, un ancien capitaine de police et désormais chef de la sécurité pour un grand distributeur d’énergie américain, révèle que ce type d’attaques remonte aux années 1990 mais que c’est surtout depuis 2013 et l’attaque contre les installations de la Pacific Gas & Electric Company, à Metcalf dans la Silicon Valley (26 millions de dollars de dégâts) que la tendance est devenue inquiétante.
Depuis le début de 2022, Madia a recensé cinq attaques majeures dans les États de l’Oregon, de Washington, de l’Oklahoma, du Dakota du Sud et de Caroline du Nord. Et les indicateurs suggèrent que l’attaque du comté de Moore ne sera pas la dernière
se détourne Madia.
Effectivement les appels à des actions violentes contre ce type d’infrastructures se multiplient, lancés par des groupuscules néonazis, éco-fascistes (de la mouvance de l’activiste anarcho-écologiste Unabomber) et surtout accélérationnistes (un mouvement qui vise à faire éclater des affrontements entre communautés). Un récent manuel diffusé par des accélérationnistes explique que le réseau électrique est la dernière chose qui empêche les gens de s’entre-dévorer
et qu’il doit donc constituer la cible principale des attaques visant l’effondrement de la société.
Des appels à « tuer l’électricité »
Le leader éco-fascist Mike Ma, fondateur du Fête des Pins et auteur du livre Architecture du harcèlement, lance les mêmes appels à tuer l’électricité
. Au plus grand effroi de l’Office of Intelligence and Analysis. Ce service de renseignement du Département de la Sécurité intérieure assiste à la multiplication des appels aux attaques contre les réseaux (électricité et eau en particulier) et reconnaît son impuissance à protéger le la grille
électrique américain sans l’aide des forces de sécurité.
Un militaire du 445th Security Forces Squadron joue le rôle d’un assaillant lors d’un exercice à la Albright Power Station, en Virginie. © 445th Airlift Wing, Public Affairs
Pour sa part, le Département de l’Energie, qui gère, entre autres, les centrales nucléaires et les sites sensibles, fait déjà appel à des entreprises de sécurité pour sécuriser ses sites. Plusieurs sociétés militaires privées américaines se chargent de cette mission avec des moyens importants (blindés légers, drones et hélicoptères).
Mais les États-Unis comptent 6 400 centrales de production électrique, 55 000 sous-stations, 725 000 km de lignes à très haute tension, 8,9 millions de km de lignes électriques et 3 000 fournisseurs et distributeurs d’énergie électrique qui ont du mal à s’entendre sur une stratégie sécuritaire.